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Noël. Ensemencer les ténèbres et le désespoir…

La lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas étouffée.
- Jean 1:5

L’obscurité ne chasse pas l’obscurité, seule la lumière peut le faire.
- Martin Luther King

Ce n’est pas un scoop, je ne vexerai personne en disant que Jésus n’est pas né en Provence, ce n’était pas non plus un 25 décembre. C’est pourtant ce jour-là qui a été choisi pour célébrer l’anniversaire de sa venue dans notre monde. J’entends déjà certains — trop heureux de monter au créneau — expliquer qu’il s’agissait de la récupération, par une Eglise déjà politisée, d’une fête païenne ; un pas de plus vers un syncrétisme idolâtre blablablaba… mais si nous laissons les adorateurs de Saint Crétin discuter et se disputer sur le syncrétisme, nous pouvons nous pencher sur une autre hypothèse, beaucoup plus intéressante, tout au moins selon moi.

Noël. Ensemencer les ténèbres et le désespoir - Paysage peint en bleu noir et une lueur de jaune

Effectivement, le 25 décembre se situe parmi les jours les plus courts de l’année, c’est justement cela qui est intéressant. Quelle qu’en soit la raison, les humains qui nous ont précédés ont choisi de placer la naissance du Christ au cœur des ténèbres les plus denses. Ils ont enfoui cet évènement dans l’épaisse obscurité de décembre, le mois qui nous propose de minuscules parenthèses de lumière, ces moignons de jours, terrorisés, nargués par les nuits les plus longues qui soient.1

Je trouve cela magnifique. L’instinct prophétique qui a présidé à cette décision a discerné la bonne période. Le Christ n’est pas venu paré de gloire et de lumière, sous le feu des projecteurs, il n’a pas combattu le mal et la noirceur armée d’une épée flamboyante qui aurait brûlé les yeux de ses détracteurs, non, il n’a rien fait de semblable. Il est venu planter une semence de lumineuse espérance dans le terreau le plus sombre et le plus glauque qui soit, les cœurs humains désespérés.

Trop souvent, pèlerins aveugles et bornés sur notre chemin d’Emmaüs, nous soupirons et nous plaignons de ne pas voir le Christ, nous aimerions des miracles grandioses, des interventions étincelantes, des dénouements ruisselants de lumière devant le regard ébahi et admiratif des passants…
Nous n’avons toujours pas compris — depuis tout ce temps — que c’est au cœur des ténèbres qu’il se manifeste, dans la plus grande discrétion. Un enfant dans une botte de paille, une parole, quelques mots dans une âme désespérée, et parfois, encore plus discret, simplement le sentiment à peine perceptible d’une présence, d’une douceur, d’un peu de chaleur.
Sans pouvoir nous l’expliquer, nous nous sentons revigorés, rassurés, équipés pour faire encore un ou deux petits pas au cœur de nos ténèbres opaques et oppressantes.
C’est à petits pas que nous nous déplacerons dans cette nuit noire de l’âme, guidés par une étoile que nul autre ne peut voir, rois mages incognito, foulant une invisible route, à travers le mépris et la tristesse de ce monde.
C’est encore là, dans cette fausse solitude que nous entendrons enfin les chants des anges, submergés par le réconfort de sa présence, au cœur même de notre désespoir, toujours dans la nuit, mais une nuit pleine de lui.

Nous aurons alors réellement vécu Noël.

Il nous reste encore un pas à faire, sortir de nous-mêmes, nous laisser à nouveau conduire par l’étoile vers une sœur, un frère en désespoir. Le petit peuple des esseulés qui tentent vaillamment de traverser cette période hypocrite sans s’écrouler, affrontant les repas trop copieux, les inutiles cadeaux et la fausse lumière de cette parenthèse de joie forcée. Lorsque l’étoile s’arrêtera au-dessus d’une étable d’âme, d’un mot, d’un regard ou d’un sourire, déposons à notre tour la semence d’espoir. Une minuscule graine d’espérance, nue dans la paille… nous savons cependant l’irrésistible chemin qu’elle va tracer.

Nous aurons alors réellement partagé Noël.

Philip

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1 Désolé pour les lecteurs qui vivent ailleurs que dans ma zone de l’hémisphère Nord, ma théorie ne tient plus, mais tant pis, je la garde quand même.

© Tous droits réservés: Philip Ribe


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