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Pavel 4 - Le livre des voyageurs

Dans l'immense taïga de bouleaux, de mélèzes et de sapins, qui pourrait découvrir la clairière des brigands? Ils y sont bien cachés. C'est là que se préparent les raids si redoutés dans les villages jusqu'à cent kilomètres à la ronde. Une fois ici, une fois là... Terrorisées, les victimes donneraient n'importe quoi pour avoir la vie sauve. Les bandits en profitent pour emporter tout ce qu'ils peuvent. Un adolescent participe à ces incursions. Il a le courage et l'intuition d'un chef. Ce jeune homme, c'est Pavel.

Huit ans ont passé depuis qu'on l'a trouvé, jeune enfant endormi sous un arbre. Il s'est fait à cette vie. Sa conscience a vite appris à se taire. Mais en ce beau jour d'automne, elle va se réveiller...

Chevaux et cavaliers suivent le long chemin qui traverse la forêt. Pavel est en tête. Il aime n'avoir devant soi que le visage paisible de la nature sauvage. Brusquement, il tire sur la bride. Son cheval s'arrête net au bord du chemin. Sur leur monture, ses compagnons l'imitent.
– Ecoutez! dit Pavel, on entend des grelots... un attelage approche. Vite, tous à couvert! Ne bougeons plus!

Le chant des grelots se fait plus précis. Bientôt, tiré par de robustes chevaux, un char arrive, occupé par deux hommes.

Soudain, de toute part des cavaliers surgissent. Le char est vite cerné! Les deux voyageurs ont compris: on va les dépouiller! Vainement ils tentent de résister. Ils proposent un peu d'argent pour qu'on les laisse aller.

– Tu veux rire! dit l'un des brigands. Il nous faut plus que ça!
– Nous ne sommes pas riches! supplient les deux hommes. C'est ce qu'on va voir! Alors plusieurs brigands se précipitent sur eux, les arrachent de leur siège, les ligotent, les traînent dans le fourré.

Un coup de feu déchire le silence de la forêt. Un autre suit de près. Les deux hommes n'ont pas eu le temps de souffrir. Tout s'est passé si vite! Déjà les bandits s'emparent des vêtements. Dans les poches ils ne trouvent que peu d'argent: trois roubles, cinquante kopecks. Ils arrachent les bottes de leurs victimes, puis s'emparent des chevaux.

– Bon, partons, à présent!
– Attends... qu'est-ce qu'il y a dans ce sac? Fouillons vite!
– ... Non, rien d'intéressant: une vieille tasse en métal, de la ficelle, deux bouquins.
– Prends la ficelle et jette le reste, on ne peut rien en tirer.
– Non... ces pages fines feront du bon papier à cigarettes!
– Bonne idée, Pavel! Enfile ça dans tes poches!
– Et maintenant, tous en selle!

Le même soir, Pavel tire les deux livres de sa poche. Il feuillette le premier. Son titre «Voix de la foi» ne lui dit pas grand-chose.
– Voyons l'autre: le Nouveau Testament. Mais... à Sosnowka, je crois bien que mes parents avaient un livre comme ça!

Sur son lit de camp, Pavel se met à lire... Tout à coup, une phrase l'arrête net. Il relit, relit encore. Mais plus les mots défilent sous ses yeux, plus ils le contrarient. Il ne peut pourtant pas s'en détacher: «Il n'y en a pas un qui cherche Dieu. Il n'y en a pas un qui fasse le bien, pas même un seul...»

Il saute quelques lignes, mais là, c'est encore plus insupportable:

«Ils ont les pieds légers pour répandre le sang. La destruction et le malheur sont sur leur route. Ils ne connaissent pas le chemin de la paix. La crainte de Dieu n'est pas devant leurs yeux.»

– Eh bien, se dit Pavel, dans le temps, il y avait déjà des gens exactement comme nous!

Mais cette pensée lui rappelle les événements de l'après-midi. Ces deux pauvres voyageurs, leurs vaines supplications... Qui donc étaient ces gens? Pourquoi avaient-ils emporté cela dans leur sac? Pavel reprend le livre.

– Tiens! en première page quelques mots sont écrits à la main: «15 mai 1898, jour de ma repentance. En ce jour, le Seigneur Jésus a pardonné mes péchés et m'a lavé dans son sang précieux.»

Que signifient ces mots? Pavel continue de lire, un peu ici, un peu là. D'autres phrases le frappent: «Ne savez-vous pas que les méchants n'hériteront pas le royaume de Dieu? C'est ce que vous étiez... mais vous avez été lavés... justifiés au nom du Seigneur Jésus.»

Le jeune homme tourne les pages, retourne en arrière, lit encore: «Seigneur... si j'ai fait tort de quelque chose à quelqu'un, je lui rends le quadruple.» Plus loin, Pavel découvre comment Jésus a été mis sur une croix, entre deux brigands.

– L'un des deux a reconnu ses fautes, constate Pavel surpris, et Jésus lui a promis le paradis... même à un brigand! Pavel ferme le livre et le glisse sous l'oreiller.

Le jeune homme s'enroule dans sa couverture. Il voudrait dormir, mais il ne peut pas. Constamment il revoit les deux voyageurs à genoux, suppliant qu'on leur laisse la vie.

Le matin se lève. Pavel n'a pas dormi. Ses compagnons remarquent vite qu'il a perdu son entrain. Il a l'air triste, désorienté. Il n'est plus comme avant. Au bout de quelques jours, Pavel finit pas tout leur avouer:

– Depuis que j'ai lu certaines phrases du livre de ces deux hommes, je ne suis pas tranquille.
– Alors brûle ce bouquin! dit le chef de la bande.
– Non... on aimerait savoir ce qu'il y a dedans, lis-le-nous, Pavel! suggèrent plusieurs autres. Ils se réunissent. Pavel se met à lire les textes qui l'ont bouleversé.

– C'est un Nouveau Testament! dit bientôt l'un des brigands, Quand j'étais petit, j'allais à des réunions d'enfants. On nous racontait ces histoires.

En silence, les hommes se séparent. Eux aussi sentent un poids très lourd sur leur conscience.

Un mois passe. Parfois, tous se rassemblent pour «la suite du livre». En cachette, Pavel et son ami se retrouvent souvent. Ils essaient de prier. Il leur arrive de pleurer... – Ecoutez! disent-ils un jour. Nous deux, on ne veut plus participer à tous ces brigandages!

– Alors, qu'allez-vous faire? Vous ne savez même pas à qui rendre tout ce que vous avez pris!
– C'est vrai! Mais nous voulons changer de vie. Nous voulons nous livrer aux autorités, tout leur avouer, être jugés pour nos fautes...
– Vous êtes fous! disent certains.
– Non! reprennent cinq autres. Si vous faites cela, nous, on part avec vous! C'est ce qui est décidé. Le jour des adieux arrive.
– Lis-nous une dernière fois quelques pages du livre! demandent tous les brigands réunis. Alors, dans Matthieu chapitre 8, Pavel lit le récit des deux hommes qui ont été délivrés par Jésus et qui l'ont suivi.
– C'est notre histoire! dit-il. Mes amis, cessons de faire le mal, et suivons ce nouveau Maître.
Puis, à genoux, il reconnaît ses fautes devant Dieu. Les autres font comme lui. Alors c'est le départ. Que deviendront ces hommes?

Texte: Samuel Grandjean


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