Les pratiques charismatiques à la lumière de la Bible

9 - Conclusion

Alors que les premières parties de cette étude sur les pratiques charismatiques et les dons étudiaient les dons par types, nous avons pensons qu'il était nécessaire de reprendre les mêmes points, mais revus dans l'ordre où les traite l'apôtre Paul, avec les commentaires se rapportant aux circonstances dans lesquelles Paul a été appelé à écrire ce message aux Corinthiens.

Nous vous donnons donc, ci-dessous, un extrait du livre Commentaire Biblique du chercheur, de John F. Walvoord et Roy. B. Zuck, professeurs au séminaire de Dallas. Ce livre est paru en français aux éditions Parole de Vie Béthel, à Lennoxville, Québec J1M 2A2.

Ce livre, trésor de connaissances, est une exégèse du Nouveau Testament, examiné verset par verset. Nous pensons qu'il est indispensable à chaque chrétien et doit avoir une place privilégiée sur sa table de travail. 

La condition des dons spirituels
1 Corinthiens 12-14

Introduction

Apparentée au sujet des irrégularités dans le culte de l'Église de Corinthe, il y avait la question de la nature des dons spirituels et de leur exercice dans l'assemblée. Ce sujet devrait aussi être considéré sous la rubrique plus générale de la liberté chrétienne, que Paul avait nuancée et soumise au principe de l'amour (à partir de 8.1). Le besoin d'une telle mesure était certainement évident. Un esprit de complaisance, qui avait corrompu le principe de la liberté dans d'autres domaines, se manifestait de façon similaire dans les dons spirituels et engendrait dans l'assemblée de l'égocentrisme, de la désunion (12.7, 25; 14.4) et un chaos apparent (14.23, 33, 40).

Paul s'occupe du problème en décrivant la nature et le but des dons (12.1 30), en parlant de la supériorité de l'amour (12.31-13.13), et en prescrivant que l'amour soit le principe devant gouverner l'exercice des dons (chap. 14). Pour ce qui est de l'usage des dons dans l'Église, les croyants devaient, comme dans d'autres domaines, promouvoir la gloire de Dieu et le bien des autres, plutôt que le contentement de soi.

1) L'unité et la diversité des dons (12.1-31a).

Chap. 12, versets 1-3
1 Pour ce qui concerne les dons spirituels, je ne veux pas, frères, que vous soyez dans l'ignorance.
2 Vous savez que, lorsque vous étiez païens, vous vous laissiez entraîner vers les idoles muettes, selon que vous étiez conduits.
3 C'est pourquoi je vous déclare que personne, s'il parle par l'Esprit de Dieu, ne dit, Jésus est anathème! et que personne ne peut dire, Jésus est le Seigneur! si ce n'est par le Saint-Esprit.

Avant de commencer à discuter des dons spirituels, Paul juge nécessaire de confronter, dès le début, quiconque dans l'assemblée de Corinthe pourrait contredire son message (cf. 14.37). C'est probablement ainsi qu'il faut comprendre 12.3. Plusieurs explications de ce verset ont été présentées (bien que la plupart des commentateurs "règlent" le problème en l'ignorant tout simplement).

Paul croyait apparemment que certains des problèmes des Corinthiens n'étaient pas uniquement dus à leurs attitudes mondaines (3.3), mais aussi à la présence de faux docteurs, qui profitaient de leur immaturité spirituelle et empiraient ainsi les problèmes. L'arrière-plan païen duquel étaient sortis un grand nombre d'entre eux (et auquel certains appartenaient encore; cf. 8.10, 10.14, 20, 21) ne les aidait pas à se rendre compte de la présence de faux prophètes. Lorsqu'ils étaient païens, ils s'étaient laissés entraîner vers les idoles muettes (12.2). Les idoles inanimées sont certainement totalement impuissantes! (Malgré la sagesse dont les Corinthiens se vantaient, ils se montraient exceptionnellement faciles à duper [cf. 3 Co. 11.1-21, particulièrement 19, 20].)

Paul établit donc un test simple portant sur la personne de Christ. Les faux docteurs prétendaient évidemment que leurs visions, révélations et messages (cf. 1 Co. 12.1) venaient de Dieu, mais niaient apparemment l'humanité de Christ, comme l'expriment les mots: Jésus est anathème! Cela aurait pu être un facteur dans l'aversion des Corinthiens à l'égard de "la prédication de la croix" (1 Co. 1.10-4.13). Il peut être surprenant aujourd'hui de constater que la première hérésie christologique (le docétisme) niait l'humanité de Jésus, non sa divinité. L'apôtre Jean dut combattre le même problème quelques années plus tard (1 Jn. 4.1-3).

Le Jésus qui avait souffert était maintenant celui qui régnait comme Seigneur. C'est lui que Paul représentait (1 Co. 1.1) et à qui il fallait obéir, Seuls des croyants, parlant par l'Esprit de Dieu, reconnaissent que Jésus est le Seigneur. Les non-croyants, y compris les faux docteurs, nient sa souveraineté et sa seigneurie. Ainsi quiconque essaie de s'opposer à l'autorité de Jésus et à sa parole en subira les conséquences (14.38; 16.22).

Versets 4-6.
4 Il y a diversité de dons, mais le même Esprit;
5 diversité de ministères, mais le même Seigneur;
6 diversité d'opérations, mais le même Dieu qui opère tout en tous.

Au verset 3, Paul avait fait allusion à Dieu, à Jésus et au Saint- Esprit. Dans l'ordre inverse, il insiste maintenant sur l'unité de la divinité par rapport aux différents dons spirituels. Le Saint-Esprit accorde une diversité de dons (cf. "Esprit" dans v. 7-9, 11), de sorte que des individus peuvent servir le Seigneur et son corps, l'Église, de différentes façons (cf. v. 7, 27); ces dons sont rendus opérants grâce à Dieu et exercés sous son égide (cf. v. 18, 24). Bien qu'il y ait "une diversité" (diaireseis) "de dons" de ministères et d'opérations, le même Esprit, le même Seigneur (Christ) et le même Dieu jouent un rôle dans tous.

Versets 7-10.
7 Or, à chacun la manifestation de l'Esprit est donnée pour l'utilité commune.
8 En effet, à l'un est donnée par l'Esprit une parole de sagesse; à un autre, une parole de connaissance, selon le même Esprit;
9 à un autre, la foi, par le même Esprit; à un autre, le don des guérisons, par le même Esprit;
10 à un autre, le don d'opérer des miracles; à un autre, la prophétie; à un autre, le discernement des esprits; à un autre, la diversité des langues; à un autre, l'interprétation des langues.

Les dons ont une même source (v. 4-6) ainsi qu'un même but. Ils sont donnés, non pour l'enrichissement personnel (cf. 14.4; 1 Pi. 4.10), mais pour l'utilité commune du corps de Christ, l'édification des autres (1 Co. 10.24; 14.12). Paul énumère ici certains de ces dons. D'autres, ainsi que certains de ceux-ci, sont mentionnés dans Romains 12.6-8; 1 Corinthiens 12.28-31; Éphésiens 4.11; 1 Pierre 4.10, 11.

Cette liste-ci comprend neuf dons:
1) La sagesse parle d'une perspicacité quant à la vérité doctrinale. Paul exerça et manifesta ce don dans cette lettre (p. ex. 2.6).
2) La connaissance parle de la capacité d'appliquer la vérité doctrinale à la vie. Paul exerça et manifesta également ce don dans cette lettre (p. ex. 12.1-3; 11.3). (Cf. la répétition de l'ex-pression "Ne savez-vous pas" dans 3.16; 5.6; 6.2, 3, 9, 15, 16, 19; 9.13, 24; cf. aussi 8.1-3, 10, 11).
3) La foi comme don spirituel est probablement une mesure exceptionnelle de confiance en Dieu au-delà de celle exercée par la plupart des chrétiens (p. ex. 13.2).
4) Le don des guérisons est la capacité de rendre la santé (p. ex. Ac. 3.7; 19.12) et aussi de tenir temporairement la mort elle-même à distance (Ac. 9.40; 20.9, 10).
5) Le don d'opérer des miracles peut faire allusion au fait d'exorciser des démons (Ac. 19.12) ou de provoquer une infirmité quelconque (Ac. 13.11) ou même la mort (Ac. 5.5, 9).
6) La prophétie est la capacité, comme celle des prophètes de l'Ancien Testament, d'annoncer un message de Dieu pour son peuple (1 Co. 14.3).
7) Le discernement des esprits est le don de faire la différence entre la parole de Dieu proclamée par un vrai prophète et celle d'un imposteur satanique (cf. 2 Co. 11.14, 15; 1 Jn. 4.1). Si les Corinthiens possédaient ce don (cf. 1 Co. 1.7), il n'était certainement pas mis à profit (cf. 12.1-3).
8) La diversité des langues parle de la capacité de s'exprimer dans une langue courante que l'on n'a pas apprise (p. ex. Ac. 2.11).
9) L'interprétation des langues était la capacité de traduire une langue inconnue, qui s'était fait entendre dans l'assemblée (1 Co. 14.27).

Peut-être à l'exception de la foi, ces dons semblent avoir servi à corroborer le message de l'Évangile et à établir l'Église (cf. Hé. 2.4; Ép. 2.20), et étaient par conséquent temporaires.

Verset 11.
11 Un seul et même Esprit opère toutes ces choses, les distribuant à chacun en particulier comme il veut.

Ce ne sont pas les individus qui choisissent les dons ou qui les sollicitent personnellement, mais c'est l'Esprit qui les distribue comme il veut. "L'Esprit" est mentionné six fois dans les versets 7-11.

Verset 12.
12 Car, comme le corps est un et a plusieurs membres, et comme tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu'un seul corps, - ainsi en est-il de Christ.

Ce verset constitue un excellent résumé en trois parties du reste du chapitre:
a) Le corps humain est un (cf. v. 13 à propos de l'unité du corps de Christ).
b) Il a plusieurs membres, et il y a nécessairement une diversité dans ces membres (cf. v. 14-20).
c) Les différentes parties du corps humain travaillent ensemble comme un seul corps, en dépendant mutuellement les unes des autres, et chaque membre accomplit une fonction importante (cf. v. 21-26). De même, le corps de Christ comprend une diversité de membres fonctionnant ensemble (v. 27-30).

Verset 13.
13 Nous avons tous, en effet, été baptisés dans un seul Esprit, pour former un seul corps, soit Juifs, soit Grecs, soit esclaves, soit libres, et nous avons tous été abreuvés d'un seul esprit.

Celui qui a donné ces divers dons, l'Esprit, est également l'intermédiaire en qui, par qui et avec qui (traductions possibles de la préposition grecque en; cf. Mt. 3.11) existe cette unité. Au moment de leur salut (cf. Ro. 8.9), tous ceux qui croient ont expérimenté le baptême de l'Esprit.

Lors de ce baptême, les croyants, quelle que soit leur nationalité (soit Juifs, soit Grecs) ou leur situation sociale (soit esclaves, soit libres), ont été identifiés à Christ (baptisés en un seul corps) et sont depuis habités par l'Esprit (abreuvés d'un seul Esprit; cf. Jn. 4.14; 7.38, 39).

Versets 14-20.
14 Ainsi le corps n'est pas un seul membre, mais il est formé de plusieurs membres.
15 Si le pied disait, Parce que je ne suis pas une main, je ne suis pas du corps ne serait-il pas du corps pour cela?
16 Et si l'oreille disait, Parce que je ne suis pas un oeil, je ne suis pas du corps ne serait-elle pas du corps pour cela?
17 Si tout le corps était oeil, où serait l'ouïe? S'il était tout ouïe, où serait l'odorat?
18 Maintenant Dieu a placé chacun des membres dans le corps comme il a voulu.
19 Si tous étaient un seul membre, où serait le corps?
20 Maintenant donc il y a plusieurs membres, et un seul corps.

Pour qu'il y ait un corps, il faut qu'il y ait plusieurs membres (v. 19). De même, aucun croyant ne devrait se considérer lui-même ou considérer son don comme inférieur et désirer par conséquent le don d'un autre membre. Les dons ne sont pas distribués au hasard (cf. v. 11) mais avec soin selon la parfaite volonté de Dieu (v. 18).

Versets 21-26.
21 L'oeil ne peut pas dire à la main, Je n'ai pas besoin de toi; ni la tête dire aux pieds, Je n'ai pas besoin de vous.
22 Mais bien plutôt, les membres du corps qui paraissent être les plus faibles sont nécessaires;
23 et ceux que nous estimons être les moins honorables du corps, nous les entourons d'un plus grand honneur. Ainsi nos membres les moins honnêtes reçoivent le plus d'honneur,
24 tandis que ceux qui sont honnêtes n'en ont pas besoin. Dieu a disposé le corps de manière à donner plus d'honneur à ce qui en manquait,
25 afin qu'il n'y ait pas de division dans le corps, mais que les membres aient également soin les uns des autres.
26 Et si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui; si un membre est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui.

Dans la diversité des parties du corps, il y a une dépendance mutuelle correspondante. Une personne possédant un don apparemment plus grand ne devrait pas s'imaginer pouvoir fonctionner seule, puisqu'un membre coupé du corps naturel cesse d'exister. Ce qui est encore plus important, c'est que les autres membres du corps devraient accorder une plus grande attention à celui qui pense posséder un don moindre (cf. 14.1-5), tout comme dans le corps naturel on accorde des égards vestimentaires spéciaux aux parties du corps qui semblent moins présentables (12.22-24). Lorsque Paul parlait des membres plus faibles (v. 22; cf. 8.7-13) et des moins honorables (12.23; cf. 11.22), qui avaient également besoin d'une attention spéciale et d'une considération particulière, il faisait probablement allusion à autre chose qu'à la discussion immédiate des dons. Ceci aussi faisait partie du plan de Dieu (Dieu a disposé le corps) : les membres du corps spirituel devaient se soucier mutuellement du bien-être des autres (12.25b, 26; 10.24, 33), de manière à faire cesser la rivalité (afin qu'il n'y ait pas de division dans le corps; 1.10; 11.18) et à créer une véritable unité (12.26).

Versets 27-31a.
27 Vous êtes le corps de Christ, et vous êtes ses membres, chacun pour sa part.
28 Et Dieu a établi dans l'Eglise premièrement des apôtres, secondement des prophètes, troisièmement des docteurs, ensuite ceux qui ont le don des miracles, puis ceux qui ont le don de guérir, de secourir, de gouverner, de parler diverses langues.
29 Tous sont-ils apôtres? Tous sont-ils prophètes? Tous sont-ils docteurs?
30 Tous ont-ils le don des miracles? Tous ont-ils le don des guérisons? Tous parlent-ils en langues? Tous interprètent-ils?
31 Aspirez aux dons les meilleurs.

Le membre unificateur dans le corps spirituel, c'est Christ. En tant que tête du corps (Ép. 1.22; cf. 1 Co. 11.3), le corps entier lui appartient, et il exprime souverainement sa volonté. Son commandement, c'est que l'amour prévale parmi les membres (Jn. 15.12). C'est la force qui peut maintenir l'unité dans la diversité, et c'est ce sujet que Paul va bientôt aborder (1 Co. 12.31b-13.13).

Pour une troisième fois (cf. 12.18, 24, 28), Paul insiste sur le fait que c'est Dieu, non l'homme, qui distribue les dons. En mentionnant un autre groupe de dons (certains répétés des v. 7-10 et d'autres nouveaux), il parle des membres, des personnes ainsi douées. Puisque les dons des deux listes de ce chapitre renferment des éléments de nouveauté et de redondance (ce qui est aussi le cas ailleurs dans les passages énumérant les dons, p. ex. Ro. 12.6-8; Ép. 4.11; 1 Pi. 4.10, 11 – le don d'enseigner étant le seul qui revient dans chaque liste), il n'existait probablement aucune liste complète de dons.

Le fait que Paul assigne des adverbes ordinaux (premièrement... secondement... troisièmement) aux trois premiers dons suggère que les Corinthiens les avaient peut-être relégués à un rôle moins important (cf. 1 Co. 12.21-24). On faisait probablement moins de cas de ces trois sortes de membres doués, les apôtres, les prophètes et les docteurs, que de ceux qui avaient le don plus spectaculaire des langues. Mais les trois premiers dons étaient sans doute meilleurs (v. 31) à cause de leur très grande valeur pour tout le corps de Christ. C'est probablement pour cette raison qu'il les énumère en premier et qu'il dit ensuite que l'Église devrait aspirer (v. 31) à l'exercice de ces dons dans l'assemblée (cf. 14.1-5). Les apôtres, les prophètes et les docteurs exerçaient typiquement leurs dons auprès de toute l'Église et engendraient par conséquent l'unité et l'édification mutuelle.

En revanche, le don des langues convenait au penchant des Corinthiens pour l'expression de soi et la poursuite de la liberté personnelle. Cet égocentrisme affligeait également l'Église dans d'autres domaines (p. ex. les viandes sacrifiées aux idoles, les femmes dans le culte, la célébration du Repas du Seigneur). Dans l'Église de Corinthe, l'amour pour les autres était un besoin essentiel, et c'est vers cet attribut fondamental que Paul se tourne maintenant pour lui rendre un éloquent hommage.

2) La supériorité de l'amour par rapport à tous les autres dons (12.31b-13.13).

Verset 31b.
Et je vais encore vous montrer une voie par excellence.

Bien que Paul ait grandement prisé les dons spirituels, il estimait encore davantage une qualité de vie produite par l'Esprit. Les dons spirituels étaient diversement répartis entre les individus dans l'Église, si bien que tous les membres ne possédaient pas le ou les mêmes dons (cf. v. 19-30). D'un autre côté, le Saint-Esprit cherchait à produire dans chaque chrétien le fruit de l'Esprit (Ga. 5.22, 23), dans lequel l'amour occupait une place primordiale. L'amour était plus important que les dons, et s'il était manifesté, il contribuerait à corriger les aberrations qui entouraient la possession et l'exercice des dons à Corinthe (cf. 1 Co. 14.1).

La voie à laquelle Paul fait allusion est une façon de vivre caractérisée avant tout par l'amour (cf. Jn. 15.9-17). Jésus et Jean-Baptiste avaient suivi cette voie de justice (Mt. 3.15; 21.32) en se soumettant à la volonté de Dieu et en exhortant leurs disciples à faire de même (Mt. 5.6, 10, 20; 6.33), C'est cette façon de vivre et la conduite qui en découle que Paul appelle la voie de l'amour (1 Co. 14.1; cf. Ro. 13.8-10). C'est cette voie qu'il suivait, et il exhortait les Corinthiens à faire de même (1 Co. 14.1; cf. 11.1).

Chap. 13, verset 1.
1 Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n'ai pas l'amour, je suis un airain qui résonne, ou une cymbale qui retentit.

Certains ont suggéré que cet "hymne à l'amour" (chap. 13) avait été composé par Paul lors d'une occasion précédente (sous l'inspiration du Saint-Esprit naturellement) et inséré à ce point-ci dans la lettre (sous la direction de l'Esprit) parce qu'il était si à-propos. Il se pourrait bien qu'il en soit ainsi, car l'équilibre entre la forme et le fond reflète Paul à son meilleur (mais cf. 1.25-29, passage qui présente un magnifique parallélisme). Toutefois, si ces versets ont été composés auparavant, le fait qu'ils touchent si directement aux nombreux sujets soulevés dans cette lettre prouve que les Corinthiens et leurs problèmes n'étaient jamais loin des pensées de Paul lorsqu'il écrivait.

Au premier siècle, on admirait beaucoup l'éloquence, et les Corinthiens ne faisaient pas exception, même s'ils en trouvaient très peu chez Paul (cf. 2.1, 4; 2 Co. 10.10). Cela peut expliquer en partie leur fascination pour le don des langues. L'application que Paul en fait à sa propre personne et les propositions conditionnelles qui suivent (1 Co. 13.2, 3) étaient puissantes, puisqu'il pouvait revendiquer des expériences exceptionnelles, particulièrement en ce qui concerne les langues des hommes (14.18) et des anges (cf. 2 Co. 12.4). Mais cette déclaration visait probablement à inclure toute forme imaginable de langage. C'était une hyperbole à propos d'une très grande éloquence, qui, si elle était dépourvue d'amour, pouvait momentanément électriser comme un airain qui résonnait ou une cymbale qui retentissait, mais dont l'effet disparaissait ensuite tout aussi rapidement. L'amour, par contre, a une influence éternelle (cf. v. 13).

Verset 2.
2 Et quand j'aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et toute la connaissance, quand j'aurais même toute la foi jusqu'à transporter des montagnes, si je n'ai pas l'amour, je ne suis rien.

Même le don de prophétie (cf. 12.10), que Paul vantait comme un grand don pour l'Église de Corinthe (14.1), ou les dons de sagesse, de connaissance et de foi (cf. 12.8, 9) n'étaient rien comparés à l'amour. Paul ne dépréciait pas ces dons, mais appréciait plutôt l'amour en montrant qu'il était incomparable.

Verset 3.
3 Et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais même mon corps pour être brûlé, si je n'ai pas l'amour, cela ne me sert à rien.

Même le sacrifice de soi peut être égocentrique (cf. Mt. 6.2), et le sacrifice suprême, décrit ici comme l'immolation de soi (cf. Da. 3.17, 18; 2 Maccabées 7.5 [livre apocryphe]; Strabon, Géographie, 15. 1. 73) ne sert finalement à rien sans l'amour.

Verset 4.
4 L'amour est patient, il est plein de bonté; l'amour n'est point envieux; l'amour ne se vante point, il ne s'enfle point d'orgueil,

Paul passe de la première à la troisième personne et prend maintenant comme sujet une personnification de l'amour. Certains ont vu dans les versets 4 à 6 le fruit de l'Esprit (Ga. 5.22, 23); d'autres, une description de Christ lui-même. Comme les deux côtés d'une même pièce de monnaie, les deux sont applicables et apportent une solution aux nombreux problèmes à Corinthe. L'amour, défini par 14 attributs (dont la moitié sont négatifs et la moitié positifs), constitue la " voie ". L'amour, écrit Paul, est patient... plein de bonté... n'est point envieux... ne se vante point... ne s'enfle point d'orgueil.

La patience (makrothymia) est la capacité de ne pas user de représailles si on se fait traiter injustement. Dans l'Église de Corinthe, il y avait plusieurs membres qui s'étaient faits traiter de cette façon (p. ex. dans des procès [1 Co. 6.8] et les pauvres lors des repas communautaires [11.21, 22]). Devant ces torts, une réaction d'amour serait de faire preuve de bonté. L'envie et la vantardise semblaient abonder comme deux pôles du même problème (p. ex. les divisions [1.10; 3.3, 21] ; les dons [12.14, 25]). Même si ça semblait être le cas, les Corinthiens n'avaient pas le monopole de l'orgueil. Le verbe physioõ ne revient que sept fois dans le Nouveau Testament, dont six fois dans cette lettre-ci (cf. 4.6, 18, 19; 5.2; 8.1).

Verset 5.
5 il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche point sont intérêt, il ne s'irrite point, il ne soupçonne point le mal,

Paul donne ensuite quatre descriptions négatives de l'amour: il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche point son intérêt, il ne s'irrite point, il ne soupçonne point le mal. La malhonnêteté s'exprimait dans le problème des femmes dans le culte (11.2-16), dans les désordres lors du Repas du Seigneur (11.17-22) et dans l'organisation générale du culte (14.26-33). La recherche de l'intérêt personnel était un dérèglement très répandu, qui se manifestait particulièrement dans le fait de manger des viandes sacrifiées aux idoles (8.9; 10.23, 24). Les gens qui ne s'irritent pas facilement n'engagent habituellement pas de procès (comme dans 6.1-11). L'amour ne recense pas les torts; il y avait pourtant de nombreuses occasions de le faire à Corinthe (p. ex. 6.8; 7.5; 8.11).

Verset 6.
6 il ne se réjouit point de l'injustice, mais il se réjouit de la vérité;

L'amour ne se réjouit point de l'injustice (p. ex. l'inceste 5.1, 2, 8 ), mais il se réjouit de la vérité (5.8).

Verset 7.
7 il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout.

L'amour excuse (cf. 8.13), croit (cf. 15.11), espère (cf. 9.10, 23) et supporte (Aypomenei, "demeure ferme dans des circonstances désagréables", cf. 9.19-22).

Versset 8.
8 L'amour ne périt jamais. Les prophéties seront abolies, les langues cesseront, la connaissance sera abolie.

Après avoir élaboré sur la prééminence (v. 1-3) et les perfections (v. 4-7) de l'amour, Paul conclut en parlant de sa permanence (v. 8-13). L'amour ne périt jamais, dans le sens qu'il ne prendra jamais fin. Pour le dire de façon positive, il est éternel, ce qui n'est pas le cas des dons spirituels. Certains de ces dons avaient pour but d'établir l'Église (p. ex. les prophéties et la connaissance; cf. Ép. 2.20) et de confirmer l'Évangile (p. ex. les langues; cf. 2 Co. 12.12; Hé. 2.4). Chaque don sert d'une façon ou d'une autre à édifier l'Église jusqu'à la maturité; certains (la prophétie, la connaissance, les langues) ont joué un rôle dans les premières années de l'époque de l'Église, tandis que d'autres continueront d'être exercés jusqu'à ce que l'Église soit rendue parfaite. Lorsque cette perfection sera atteinte, les dons auront rempli leur but et ne seront plus nécessaires. Mais ce ne sera pas la même chose avec l'amour.

Versets 9, 10.
9 Car nous connaissons en partie, et nous prophétisons en partie,
10 mais quand ce qui est parfait sera venu, ce qui est partiel sera aboli.

Comme Paul l'a expliqué, la connaissance (v. 8), aussi essentielle qu'elle puisse être, n'était pas complète. Le don de prophétie, même s'il était crucial pour la vie de l'Église, avait une portée limitée. Les dons étaient des bénédictions temporaires pour une époque imparfaite. Un jour, ils laisseraient place à ce qui est parfait, et c'est à cela que tendaient tous les dons. Ce que Paul voulait dire en parlant de la venue de "ce qui est parfait" est le sujet de grands débats. On a suggéré, entre autres, que cette perfection décrivait l'achèvement du Nouveau Testament. Mais le verset 12 rend cette interprétation improbable. Quelques-uns ont suggéré qu'on n'atteindra pas cet état de perfection tant que les nouveaux cieux et la nouvelle terre ne seront pas établis. Selon un autre point de vue, la perfection décrirait l'état de l'Église lorsque le programme de Dieu pour elle sera consommé à la venue de Christ. Plusieurs choses favorisent ce point de vue, y compris le fait qu'il s'accorde tout naturellement avec l'image de croissance et de maturité dont Paul se sert dans les versets suivants.

Verset 11.
11 Lorsque j'étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant; lorsque je suis devenu homme, j'ai mis de côté ce qui était de l'enfant.

Paul a ailleurs décrit le but des dons par une illustration employant le langage imagé de la croissance et de la maturité. Selon Éphésiens 4.11-16, les dons devaient être utilisés pour faire passer l'Église de l'enfance à l'âge adulte. Le mot traduit par " l'état d'homme fait " dans ce passage (Ép. 4.13) est également traduit par "ce qui est parfait" (teleion) dans 1 Corinthiens 13.10. Dans Éphésiens, l'état d'homme fait est défini comme  la mesure de la stature parfaite de Christ". Un tel état n'existera évidemment pas avant la seconde venue de Christ.

Il semble que l'on retrouve la même perspective dans ce passage aux Corinthiens. Paul applique l'illustration à lui-même (cf. v. 1-3). La triple mention du langage, de la pensée et du raisonnement avait probablement pour but de contrebalancer les trois dons mentionnés (v. 8). Avec la venue de l'âge adulte, ces dons seraient choses du passé. L'emploi par Paul du mot devenu (gegona, un verbe au parfait, probablement par anticipation; cf. Ro. 13.8; 1 Co. 14.23) devait bien entendu être compris dans le contexte de l'illustration. Cela n'indique pas que Paul ou l'Église entière en était arrivé à ce point. (cf. Ph 3.12). Par contre, cela n'exclut pas pour autant que certains dons soient graduellement devenus inutiles à mesure que l'Église progressait vers la maturité.

Verset 12.
12 Aujourd'hui nous voyons au moyen d'un miroir, d'une manière obscure, mais alors nous verrons face à face; aujourd'hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j'ai été connu.

Une ville comme Corinthe, célèbre pour ses miroirs de bronze, aurait particulièrement apprécié la dernière illustration de Paul. La perfection et l'imperfection mentionnées au verset 10 sont adroitement comparées aux image contrastantes du reflet indirect du visage d'une personne dans un miroir de bronze et du même visage regardé directement. Tel était, selon Paul, le contraste qui existait entre la période imparfaite dans laquelle il écrivait alors et la période parfaite qui les attendaient lui et l'Église, lorsque le reflet partiel du présent ferait place à la splendeur d'une vision parfaite. Paul verrait alors Dieu (cf. 15.28; 1 Jn. 3.2) comme Dieu voyait maintenant Paul. La connaissance partielle (cf. 1 Co. 8.1-3) serait alors remplacée par une connaissance parfaite de Dieu.

Verset 13.
13 Maintenant donc ces trois choses demeurent, la foi, l'espérance, l'amour; mais la plus grande de ces choses, c'est l'amour.

Paul complète son portrait de l'amour en trois tableaux (v. 1-3, 4-7, 8 13) par une dernière triade: la foi, l'espérance, l'amour. Beaucoup de discussions ont découlé du fait qu'on se demandait si Paul affirmait que la foi et l'espérance étaient (avec l'amour) éternelles. La réponse se trouve probablement au verset 7. La foi est une expression de l'amour (le mot "croit" pisteuei v. 7, est la forme verbale du nom "foi" pistis), comme d'ailleurs l'espérance (cf Ga. 5.5, 6). En tant que manifestation de l'amour, la foi et l'espérance dureront éternellement. De même, celui qui suit la voie de l'amour (1 Co. 14.1) trouve la "voie par excellence" (12.31b), parce que chaque personne caractérisée par l'amour porte éternellement cette marque. Les dons spirituels cesseront un jour d'exister, mais l'amour durera éternellement.

3) La priorité de la prophétie sur le don des langues (14.1-25).

Le chapitre 13 est une des plus sublimes digressions dans n'importe quelle lettre, peu importe la langue. Mais il constitue néanmoins une déviation par rapport au thème central des dons et de leur usage par l'Église, sujet que Paul avait abordé au chapitre 12 et qu'il conclut maintenant au chapitre 14. Au chapitre 12, Paul avait laissé entendre que les Corinthiens pervertissaient le but des dons; au lieu d'avoir une influence unificatrice sur l'Église, les dons spirituels favorisaient plutôt la fragmentation et la discorde (particulièrement 12.21-25). Un facteur qui contribuait à cet esprit factieux était la recherche de la liberté individuelle et de l'enrichissement personnel aux dépens des autres membres du corps dont les besoins étaient foulés aux pieds ou ignorés en cours de route. Les manifestations de cet égocentrisme se reflétaient dans chacun des problèmes soulevés depuis le chapitre 8.

Le problème central dans la question de l'usage et de l'abus des dons semblait être la fascination des Corinthiens pour le don des langues, don qui se prêtait apparemment très facilement à la perversion d'une chose devant servir à "l'utilité commune" (12.7), il était converti en une autre employée pour l'exaltation personnelle (14.4). L'action corrective de Paul n'avait pas pour but de réprimer l'usage des dons (14.39; cf. 1 Th. 5.19, 20) mais d'insister fortement pour que leur usage soit gouverné par l'amour. Les dons de l'Esprit devaient être contrôlés par le fruit de l'Esprit, dans lequel l'amour occupait une place prépondérante (Ga. 5.22). Ainsi, les Corinthiens pourraient exercer leurs dons de manière à en faire profiter toute l'Église (14.5) et aussi à honorer Dieu (14.25, 33, 40). Par l'illustration et la correction, Paul met en contraste la préoccupation des Corinthiens pour le don des langues avec leur désintérêt apparent pour la prophétie.

Chap. 14, verset 1
Recherchez l'amour. Aspirez aussi aux dons spirituels, mais surtout à celui de prophétie.

On voit que le chapitre 13 était une digression, si sublime soit-elle, par la façon dont Paul tisse les deux brins par lesquels il avait conclu le chapitre 12 (v. 31) et qu'il reprend au début du chapitre 14 (v. 1). Il le fait sous forme de chiasme, figure de rhétorique commune qui relie une série de mots, d'expressions ou d'idées apparentés en les incersant la deuxième fois qu'il en parle, par exemple a1, b1, b2, a2. Comme point final à sa discussion sur l'unité et la diversité des dons, Paul avait exhorté les Corinthiens à aspirer (a1) à l'exercice des dons qui étaient plus avantageux pour toute l'Église (cf. 12.31). Il avait ensuite affirmé (b1) que, même si les dons étaient merveilleux et utiles, il y avait une manière de vivre encore meilleure (chap. 13). Le chapitre 14 reprend la même idée: Paul incite fortement (b2) ses lecteurs à faire de l'amour (14.1) la caractéristique manifeste de leur propre vie (cf. Jn. 13.34, 35). Cela les pousserait alors à aspirer (a2) " aux dons les meilleurs " entre autres la prophétie (cf. 1 Co. 12.31).

Verset 2.
2 En effet, celui qui parle en langue ne parle pas aux hommes, mais à Dieu, car personne ne le comprend, et c'est en esprit qu'il dit des mystères.

Ce que Paul voulait dire par parler en langue est le sujet de grands débats. Un point de vue commun est de considérer l'emploi du mot "langue" (glõssa) par Paul d'après l'arrière-plan des religions païennes du premier siècle et de le définir ainsi comme un parler extatique semblable à celui des sibylles, ou devineresses. La sibylle de Cumes (cf. Virgile, L'Énéide, 6. 77-102) était la plus célèbre des dix devineresses vantées par diverses régions. D'autres voient le parler en langue dans 1 Corinthiens comme un parler extatique semblable à celui de la pythie, prêtresse de l'oracle d'Apollon à Delphes (Plutarque, Oeuvres morales, 5. 409e), ou à celui des ménades de Dionysos dans leurs extases frénétiques (Ovide, Les Métamorphoses, 3.534, 710-30; cf. Euripide, Les Bacchantes). Il est certainement possible que les Corinthiens aient pensé que ce don était analogue aux extases païennes, mais suggérer que Paul a utilisé ce terme en faisant allusion à cet arrière-plan païen, ce n'est pas tellement faire preuve d'un savoir éclairé. En fait, la plupart des concepts théologiques et des termes que Paul utilisait avaient pour origine l'Ancien Testament.
C'est évident dans l'emploi qu'il fait du mot glõssa en dehors de ces trois chapitres. Il a utilisé le mot 21 fois dans 1 Corinthiens 12 à 14, mais seulement trois fois dans ses autres lettres. Chacun des autres emplois de Paul était soit dans une citation de l'Ancien Testament (Ps. 5.10 dans Ro. 3.13; És. 45.23 dans Ro. 14.11) soit dans une allusion à celui-ci (És. 45.23 dans Ph. 2.11). Dans ces trois cas, il s'est servi du mot "langue" comme figure de rhétorique pour désigner une déclaration ou une confession. Quelle ait été en bien (Ro. 14.11; Ph. 2.11) ou en mal (Ro. 3.13), la déclaration de Paul était parfaitement intelligible.

On peut dire la même chose du sens du mot glõssa ailleurs dans le Nouveau Testament. Qu'il ait été utilisé littéralement pour désigner l'organe physique (p. ex. Mc. 7.33; Ja. 3.5; Ap. 16.10) ou de façon figurée à propos des langues humaines (p. ex. Ac. 2.11; Ap. 5.9; 7.9 10.11; 11.9; 13.7; 14.6; 17.15), il ne se rapporte nulle part à un parler extatique. S'il est raisonnable d'interpréter l'inconnu à partir du connu, et l'obscur par ce qui est clair, le fardeau de la preuve repose donc sur ceux qui trouvent dans ce terme une signification autre que celle d'un langage humain.

Dans ce verset, il est question de réunions de l'Église de Corinthe (1 Co 11.2-14.40, particulièrement 14.4, 5) dans lesquelles on parlait en langue sans que quelqu'un puisse interpréter (cf. v. 13 19). La langue parlée n'était apparemment la langue maternelle d'aucun de ceux qui étaient présents (cf. v. 10, 11) et personne n'avait le don de l'interpréter. Ces paroles étaient donc des mystères, des vérités exigeant une révélation surnaturelle, que Dieu n'avait pas accordée aux Corinthiens dans ce cas particulier. Par conséquent, le parler en langue était tout à fait inutile pour l'assemblée; seul celui qui parlait en retirait un certain avantage (v. 4) en esprit (cf v. 14), l'aspect sensible de son être (pneuma); cf. Mt. 5.3; Ac. 17.16; 1Co 2.13).

Verset 3.
3 Celui qui prophétise, au contraire, parle aux hommes, les édifie, les exhorte, les console.

Par ailleurs, celui qui a le don de prophétie (cf. 12.10) parle dans la langue de ses auditeurs, le grec dans ce cas-ci, et leur annonce la parole de Dieu d'une façon qui les édifie (oikodomën "édification"), les exhorte (paraklësin), les console (paramythian "consolation" utilisé seulement ici dans le N.T.).

Verset 4.
4 Celui qui parle en langue s'édifie lui-même; celui qui prophétise édifie l'Eglise.

Celui qui avait le don des langues (cf. 12.10) et qui parlait sans que personne ait le don d'interpréter (cf 12,10) s'édifiait peut-être lui-même mais n'édifiait personne d'autre dans l'Église. L'édification résultait du fait que l'utilisateur d'un don recevait la confirmation qu'il était l'objet individuel de la grâce de Dieu (cf. 12.18, 28) et qu'il pouvait louer Dieu (14.16). Même s'il ne comprenait pas lui-même le contenu de cette louange, cela égayait cependant ses sentiments et ses émotions, et le conduisait à une joie et une euphorie générales. Ce n'était rien de mal. Paul n'était certainement pas le défenseur d'un culte froid et glacial. Les dons n'étaient cependant pas donnés pour l'enrichissement personnel, mais pour le bien des autres (12.7; cf. 10.24; 1 Pi. 4.10). L'exercice légitime des dons produisait souvent comme conséquences naturelles, une édification et une joie personnelles, mais ce n'était pas là la principale raison pour laquelle on devait les exercer.

Verset 5.
5 Je désire que vous parliez tous en langues, mais encore plus que vous prophétisiez. Celui qui prophétise est plus grand que celui qui parle en langues, à moins que ce dernier n'interprète pour que l'Eglise en reçoive de l'édification.

Paul n'avait pas l'intention de déprécier le don des langues; ce qui l'intéressait, c'était de donner une valeur plus grande au don de prophétie. Il n'y avait rien de mal dans le fait de parler en langue; Paul pensait même que ce serait une bonne chose si chacun pouvait le faire. Il est vrai qu'il avait dit la même chose au sujet du célibat (7.7), mais dans un cas comme dans l'autre, il ne s'attendait pas à ce que ce soit vrai de tout le monde. Puisque les deux étaient des dons de Dieu, on ne devait pas les mépriser. Dans une réunion de l'Église, on devait toutefois préférer grandement le don de prophétie et son exercice aux langues non interprétées, simplement parce que le premier édifiait les autres. Comme nous l'avons déjà dit, le don des langues confirmait l'Évangile et était par conséquent temporaire (voir les commentaires sur 13.8). Les présentes instructions, qui traitent spécifiquement du mauvais usage du don des langues à Corinthe, ne sont donc pas des directives pour l'utilisation des langues aujourd'hui (cf. les commentaires sur 14.21, 22).

Verset 6.
6 Et maintenant, frères, de quelle utilité vous serais-je, si je venais à vous en parlant en langues, et si je ne vous parlais pas par révélation, ou par connaissance, ou par prophétie, ou par doctrine?

Deux illustrations (au v. 6 et aux v. 7-9) le montrent clairement. Dans la première, Paul parle de lui-même en pensant probablement à son ministère initial à Corinthe. Il aurait pu venir en proclamant son message dans une langue qu'ils ne connaissaient pas (cf. v, 18), mais cela n'aurait, à tout le mieux (v. 11), engendré que de l'indifférence, ou, au pire, de la dérision (v. 23). En fait, il leur apporta, par son ministère de prophétie (12.29), des révélations de Dieu (cf. 2.10) et, par son ministère de doctrine (12.29; cf. 14.26), une parole de connaissance (cf. 2.12), discours qu'ils pouvaient comprendre et auquel ils pouvaient réagir (cf. v. 24, 25).

Versets 7-9.
7 Si les objets inanimés qui rendent un son, comme une flûte ou une harpe, ne rendent pas des sons distincts, comment reconnaîtra-t-on ce qui est joué sur la flûte ou sur la harpe?
8 Et si la trompette rend un son confus, qui se préparera au combat?
9 De même vous, si par la langue vous ne donnez pas une parole distincte, comment saura-t-on ce que vous dites? Car vous parlerez en l'air.

La même chose est vraie dans un morceau de musique ou dans un appel au combat. Pour que les autres puissent en profiter, il faut que les notes d'une flûte, d'une harpe ou d'une trompette soient claires et intelligibles; autrement elles ne sont rien d'autre qu'un échappement d'air, ce qui, en plus d'être agaçant (v. 7), peut avoir des conséquences désastreuses (v. 8).

Versets 10-12.
10 Aussi nombreuses que puissent être dans le monde les diverses langues, il n'en est aucune qui soit sans signification;
11 si donc je ne connais pas le sens de la langue, je serai un barbare pour celui qui parle, et celui qui parle sera un barbare pour moi.
12 De même vous, puisque vous aspirez aux dons spirituels, que ce soit pour l'édification de l'Eglise que vous cherchiez à en posséder abondamment.

La communication humaine fonctionne sur les mêmes principes que la communication instrumentale. Le mot langues au verset 10 est phõnõn, pluriel du mot phõnëen, traduit par "son" aux versets 7 et 8. Les sons humains sont inutiles s'il n'y a pas une compréhension commune de leur sens. Il en était de même de la préoccupation des Corinthiens pour les langues non interprétées. C'est pourquoi Paul ne découragea pas leur intérêt pour les dons spirituels, mais encouragea plutôt les Corinthiens à rechercher ceux qui servaient à l'édification de toute l'Église (v. 12; cf. 12.31; 14.1).

Verset 13.
13 C'est pourquoi, que celui qui parle en langue prie pour avoir le don d'interpréter.

Comme la prophétie, les langues interprétées pouvaient être utiles pour l'assemblée (cf. Ac. 19.6). On devait donc demander à Dieu le don d'interpréter. S'il n'y avait personne qui pouvait interpréter, celui qui avait le don des langues devait garder le silence (1 Co. 14.28).

Versets 14, 15.
14 Car si je prie en langue, mon esprit est en prière, mais mon intelligence demeure stérile.
15 Que faire donc? Je prierai par l'esprit, mais je prierai aussi avec l'intelligence; je chanterai par l'esprit, mais je chanterai aussi avec l'intelligence.

Il était également vrai que, même si le don des langues pouvait être avantageux pour ceux qui le possédaient (cf. v. 4), lorsqu'il était associé au don d'interprétation, il avait une bien plus grande valeur parce qu'il faisait alors appel, non seulement aux sentiments d'une personne, mais aussi à ses facultés mentales.

Versets 16, 17.
16 Autrement, si tu rends grâces par l'esprit, comment celui qui est dans les rangs des simples auditeurs répondra-t-il Amen! à ton action de grâces, puisqu'il ne sait pas ce que tu dis?
17 Tu rends, il est vrai, d'excellentes actions de grâces, mais l'autre n'est pas édifié.

S'il était vrai que celui qui possédait le don des langues trouvait que la valeur de son adoration était accrue par la possession et l'usage du don d'interprétation (v. 15), il était tout aussi vrai que celui qui l'écoutait sans avoir le même don ne pouvait pas être d'un même coeur avec lui. Un autre qui possédait aussi le don des langues pouvait du moins comprendre la joie expérimentée dans l'exercice du don. Le chrétien qui avait un don différent avait cependant besoin d'une communication intelligible pour tirer profit de ce qui était dit et avoir ainsi une base lui permettant de donner son accord en prononçant un Amen. Mais il n'y avait pas de compréhension de ce genre si la langue n'était pas interprétée, et le frère n'était donc pas édifié.

Versets 18, 19.
18 Je rends grâces à Dieu de ce que je parle en langue plus que vous tous;
19 mais, dans l'Eglise, j'aime mieux dire cinq paroles avec mon intelligence, afin d'instruire aussi les autres, que dix mille paroles en langue.

Ce n'était certainement pas par dépit que Paul voulait restreindre l'enthousiasme des Corinthiens pour le don des langues. Car, dans l'exercice de ce don, il pouvait certainement les surpasser tous. Mais ce qui intéressait Paul, ce n'était pas principalement son épanouissement personnel. Ce qu'il recherchait plutôt, c'était d'exercer un ministère pour les autres et ainsi glorifier Dieu (cf. 10.31-33). C'est pour cette raison qu'il n'utilisait pas son don des langues dans l'Église, mais plutôt son don de prophétie (14.6). Cela était en fait en accord avec les desseins de Dieu.

Quelle était alors la place des langues dans le plan de Dieu? C'est le point que Paul aborde ensuite:

Verset 20.
20 Frères, ne soyez pas des enfants sous le rapport du jugement; mais pour la méchanceté, soyez enfants, et, à l'égard du jugement, soyez des hommes faits.

L'engouement des Corinthiens pour les langues n'était pour Paul qu'une autre manifestation de leur immaturité et de leur caractère mondain (cf. 3.1-3). Cela changerait, espérait-il, s'ils accordaient une plus grande valeur à la prophétie et reconnaissaient l'importance de ce don pour l'assemblée. Ses dernières paroles, dans lesquelles il met la prophétie et les langues en contraste (14.21-25), avaient pour but de conclure l'exhortation commencée au verset 1.

Versets 21, 22.
21 Il est écrit dans la loi, C'est par des hommes d'une autre langue Et par des lèvres d'étrangers Que je parlerai à ce peuple, Et ils ne m'écouteront même pas ainsi, dit le Seigneur.
22 Par conséquent, les langues sont un signe, non pour les croyants, mais pour les non-croyants; la prophétie, au contraire, est un signe, non pour les non-croyants, mais pour les croyants.

L'argument sommaire présenté dans les versets 21 à 25 commence par la citation d'une partie d'une prophétie d'Ésaïe contre Israël (És. 28.11, 12). Parce qu'Israël avait refusé d'écouter le message de Dieu proclamé par ses prophètes, Ésaïe avait prédit qu'il y aurait un autre message. Celui-là serait présenté dans une langue étrangère, inintelligible pour les Israélites, mais cependant non équivoque (cf. 2 R. 17.23). La langue étrangère symbolisait le rejet d'Israël par Dieu (cf. De. 28.49; És. 33.19), sa réaction disciplinaire devant la rébellion opiniâtre d'Israël contre lui (cf. 2 R. 17.14; Ac. 7.51). Au lieu d'Israël, des étrangers étaient ainsi devenus les serviteurs temporaires de Dieu (cf. És. 5.26; Ha. 1.6; Mt. 21.43; Ro. 10.19-21), et leur langue étrangère était pour Israël un signe de punition indiquant ce qui avait eu lieu.

Voilà ce qui semble correspondre au sens que Paul donne aux langues. Ainsi la principale arène pour l'exercice du don des langues n'était pas parmi les croyants, mais parmi les non-croyants (cf. Mt. 13.10-15 à propos des paraboles). Les langues non interprétées avaient leur place, mais pas dans l'Église. La prophétie, en revanche, faisait du bien aux croyants (1 Co. 14.3).

Versets 23-25.
23 Si donc, dans une assemblée de l'Eglise entière, tous parlent en langues, et qu'il entre de simples auditeurs ou des non-croyants, ne diront-ils pas que vous êtes fous?
24 Mais si tous prophétisent, et qu'il entre un non-croyant ou un simple auditeur, il est convaincu par tous, il est jugé par tous,
25 les secrets de son coeur sont dévoilés de telle sorte que, tombant sur sa face, il adorera Dieu, et publiera que Dieu est réellement au milieu de vous.

Dans une assemblée de croyants, les langues n'étaient utiles que si elles étaient interprétées. Mais il semble que ce n'est pas ce que faisaient habituellement les Corinthiens. Ils donnaient plutôt libre cours à leur don des langues d'une façon non refrénée. Par conséquent, les croyants qui avaient d'autres dons étaient déconcertés par la conduite de ceux qui parlaient en langues (v. 16). De plus, les nouveaux venus (idiõtai, ceux qui assistaient aux réunions mais qui n'étaient pas croyants) et d'autres non-croyants (apistoi) qui étaient conscients de l'Évangile sans être encore convaincus de son message (contrairement à ceux des v. 21, 22, qui l'avaient carrément rejeté) trouveraient leur conduite complètement ridicule. Ne diront-ils pas que vous êtes fous? Cela, suggère Paul, ne ferait certainement pas progresser la cause de Christ à Corinthe. La prophétie, au contraire, était désirable, parce qu'elle était non seulement profitable pour les croyants (v. 3), mais qu'elle exposait aussi les incroyants, non à une scène de chaos, mais à une scène de conviction de péché (cf. Jn. 16.8) et de jugement (1 Co. 2.15), qui pouvait conduire à une révélation personnelle (les secrets de son coeur sont dévoilés) et à l'adoration de Dieu.

4) La convenance dans l'usage des dons (14.26-40).

Dans cette section, Paul conclut sa discussion sur les dons (chap. 12-14). Il tire également une conclusion sur toute la section traitant de la liberté chrétienne par rapport au culte (11.2-14.40). Ce qui est le plus frappant pour un lecteur moderne, c'est l'absence apparente d'un programme quelconque pour les réunions et d'allusion à des personnes responsables de ministères précis. Toute l'Église semblait employer ses dons en exerçant spontanément un ministère les uns à l'égard des autres.

Verset 26.
26 Que faire donc, frères? Lorsque vous vous assemblez, les uns ou les autres parmi vous ont-ils un cantique, une instruction, une révélation, une langue, une interprétation, que tout se fasse pour l'édification.

Comme il l'avait fait tout au long de cette lettre, Paul s'adresse aux chrétiens de Corinthe en les appelant frères, terme général incluant les deux 2 sexes (p. ex. 1.10; cf. 1 Pi. 5.9). Lorsque l'Église se réunissait, chacun était libre de participer en présentant un cantique, une instruction (cf. 1 Co. 14.6; probablement une leçon tirée de l'A.T.), une révélation (par un prophète; cf. v. 6, 29-32), ou une parole (de quelqu'un ayant le don de parler en langue) suivie d'une interprétation de ce qui avait été dit. Le principe qui devait gérer cette libre participation était la règle de l'amour. Tout ce qui était dit et fait devait avoir pour but l'édification (pros oikodomën) des autres (cf. v. 4, 5).

Versets 27, 28.
27 En est-ils qui parlent en langue, que deux ou trois au plus parlent, chacun à son tour, et que quelqu'un interprète;
28 s'il n'y a point d'interprète, qu'on se taise dans l'Eglise, et qu'on parle à soi-même et à Dieu.

Même s'il n'y avait pas de programme établi d'avance pour les réunions, celles-ci devaient toutefois se dérouler avec ordre (v. 40). Dans les réunions, il devait y avoir une participation équilibrée de la part des membres doués. Ceux qui parlaient en langue et qui voulaient participer pouvaient le faire, mais seulement deux ou trois au cours d'une même réunion et seulement si quelqu'un ayant le don d'interprétation était présent et pouvait traduire ce qui était dit. S'il n'y avait point d'interprète, celui qui parlait en langue devait se taire. Bien que son don ne soit dans ce cas d'aucune utilité pour l'Église, il comportait quand même certains autres avantages (cf. v. 4, 14, 15, 22).

Verset 29.
29 Pour ce qui est des prophètes, que deux ou trois parlent, et que les autres jugent;

Les instructions adressées à ceux qui avaient le don de prophétie n'étaient pas différentes de celles pour les langues. Deux ou trois prophètes pouvaient prendre la parole à chaque réunion, et ce qu'ils disaient devait être considéré avec soin. Étant donné qu'ils parlaient grec, les autres comprenaient et pouvaient évaluer leurs messages. (Ou "les autres" se rapportait peut-être à ceux qui avaient le don de discerner les esprits.) Le verbe jugent traduit le verbe diakrinetõsan, apparenté au nom diakriseis dans 12.10, où il est question de "discernement des esprits". Les auditeurs avaient la responsabilité de s'assurer que le message livré venait effectivement de Dieu (cf. 1 Jn. 4.1).

Verset 30.
30 et si un autre qui est assis a une révélation, que le premier se taise.

Un prophète pouvait avoir reçu une révélation, probablement dans une vision ou un rêve, quelque temps avant la réunion de l'Église à laquelle il la faisait connaître. Toutefois, il pouvait aussi en avoir une pendant la réunion. Si cela se produisait, le prophète qui était en train de parler devait mettre fin à son message pour laisser la parole à l'autre. Quelles qu'elles fussent, les réunions à Corinthe n'étaient certainement pas ennuyantes.

Verset 31.
31 Car vous pouvez tous prophétiser successivement, afin que tous soient instruits et que tous soient exhortés.

Le principe qui réglait l'exercice des langues s'appliquait également aux prophètes. Ce qui était dit devait profiter à tous, que ce soit une instruction ou un encouragement dans la vie chrétienne (cf. v. 3).

Versets 32, 33a.
32 Les esprits des prophètes sont soumis aux prophètes;
33 car Dieu n'est pas un Dieu de désordre, mais de paix.

Paul ne croyait apparemment pas que les prophètes étaient plus sobres que leurs confrères ayant le don des langues. Il donna donc aux premiers un ordre semblable à celui qu'il avait donné aux derniers (v. 28). Les esprits se rapportent au don spirituel d'un prophète; ce n'était pas le don qui était maître de celui qui avait le don, mais le contraire (cf. v. 30). Si deux ou trois prophètes avaient déjà pris la parole lors d'une réunion particulière, d'autres qui auraient eu quelque chose à dire pouvaient le faire à une autre occasion. L'Église n'était pas une tribune pour impressionner les autres ou se glorifier soi-même; c'était plutôt un endroit où les gens devaient être édifiés et où Dieu devait être honoré (cf. 10.31-33). La réunion et ceux qui y prenaient part devaient refléter le caractère de Dieu. Il est un Dieu... de paix, non de désordre, et son Esprit agissait pour produire ce même fruit (Ga. 5.22) dans la vie des croyants.

Versets 33b-36.
33b Comme dans toutes les Eglises des saints,
34 que les femmes se taisent dans les assemblées, car il ne leur est pas permis d'y parler; mais qu'elles soient soumises, comme le dit aussi la loi.
35 Si elles veulent s'instruire sur quelque chose, qu'elles interrogent leur mari à la maison; car il est malséant à une femme de parler dans l'Eglise.
36 Est-ce de chez vous que la parole de Dieu est sortie? ou est-ce à vous seuls qu'elle est parvenue?

Certains des premiers copistes ont eu l'impression que quelques versets de cette section (v. 34, 35) n'étaient pas à leur place à cet endroit-là de la lettre et les transposèrent donc à la fin du chapitre. Une approche encore plus radicale de la part de certains commentateurs récents fut de considérer ces versets comme faux et indignes d'être commentés. Bien qu'il soit difficile de déterminer exactement le sens de ces versets, aucun de ces deux expédients n'est tellement louable. Il semble en fait que le fil conducteur qui a incité Paul à faire ces commentaires au sujet des femmes était le thème qui avait été développé dans les versets précédents au sujet de ceux qui avaient le don des langues ou celui de prophétie. Les membres de l'Église devaient à l'occasion faire preuve de maîtrise, maîtrise qui s'exprimait par le silence (v. 28, 30, 34), de manière à ce que l'assemblée puisse être caractérisée par la paix.

Certaines femmes de Corinthe avaient apparemment besoin d'entendre ce refrain. Ce qui allait de travers par rapport à leur participation dans le culte (11.2-16), ce n'était pas seulement le fait qu'elles ne se voilaient pas la tête, et Paul n'allait pas esquiver le problème.

On peut se demander si l'exhortation au silence s'adressait à toutes les femmes (cf. 11,2-16) ou seulement à celles qui étaient mariées. Le mot traduit par femmes (gynaikes) était employé pour désigner les femmes en général (comme dans les onze occurrences dans 11.3-15), les femmes non mariées (p. ex. 7.34), ou les femmes mariées (p. ex. 5.1; 9.5; et les quatorze occurrences dans le chap. 7, à l'exception de 7.34). Seul le contexte peut aider le lecteur à distinguer entre les significations différentes.

Deux indices suggèrent fortement que les femmes mariées étaient en vue dans ce passage. Le premier est le mot soumises (hypotassesthõsan, v. 34). Lorsqu'il revient ailleurs dans le Nouveau Testament et qu'il s'applique à une femme, il est toujours question d'une femme mariée qui devait être soumise à son mari (Ép. 5.22; Col. 3.18; Tit. 2.5; 1 Pi. 3.1, 5).

Le second est l'expression leur mari (1 Co. 14.35), que les femmes curieuses devaient consulter si elles avaient des questions. Ce serait évidemment une tâche difficile pour les femmes seules (p. ex. 7.34) ou celles dont le mari était incroyant (p. ex. 7.13).

On cite souvent 1 Timothée 2.11-15, qui enjoint aux femmes de garder le silence dans le culte, comme passage parallèle. Mais là aussi, il était probablement question de femmes mariées, puisque le verset 15 ne pouvait pas s'appliquer à une femme qui ne l'était pas. Aussi, lorsqu'Ève est nommée dans l'Ancien Testament, c'est en tant que femme d'Adam (Ge. 3.20; cf. 2 Co. 11.2, 3, le seul autre passage du N.T., à part 1 Ti. 2.13, 14, où Ève est nommée), et sa soumission est enracinée dans cette relation (Ge. 3.16, le test auquel Paul faisait probablement allusion dans 1 Co. 14.34). De plus, le nom hësychia dans 1 Timothée 2.11, 12 signifie "tranquillité, absence de désordre" tandis que le verbe sigaõ dans 1 Corinthiens 14.28, 34 signifie "gardent le silence".

Paul voulait donc le silence de la part des femmes mariées dont le mari était présent dans l'assemblée, mais il permettait la participation des autres si elles étaient vêtues convenablement (1 Co. 11.2-16). Un tel silence exprimerait leur soumission (mais non leur infériorité) à leur mari. Ceci contraste avec un désordre occasionné par le fait qu'elles parlaient avec leur mari pendant la réunion.

Les croyants de Corinthe ne devaient pas se considérer comme les seuls interprètes de la parole de Dieu ou les seuls à l'avoir reçue (14.36). Comme les autres dans toutes les Églises (v. 33b), ils devaient se soumettre à la vérité de Dieu en se conformant à cette norme de conduite.

Versets 37-40.
37 Si quelqu'un croit être prophète ou spirituel, qu'il reconnaisse que ce que je vous écris est un commandement du Seigneur.
38 Et si quelqu'un l'ignore, qu'il l'ignore.
39 Ainsi donc, frères, aspirez au don de prophétie, et n'empêchez pas de parler en langues.
40 Mais que tout se fasse avec bienséance et avec ordre.

Ces versets étaient la conclusion de Paul non seulement aux directives précédentes (v. 33b-36) mais aussi à toute sa discussion à propos des irrégularités dans le culte et des correctifs à y apporter (11.2-14.36). Il s'attendait à une certaine opposition (cf. 11.16; 14.36), mais il avertit ceux qui s'opposaient à lui qu'ils le faisaient à leur propre péril (cf. 4.18-21). Si quelqu'un ignore les commandements du Seigneur, il verra que Dieu l'ignorera aussi au dernier jour (cf. 3.17; Ge. 9.6; Mt. 10.32, 33), parce que ses actions montreront qu'il n'a jamais connu le Seigneur (cf. 1 Co. 8.3; Mt. 7.22, 23; 1 Jn. 4.6).

La conclusion était que les Corinthiens devaient accorder une attention spéciale aux dons qui étaient les plus utiles pour toute l'Église (12.31; 14.1) sans dénigrer pour autant les autres. Ils devaient veiller à ce que leurs réunions se déroulent avec bienséance (cf. 11.2-16; 14.34-36) et avec ordre (cf. 11.17-34; 14.26-33).

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