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Les débuts de la Réforme à Genève. Post Tenebras Lux - par John H. Alexander

1536 fut une année marquante dans l'histoire de la Réformation à Genève. Ville jalouse de sa souveraineté, démocratique dans ses institutions, la cité demanda au peuple de prendre position pour ou contre les idées nouvelles. Le dimanche 21 mai, en sa cathédrale réunie, la population décida de s'attacher d'un même coeur à ce qu'elle pensait être la seule vérité: celle de Dieu, prêchée par les réformateurs. Un soir du mois de juillet suivant, Jean Calvin arrivait à Genève. Il voulait simplement y passer la nuit avant de poursuivre son voyage vers Bâle. Dieu, par la voix de Guillaume Farel, arrêta Calvin, comme il avait autrefois arrêté Saul sur le chemin de Damas. L'auteur de "L'institution chrétienne", obéissant à l'appel divin, s'installa dans la ville quelques semaines plus tard. Comment Genève devint par la suite "la Cité de Calvin" n'est pas le propos de ces lignes. Les événements qui préparèrent l'étonnante décision populaire du 21 mai 1536 vont plutôt retenir notre attention.

Une cité éprise de liberté

Au XVIe siècle, Genève est une ville prospère. Carrefour commercial sur les routes d'Europe, elle constitue un lieu de rencontre où des marchands allemands font connaître les idées de la Réforme luthérienne dès 1525.

On prête une oreille attentive à ces discours, non pas seulement à cause de leur contenu religieux, mais aussi parce qu'ils véhiculent un message libérateur sur le plan politique.

Genève, ville du Saint Empire romain germanique (l'aigle de son blason), n'a d'autre seigneur que son évêque (la clef sur ses armoiries). Ce dernier, allié au duc de Savoie, a perdu sa popularité : on le considère en ennemi, car le duc nourrit l'ambition de devenir maître à Genève.

Des patriotes, comme Philibert Berthelier et François Bonivard, ont ravivé un esprit d'indépendance dans la cité. Menacés par le duc de Savoie, trompés par leur évêque, les Genevois cherchent des alliés du côté des villes suisses. Tourner ses regards vers la Suisse, c'est se rapprocher de la Réforme luthérienne et repousser la menace de mainmise savoyarde.

L'urgence d'une réforme

A ces raisons locales particulières de s'intéresser à la Réforme, s'ajoutent des motifs plus généraux.

Au début du XVIe siècle, le malaise était devenu général au sein de l'Eglise régnante: elle avait glissé sur une pente dangereuse. Ses hauts dignitaires, ambitieux et despotes, n'avaient plus devant les yeux l'exemple de Jésus-Christ, dont tous auraient dû s'inspirer. L'urgence d'une réforme apparut plus clairement à tous ceux qui lisaient la Bible et les Pères de l'Eglise. La Renaissance avait, à cette époque, créé un regain d'intérêt pour la littérature ancienne. Facilitée par l'invention de l'imprimerie, l'approche des livres anciens amena de nombreux intellectuels à étudier non seulement des ouvrages profanes mais les Ecritures saintes, l'Ancien et le Nouveau Testaments dans leur texte original.

C'est ainsi que des circonstances religieuses et politiques ont joué un rôle important et ouvert Genève à des influences nouvelles.

Guillaume Farel

Avant Calvin, Guillaume Farel – de 20 ans son aîné – est le réformateur de Genève comme de plusieurs autres localités de Suisse et de France. Noble et simple évangéliste, son génie fut moins grand, son nom moins illustre que celui de son successeur, mais il ne cessa d'exposer sa vie dans de rudes combats pour le Sauveur.

En octobre 1532, Farel arrive à Genève. Il revient d'un voyage aux vallées vaudoises du Piémont. Il y a rencontré ces réformés de vieille date que sont les descendants spirituels de Pierre Valdo. D'apparence chétive, Guillaume a le nez aquilin, le teint hâlé, la barbe rousse. Ses yeux petits, noirs, mobiles, expriment tour à tour une violence de sentiments, une passion difficilement contenue et une bonté chaude, pénétrante.

Accompagné d'un ami, Guillaume Farel arrive à la Tour-Percée. L'aubergiste, méfiant, les toise: "Dites-nous, nobles seigneurs, sans aucun fard de langage, si vous n'êtes point, comme je le suppose, prédicants de l'Evangile. Si j'ai conseil à vous donner, ne tardez pas à passer plus outre, car si Messieurs d'Eglise vous savent ici, demain serez jetés au Rhône".

Le bruit de l'arrivée du réformateur se répand en un moment dans toute la ville. "Allons l'entendre, disait-on, c'est l'homme qu'on a surnommé "le fouet des petits prêtres".

Au matin, les plus notables d'entre les huguenots se rendent à la Tour-Percée. Farel se place devant une petite table, y pose la sainte Ecriture et commence à parler. Il ne va pas laisser passer une occasion aussi importante d'annoncer l'Evangile.

Bientôt l'alarme est donnée dans le camp de l'évêque. Les autorités s'en émeuvent et Farel doit s'expliquer devant elles, à l'Hôtel de Ville. Accusé "de trompetter partout la rébellion", le réformateur se défend: "J'annonce simplement la vérité. Je suis prêt à prouver par la Parole de Dieu que ma doctrine est vraie et, ajoute-t-il d'une voix plus émue, non seulement à sacrifier mon repos mais à répandre pour elle jusqu'à la dernière goutte de mon sang".

On crie au blasphème; dehors, la révolte gronde. Le réformateur échappe de peu à un coup d'épée puis à une décharge d'arquebuse. Les hallebardiers parviennent à éviter que Farel et ses compagnons ne soient jetés au Rhône.

Le lendemain, le 4 octobre 1532, Farel quitte la ville. Point de lâcheté dans ce départ, mais le désir de ne pas nuire aux débuts de l'Evangile dans Genève.

Quatorze mois plus tard, Farel reviendra, appelé par un noble, capitaine du guêt. Il ne quittera plus la ville avant que la Réforme y soit fermement ancrée.

Antoine Froment

Farel, chassé de Genève, le coeur plein d'amour pour ceux qu'il avait dû quitter, songeait aux moyens de leur faire entendre quand même la Bonne Nouvelle.
En ce début d'octobre 1532, il arrive à Yvonand, sur le bord méridional du lac de Neuchâtel. Il raconte son voyage aux vallées du Piémont et décrit la réception orageuse qu'on lui a faite à Genève.

Un auditeur est plus particulièrement attentif: c'est Antoine Froment, le pasteur du village. Comme Farel, il est natif du Dauphiné et de la même génération que lui. Antoine est vivement impressionné. Lorsque Farel l'enjoint d'aller le remplacer à Genève, il reste troublé, interdit. Il n'a pas cette fermeté de caractère, cette hardiesse, cette persévérance qui caractérisent Farel. "Hélas! mon père, comment affronter les ennemis devant lesquels vous avez dû fuir?" Farel revient à la charge. Finalement Froment accepte humblement la tâche qui l'attend. Il n'a que 22 ans! Il nous rapporte dans son journal qu'il tomba à genoux: "O Dieu, pria-t-il, je ne me fie à nulle puissance humaine, je me remets entièrement à toi. A toi, je remets la cause, te priant de la conduire puisqu'elle est tienne."

Quelques jours plus tard, dans les rues de Genève, on pouvait lire en divers endroits de petites affichettes manuscrites, ainsi libellées: "Il est venu un homme en cette ville, qui veut enseigner à lire et à écrire, en français, dans un mois, à tous ceux et celles qui voudront venir, petits et grands, hommes et femmes, même à ceux qui jamais ne furent en école..."

Ainsi donc, alors que quelques semaines auparavant, Farel avait été expulsé aux yeux de tous, Dieu pourvoyait à l'enseignement de sa Parole par les humbles débuts d'un instituteur qui promettait aux gens de ne rien demander pour sa peine si, au bout d'un mois, ils ne savaient lire et écrire. Il faut ajouter, en effet, qu'à la fin de chaque leçon, avant de congédier son auditoire, Antoine ouvrait le Nouveau Testament et en lisait quelques versets qu'il expliquait d'une manière pleine d'intérêt. Les succès de cette simple instruction dépassèrent bientôt les espérances du maître.

Le 1er janvier 1533, la salle louée par Froment se trouva trop petite pour contenir les nombreux auditeurs qui désiraient l'entendre. La foule emporta le maître d'école sur la place du Molard, où se tenait un marché aux poissons. Elle le hissa sur l'un des bancs afin que tous puissent l'entendre. "Prêchez-nous, prêchez-nous la Parole de Dieu!" Il leur fit signe de se calmer. "Invoquez Dieu avec moi", dit-il. Puis, ému aux larmes, il se mit à genoux par terre, invoqua le Seigneur, et remontant sur le banc se mit à prêcher.

La réaction du clergé fut immédiate. On apprit que des hommes en armes s'approchaient. Le lendemain, le Conseil interdit toute prédication sans autorisation de MM. les syndics et de M. le vicaire. Froment avait été imprudent. Il se rendit compte que sa présence compromettait les amis chez qui il avait trouvé refuge et quitta Genève.

Le séjour de Froment ébranla les traditions romaines dans la ville, sortit de l'oubli la sainte Ecriture et y jeta les premiers fondements de l'Eglise.

Les progrès de l'Evangile

Il serait trop long de narrer tous les événements qui marquèrent encore l'an 1533. Notons pourtant la date du jeudi saint, 10 avril. A l'aube, 80 personnes sont réunies dans un jardin, à l'extérieur de la ville. Elles prient ensemble et partagent la cène sous les deux espèces du pain et du vin. Dès que cela fut connu on en parla beaucoup. Malgré la fâcheuse expérience de Farel et de Froment, les "amateurs du saint Evangile" célébrèrent leur culte sans chercher à se dissimuler. Mais leurs assemblées étaient illicites.

Le 14 juillet au petit jour, l'évêque savoyard quitta Genève pour ne plus y revenir. Son départ contribua au succès de la Réforme, car beaucoup de fidèles furent choqués de voir leur pasteur s'en aller comme un malfaiteur alors que "le bon berger donne sa vie pour ses brebis. Mais le mercenaire... délaisse les brebis et s'enfuit".

A cette époque, un fidèle huguenot délivré des geôles où sa foi l'avait mené, conjura Froment de revenir à Genève. Antoine ne se fit pas prier. L'évangéliste qui avait eu pour église la place du marché et pour chaire le banc d'une poissonnière continua son ministère de prédicateur, en privé et sur les places de la ville. Les prêtres alarmés protestèrent auprès des autorités. Mais les magistrats qui avaient été indisposés par la fuite lâche de l'évêque laissèrent la nouvelle doctrine se répandre. Mieux, le Conseil édicta, le 24 octobre, un texte qui donnait gain de cause à la Réformation: "Prêchez l'Evangile et ne dites rien qui ne se puisse prouver par la sainte Ecriture."

La joie fut grande parmi les réformés. Ce décret faisait du christianisme évangélique une religion licite dans Genève. En décembre, Farel revenait.

Un trio décidé

Dans les premiers jours de 1534, un homme sans apparence entrait à Genève: Pierre Viret. Faible et languissant, il souffrait encore d'une blessure reçue quelque temps auparavant. Viret, Froment et Farel, ces trois hommes à la foi vivante, au zèle infatigable, allaient faire de 1534 une année décisive pour l' Evangile.

Une urgente nécessité s'imposait: trouver un lieu de culte. Ce fut d'abord une salle prêtée par un bourgeois bernois qui transforma sa maison. Le 22 février, devant une assistance curieuse et recueillie de trois cents personnes, Viret présidait à la première cérémonie d'un baptême d'adultes selon l'ordonnance réformée. Avec la sainte cène de 1533, cet acte peut être considéré comme la première manifestation officielle d'une Eglise indépendante de Rome.

Bien des gens n'avaient pu assister au culte. Les huguenots résolurent de ne pas se contenter plus longtemps de ces locaux étroits qui ne permettaient pas à tous ceux qui aimaient la Parole de Dieu de l'entendre. Farel demanda un temple. Les autorités, embarrassées, déclarèrent qu'il n'était pas de leur compétence de donner une chaire aux prédicateurs réformés. Ce refus indigna les évangéliques.

La pression populaire – personnifiée par un noble riche et généreux huguenot de Genève qui avait ouvert sa maison et son coeur à l'Evangile, le bouillant Baudichon de la Maisonneuve – la pression populaire donc, poussa les réformés à s'emparer du cloître d'un couvent franciscain du quartier de Rive le 1er mars 1534. On était en Carême. Pour bien marquer leur décision de s'installer dans la place, deux ou trois huguenots montant au clocher sonnèrent à toute volée pendant une heure ce qui, pour le moins, était incongru durant cette période de jeûne.

L'Evangile pouvait dès lors être annoncé devant un auditoire de quatre mille à cinq mille personnes! Le jour de Pâques, quatre cents communiants recevaient la sainte cène en ce lieu. La Réforme faisait de rapides progrès.

Le jour de Pentecôte, un autre événement fit sensation. Farel terminait une puissante prédication conjurant l'assistance massée dans le cloître de prier afin que l'Esprit leur fût donné. Son discours fini, Farel se prépara à célébrer publiquement la cène du Seigneur. Un prêtre, officiant d'ordinaire en la cathédrale de Saint-Pierre, se trouvait dans l'assemblée, revêtu de ses vêtements sacerdotaux. Il s'approcha de la table.

Prétendait-il dire la messe? Avait-il été converti? Chacun attendait ce qui allait se passer. Le prêtre arrivé devant la table s'arrête et, ô surprise, jette loin de lui la chasuble et l'étole et dit à haute voix: "Je me dépouille du vieil homme et me déclare captif de l'Evangile du Seigneur". Farel le reçut comme un frère et lui tendit la coupe.

Plusieurs Genevois commençaient alors à penser et à vivre autrement que leurs pères, ce prêtre était un type frappant de cette transformation.

Si 1533 s'était terminée par une prise de position nette des autorités en faveur de la prédication évangélique, on peut affirmer que 1534 fut l'année qui connut une large adhésion populaire au message des réformateurs.

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L'année commence mal. A l'extérieur, tout semble se liguer pour étouffer la Réforme genevoise. Berne même lâche son allié du bout du lac en acceptant une décision des autres cantons suisses: l'évêque et le duc doivent être réintégrés dans leurs droits.

Mais la petite cité de 12 000 âmes, galvanisée par l'opposition, va résister aux puissances qui veulent l'écraser.

L'unité est loin d'être établie sur les moyens de lutter. Les anciens huguenots veulent vaincre en usant même de violence s'il le faut; les magistrats prônent la négociation; les évangéliques savent que la solution sera trouvée spirituellement et pacifiquement.

Le 7 février, le peuple élit aux premières charges de l'Etat des syndics, amis de l'indépendance et de la Réforme. Avec Farel, Viret et Froment dans ses murs, avec la protection divine, la transformation définitive de Genève paraît imminente. Mais elle ne va pas se produire sans opposition. Au mois de mars, les trois réformateurs échappent à la mort : on tente de les empoisonner. Seul Viret en pâtira dans sa santé, Farel et Froment n'ayant pas touché à la soupe frelatée servie par une servante à la solde des ennemis.

En juin, un ami des évangéliques est torturé et brûlé vif au château de Peney, haut lieu de la résistance savoyarde. Mais une action si cruelle révolta tous les coeurs et fit dire aux prêtres: "Cela va nous faire plus de tort que vingt sermons de Farel".

Pourtant une lame de fond allait décider d'un mouvement irréversible. Dès le printemps, les réformateurs avaient décidé la tenue d'une "disputation publique". Lors de cette conférence, partisans et adversaires de la Réforme viendraient défendre leurs idées.

Le frère du prêtre converti de la Pentecôte 1534, Jacques Bernard, est chargé de rédiger cinq thèses qui serviront de base au débat:

  • Il faut chercher la justification de ses péchés en Jésus-Christ SEUL.
  • Il faut rendre l'adoration religieuse à Dieu SEUL.
  • Il faut régler la constitution de l'Eglise par la Parole de Dieu SEULE.
  • Il faut attribuer l'expiation des péchés au sacrifice de Christ, fait une SEULE fois et qui procure une rémission pleine et entière.
  • Il faut reconnaître un SEUL médiateur entre Dieu et les hommes: Jésus-Christ.

Ces thèses furent distribuées dans toutes les églises et les monastères de la ville. Les laïques en reçurent aussi: il n'y avait ni boutiques, ni réfectoires où l'on ne lût et ne commentât ces propositions.

Le héraut annonça que la dispute aurait lieu dès le 30 mai dans le grand auditoire de Rive et que toutes sortes de savants, soit de la ville soit de l'étranger, étaient invités avec pleine liberté de parler.

Réaction étonnante: la majorité des prêtres de Genève et alentours refusèrent de participer, souvent sur ordre de leurs supérieurs.

Un secours inattendu parut alors. Un docteur de la Sorbonne, fort épris de lui-même puisqu'il se faisait appeler évêque, arriva à Genève et se déclara prêt à disputer. Caroli, ce Parisien expert dans les détours de la chicane, avait été interdit en Sorbonne et se trouvait curé d'Alençon. Farel connaissait Caroli, il lui savait la langue bien pendue mais sans principes fermes. Caroli serait accompagné d'un Genevois tout de même: Jean Chappuis, le plus savant des prêtres de la place, prieur du couvent de Plainpalais. Le dimanche 30 mai, fête de Pentecôte, jour où les débats devaient s'ouvrir, arriva. Amis et ennemis se rendaient ce jour-là au couvent de Rive, animés des plus vives et des plus diverses émotions.

Jacques Bernard, Farel, Viret et Froment, déçus du faible effectif de leurs contradicteurs, allaient tenir tête aux deux champions catholiques. La dispute dura tout le mois de juin. Il est intéressant de noter que c'est durant ce même mois de juin que parut à Neuchâtel la première Bible française de la Réformation: la traduction d'Olivétan.

Le succès des réformés s'affirmait de jour en jour. Caroli et Chappuis ne purent résister à l'argumentation serrée des réformateurs s'appuyant sur la Bible. Ils abandonnèrent la partie.

La victoire fut facilement obtenue, trop facilement même, disaient les partisans de Rome qui déploraient la mauvaise qualité de leurs champions. On leur rétorqua que la disputation étant publique, ils auraient dû venir y défendre plus hardiment leurs points de vue.

Lorsque les conclusions du débat furent connues, les réformés eurent peine à contenir leur enthousiasme. II leur semblait évident que les autorités imposeraient la réforme de l'Eglise, conformément à la Parole de Dieu. Mais le Conseil remit à plus tard toute décision.

Les réformés impatients demandent de pouvoir célébrer leur culte dans les principales églises de Genève. Le Conseil hésite. Sans attendre l'autorisation demandée, le peuple de Genève, entraîné par Baudichon de la Maisonneuve et d'autres, investit l'église Sainte-Marie-Madeleine et la "purifie de toute idolâtrerie", selon l'expression de l'époque. Elle deviendra le temple de la Madeleine, encore en fonction 450 ans plus tard.

Quelques jours après, le peuple réformé s'emparait de l'église de Saint-Gervais et y appelait Farel. Restait Saint-Pierre, cathédrale symbole dont les tours visibles loin à la ronde s'élevaient encore comme un bastion invaincu.

Le dimanche matin 8 août, une foule de Genevois réformés gravissaient les rues qui conduisent à ce sanctuaire. Ils s'en approchaient avec la ferme intention d'y remettre la lumière sur le chandelier. Etant entrés dans le noble édifice, les réformés mirent en branle la grande cloche pour appeler le peuple à l'écoute de l'Evangile: la "Clémence" sonnait alors la dernière heure du Moyen Age. Farel arriva et monta en chaire: une époque nouvelle commençait.

La confirmation politique suivit de quelques jours: le 10 août, le Grand Conseil fut convoqué. Les deux cents sénateurs et plusieurs autres notables étaient rassemblés pour entendre Farel, Viret et Jacques Bernard. Les débats furent longs, mais tout se passa avec ordre et chacun put exprimer son opinion en toute liberté. Les réformateurs, rappelant les conclusions de la dispute de Rive, demandèrent qu'elles fussent adoptées par le Conseil. En conséquence, la messe devait être abolie et l'Eglise de Genève réformée conformément à la Parole de Dieu. On prit ce jour-là une décision provisoire, on voulait encore convoquer les prêtres devant le Conseil pour leur demander s'ils avaient quelque chose à dire pour justifier leurs positions.

En fait, la Réforme avait triomphé. Genève avait cessé d'être catholique, une page de son histoire était tournée. La date du 10 août 1535 est considérée par de nombreux historiens comme celle de la Réformation à Genève.

Post Tenebras Lux

Genève utilisait encore la monnaie savoyarde. Le Conseil voulant affirmer l'indépendance de la cité fit frapper monnaie en décembre 1535. Les pièces d'argent devaient porter l'emblème de la ville: l'aigle et la clef. Mais ces symboles furent complétés par un soleil levant surmontant l'écu. En son centre brillent les trois lettres grecques I H S .

On trouve déjà ce trigramme dans les catacombes de Rome, gravées comme un signe vainqueur par les premières générations chrétiennes persécutées: ce sont les trois premières lettres qui forment le nom JÉSUS.

Aux armoiries, on ajouta encore la devise: Post Tenebras Lux. Il y avait quelque hardiesse à proclamer en ces temps de famine et de souffrance pour le peuple tout entier que les ténèbres étaient du passé et que la lumière brillait désormais à Genève. Mais cette lumière n'était pas la prospérité matérielle, c'était la lumière de l'Evangile du Christ.

En juillet 1536, Calvin, de passage à Genève, fut retenu par Farel...

André Jaquet
(Sources: J.-H. Merle d'Aubigné "Histoire de la Réformation en europe au temps de Calvin", Paris 1869. D. Buscarlet "La Réformation à Genève", Genève 1936)

 


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