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Encalminé… de la tempête au calme plat.

Encalminé: se dit d’un navire à voiles immobilisé par temps calme, sans vent ou à l’abri du vent. ?
- Éric-Emmanuel Schmitt

Après l’orage vient le beau temps…
- Fernand de l’Isle

Encalminé… de la tempête au calme plat.

Le bleu du ciel et la quasi-immobilité de l’océan paraissent irréels, une photo sur un mur blanc, un tableau réaliste dans une exposition marine. Les voiles en lambeaux, les cordages endommagés, l’état de fatigue extrême sont pour leur part bien réel, souvenirs de ces trois jours, trois nuits de tempête et d’orage. Trois jours d’angoisse, sans autre lumière que celle fugitive des éclairs, trois jours entre la vie et la mort, trois jours à résister aux assauts incessants de murailles d’eau glacée qui dépassent le mat de plusieurs mètres. Attaché par un filin à son bateau pour survivre, insecte insignifiant dans une coquille de noix face à la toute-puissance des éléments en furies. Et puis, au matin du troisième jour, aussi rapidement qu’elle a surgi du néant, la tempête se volatilise.
Un incroyable soulagement, le retour de l’espoir, la peur envolée… mais ça c’était il y a trois jours, trois jours d’immobilité sur l’immensité à peine ondulante de l’océan, trois jours sous un soleil accablant, trois jours sans le moindre souffle de vent, sans déplacement, rien qu’un doux balancement sur place. Évanouie la fière embarcation qui glisse avec légèreté vers un cap bien établi, métamorphosé en une petite balançoire statique. Malgré la lumière, les couleurs, la sérénité dégagée par les flots apaisés, l’angoisse s’insinue… si le vent ne revient pas… si un courant n’intervient pas… s’éteindre lentement tenaillé par la soif et la faim, un avenir sans issue, sans échappatoire.
Rescapé d’une tempête meurtrière, mais sournoisement encalminé, prisonnier de l’absence de souffle pour repartir, pour aller ailleurs, pour aller plus loin…
 
La sagesse populaire l’affirme, après l’orage, vient le beau temps. Cependant, il est parfois plus facile d’affronter la tempête que le calme plat.
Après que la mort et la résurrection du Christ aient provoqué, chez ses disciples, des pics et des abimes émotionnels, après avoir tout perdu et tout retrouvé, les disciples sont à présent encalminés. Même Pierre l’impétueux ne sait plus quoi proposer, il a perdu jusqu’au gout de commander, loin des grandes tirades dont il a le secret, une courte phrase : je retourne à la pêche. Il est, et ses amis avec lui encalminés.
 
Le dernier chapitre du récit de Jean1 nous détaille cet épisode marquant. Oui, ils l’ont cru mort, oui après des jours d’angoisse et de désespoir ils ont été emportés par la vague de vie de la résurrection. Ils l’ont vu, lui ont parlé, mais aujourd’hui il n’est plus là, ils sont sans direction, sans but, sans vision pour leur avenir…

Ils ne le savent pas encore, mais ils entament le lent apprentissage d’une nouvelle vie, une vie où l’absence alterne avec la présence ; présence dans l’épreuve et paradoxalement, perte de sens quand s’installe la délivrance…
Ils vont devoir faire le deuil de la confiance en leur savoir-faire… même dans les choses les plus élémentaires, celles qu’ils ont toujours maitrisées, qu’ils pratiquent depuis qu’ils savent marcher : mettre une barque à l’eau, jeter un filet, ramener du poisson…
Après avoir vécu dans la présence physique et permanente du Christ, ils foulent un chemin nouveau sur lequel la conscience de son absence est une porte qui s’ouvre sur sa présence.
Présence imméritée, présence offerte. Du feu, dont ils n’ont pas ramassé le bois, du pain, pétri et cuit, du poisson, déjà cuisiné et une pêche miraculeuse, qui n’est pas le fruit de leur savoir-faire.
Une présence douce, bienveillante, accueillante — tout a été préparé — mais une présence désireuse de les inclure dans un compagnonnage nouveau. En leur demandant de sortir le filet plein à craquer — et qui pourtant ne se déchire pas — le Christ leur dit gentiment, j’ai tout préparé, mais je désire votre participation, sans pour autant oublier, que sur ce chemin nouveau, sans moi, vous ne pouvez rien faire. Rien d’utile pour ce nouveau royaume qui n’a rien de commun avec les royaumes humains.
À la fin de ce repas pris ensemble, de ces moments empreints d’une grande douceur, d’une belle intimité, ils vont recevoir en cadeau la boussole de leur nouvelle vie, s’ils l’acceptent. Fini les objectifs rationnels, les calculs de rentabilité, l’optimisation des capacités naturelles. Ils vont à présent naviguer sur les imprévisibles et invisibles sentiers du « peu t’importes, toi, suis-moi… ». 


Un Autre — ce Christ qu’ils pensaient connaitre, mais qu’ils découvrent différent à chaque rencontre depuis qu’il est revenu à la vie — va les conduire, un par un, et pourtant uniment, à sa suite ; les conduire là où ils n’avaient jamais pensé aller. Il va les introduire dans « ces choses que l’œil n’a pas vues, que l’oreille humaine n’a jamais entendues, mais que Dieu l’Esprit, a préparé pour celles et ceux qu’il aime »2
 
Que ce mois de mai vous trouve en tempêtes ou encalminés, patientez un peu, après l’orage vient le beau temps avec son calme plat, mais encore après… vient la présence…
 
Printanièrement votre,

Philip

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1 Jean 21
2 1 Corinthiens 2:9-10

 

© Tous droits réservés: Philip Ribe


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