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Histoire vraie de Sebti 9

Une maison originale

– Désolé! Pas de logement à louer... J'espère que vous trouverez ailleurs!
– Chez nous non plus, surtout pour une famille aussi nombreuse!
– Vous êtes Algériens... alors non, je n'ai rien pour vous!

Ces réponses, que de fois le père de Sebti les a déjà entendues. Parfois, c'est même de l'hostilité qu'il rencontre.

Mais pourquoi donc? Parce que la France est en guerre avec son pays. Le brave bûcheron n'en peut rien, bien sûr, mais cela ne facilite pas ses recherches. Et pourtant, il aurait tellement besoin d'un logis pour les siens! Vivre chez les cousins n'était qu'une solution momentanée. Tant de personnes, dans un espace si restreint, c'était possible quelques jours. Mais à présent, cela devient franchement insupportable.

Le père de Sebti se démène. Il a déjà trouvé un travail, au moins provisoire. Mais pour le logement, c'est une autre affaire!
– Ah! soupire-t-il parfois, on était si bien, dans les Vosges! Nos cousins auraient mieux fait de ne pas venir nous voir, et surtout de ne pas nous promettre que tout serait plus facile, à Lyon!

Un matin, Sebti accompagne son père à Gerland, quartier bien misérable, tout près du Pont Pasteur.
– Tu as vu ces bicoques? dit l'enfant, assez surpris.
– Oui. C'est un bidonville! Les gens se sont installés comme ils pouvaient. Viens! Passons par ici, pour éviter la boue... Sebti est effaré. Il ne voit que tôles rouillées, morceaux de bois, panneaux de carton, sacs à moitié déchirés.

Quelques enfants jouent près d'une vieille remorque qui n'a plus qu'une roue. Derrière un mur de planches, des femmes jacassent. Dans une ruelle, un adolescent pousse sa bécane. Une main tient le guidon, l'autre, un jerrican posé sur le porte-bagages. C'est la provision d'eau pour la journée. Assis sur de vieux pneus, près d'une poubelle éventrée, deux hommes discutent et fument. Après de patientes recherches, dans une petite boutique le père de Sebti trouve l'Algérien qu'il voulait rencontrer.
– Vous n'auriez pas un logement à louer? demande-t-il sans grand espoir. L'homme hoche la tête...
– Mais, dit-il cependant, j'aurais peut- être quelque chose à vous vendre.
– Un baraquement?
– Non! Un vieux wagon récupéré il y a quelques années! Allons le voir ensemble, si ça peut faire votre bonheur!

On se rend sur les lieux... Voici le véhicule. Il est vert, pas encore trop rouillé, mais abandonné près d'un tas de ferraille. En comptant à haute voix, le père de Sebti fait de grands pas près du wagon.
– Six... sept... huit mètres de long! Bien sûr que ça m'intéresserait.
On discute du prix. On marchande. Le wagon est acheté. Non sans peine, on le déplace un peu. Hop! Sebti saute dedans!

– Euh! c'est tout vide! s'exclame-t-il, un peu déçu, s'attendant à y trouver des compartiments ou des banquettes. Mais, ajoute-t-il aussitôt, ça mérite un sérieux coup de balai! Près de la portière, son père installe un escalier de bois. Ensuite, il amène un lit et deux ou trois paillasses, puis un fourneau déniché chez l'ami des cousins. On ajuste le tuyau. Il sortira par l'une des fenêtres...
– Bon! La famille peut s'installer!

Voilà le père, la mère et les sept enfants dans leur nouvelle résidence: un vieux wagon resté depuis longtemps dans une bien drôle de gare: le terrain vague de Gerland!
– Fermez les portières... attention... départ pour de nouvelles aventures! Tu en auras beaucoup, Sebti, près de ce terrain vague. Mais... une chose à la fois! Commence par aller découvrir vos "voisins de palier"!
A droite, c'est la famille Bekdhache. Elle s'abrite tant bien que mal dans sa baraque de tôles. De l'autre côté, ce sont les Labidi. Tu verras, leur fils aîné sera vite ton copain. Plus loin, il y a les Tunisiens, ceux qui vous appelleront "la famille Duwagon", mais qui vous envieront souvent, surtout quand il pleuvra, car le plancher d'un wagon reste toujours bien sec, lui!

Texte: Samuel Grandjean


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