Quelle Eglise pour le 21ème siècle ?

5/5 Une Eglise missionnaire

Fabiano FERNANDEZ
Directeur de l’Institut Biblique Portugais

Introduction

Une Eglise missionnaire est le point culminant atteint par une Eglise motivée, visionnaire, fructueuse et de qualité. Cette dernière étude illustre ce qu’est une véritable Eglise pour le XXIe siècle. La mission est le fruit d’une Eglise qui aime Dieu de tout son entendement, de tout son coeur, de toute son âme et de toute sa force, qui demeure au centre de la volonté de Dieu et ferme dans l’enseignement du Seigneur Jésus. Il n’existe qu’une Eglise de Christ sur la terre, celle qui a été envoyée dans le monde! Dieu avait un seul Fils, il a fait de lui un missionnaire, qui est pour nous le modèle par excellence. La Bible est un livre essentiellement missionnaire.

L’Ancien Testament

L’appel d’Abraham manifeste la stratégie de Dieu se révélant à l’humanité. Dieu donne à Abraham une vision et une promesse: il sera père d’une grande nation pour la bénédiction de toutes les familles de la terre. Le but de Dieu est de bénir toutes les familles de la terre.

Héritier de la foi d’Abraham, Israël connaissait sa mission dans le monde, plusieurs passages de l’AT démontrent la volonté de Dieu qu’Israël soit la lumière des nations. J’ai une prédilection pour le Psaume 96, il a été composé pour une des fêtes annuelles qui rassemblaient à Jérusalem des Juifs venus de loin, formant une foule colorée et festive. Ce psaume est simple et direct - Chantez à l’Eternel un cantique nouveau - Annoncez de jour en jour son salut - Racontez parmi les nations sa gloire, parmi tous les peuples ses merveilles - Dites parmi les nations: L’Eternel règne! Glorieux psaume, riche en théologie, rempli d’enthousiasme et de motivation. La finalité d’Israël, en tant que nation sainte et élue, était d’atteindre toutes les familles de la terre. Israël était destiné à être une nation missionnaire, à appeler les peuples à reconnaître que seul JWHW est le Seigneur digne de tout honneur, gloire et puissance.

En réalité la nation d’Israël, au lieu de se tourner vers l’extérieur est devenue nationaliste, stérile par rapport à sa mission. C’est pourquoi dans les Evangiles, la condamnation la plus sévère de Jésus concerne l’arbre qui ne porte pas de fruits - la malédiction qu’il a prononcée a eu un impact remarqué. Aujourd’hui un écologiste convaincu condamnerait Jésus pour avoir abattu un arbre pour la simple raison qu’il ne produisait pas de fruit. La cause profonde de l’état d’Israël réside certainement dans les desseins de Dieu puisqu’il a voulu inclure les païens dans son plan pour l’humanité.

Aujourd’hui l’Eglise de Jésus-Christ a exactement la même mission que celle qui incombait à Israël dans l’Ancien Testament. C’est un privilège et une responsabilité. Un privilège, parce que le Dieu souverain et tout-puissant, dans sa grâce et sa miséricorde, a préféré nous choisir et compter avec nous, ce mystère témoigne de son amour; une responsabilité, parce que cette mission exige une action énergique en accord avec l’ordre de Jésus.

Actes 1:8

Il est intéressant et important que le premier verset de vocation de l’Action Biblique soit Actes 1:8. Vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. En vérité nous sommes tous des témoins de Dieu, mais il y a beaucoup de formes de témoignage qui procèdent des dons reçus par chacun. Aucun chrétien ne peut se soustraire à la responsabilité de témoigner.

Un évangéliste qui communique bien le message du salut verra son travail se compliquer si un membre de son Eglise donne un mauvais témoignage. Nous sommes tous des témoins, à la maison, à l’école, au travail, dans le sport, à l’église, dans le monde.

Ne tombons pas dans l’erreur, je le dis spécialement à la nouvelle génération de l’Action Biblique, en abandonnant le zèle et la passion de gagner des âmes, sous prétexte que nous ne sommes pas tous évangélistes, ou que tous les fruits ne consistent pas à gagner des âmes pour Christ. Les erreurs ou exagérations du passé doivent être corrigées, mais ne rejetez pas le point central lors de la rénovation de la vision et de la mission.

Les Evangiles

Chacun des quatre Evangiles a été écrit pour relater des aspects significatifs de la vie et du ministère du Seigneur Jésus. Ils offrent des perspectives différentes sur une même vie et un seul ministère. Le ministère de Jésus a été court mais efficace. Envoyé par le Père, il a choisi stratégiquement douze apôtres, est allé au Calvaire, a fait tout ce que Dieu exigeait de lui et pour finir a confié une mission à son Eglise.

J’utiliserai la diversité des Evangiles pour souligner leur singularité en partant de la définition du "Motif" et de la "Motivation" donnée dans ma première étude. Jésus a résumé l’essentiel de la religion en ces termes: Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de toute ton âme, de toute ta pensée, de tout ton coeur et de toutes des forces - et ton prochain comme toi-même.

L’Evangile de Luc

Dieu a utilisé Luc, le médecin, pour écrire deux livres excellents: l’Evangile qui porte son nom et la "Vision des Apôtres". Dans ces ouvrages sont réunis la pensée de Dieu quant à l’Eglise et sa mission ; ils sont sans aucun doute le reflet de la pensée intellectuelle et historique de la foi chrétienne.

Luc est l’exemple de l’intellectuel chrétien. Pauvre et malheureuse Eglise ou dénomination qui, par ingénuité, méprise ou démotive les chrétiens évangéliques intellectuels. Nous avons besoin de la "crème pensante". La théologie biblique est vitale, essentielle pour l’existence et la croissance de l’Eglise, la qualité de la mission planétaire dépend des théologiens. La motivation missionnaire commence par la rénovation de notre intelligence, qui transformée conduit à offrir nos corps en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu. Une bonne pratique est le résultat d’une bonne théorie, même si une bonne théorie n’est pas synonyme d’un engagement pratique.

L’Evangile de Jean

Jean a été surnommé l’apôtre de l’amour. Sans amour il n’y a pas de mission. Les vérités intellectuelles doivent affecter les sentiments. La singularité du 4ème Evangile vise autant les Juifs que les païens, il atteste la nature universelle du plan de Dieu. Dans cet Evangile l’amour conduit à aimer l’autre au point de nous soucier de lui et de transmettre la Bonne Nouvelle. Ces choses ont été écrites pour que vous croyiez que Jésus est le Fils de Dieu et qu’en croyant vous ayez la vie éternelle. Nous ne pouvons pas fuir ce thème central si nous voulons être bibliques selon le coeur de Dieu.

L’Evangile de Matthieu

La singularité de Matthieu est d’unir l’Ancien et le Nouveau Testament. C’est l’Evangile des convictions et valeurs bibliques sans lesquelles il n’y a pas de mission planétaire. Il ne suffit pas de penser aux missions, d’avoir des sentiments missionnaires, il faut allier les convictions bibliques sur Dieu, l’homme, le salut, le destin éternel selon une dynamique eschatologique. La contribution de Matthieu pour la compréhension d’une Eglise missionnaire est marquante:

L’Evangile de Marc

Marc est impulsif, quelqu’un a dit qu’il reflète Pierre dans presque toutes ses pages. Son Evangile est court, direct, incisif, plein de vivacité, de détails et d’actions efficaces. Il n’y a pas d’Eglise missionnaire sans aller dans le monde. Cette action énergique est le résultat de celle du Saint-Esprit qui enflamme les pensées et les sentiments par des convictions bibliques au point d’Allez.

Il y a dans la Bible des difficultés extrêmement saines, l’une d’elles se trouve en Mc 16:15-18. Après avoir dit: Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création. Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé; mais celui qui ne croira pas sera condamné Marc ajoute, parlant des miracles accompagnant ceux qui auront cru: ils saisiront des serpents; s’ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur fera point de mal... Enseigner toute la Bible implique de passer par ces versets et d’en apprendre quelque chose. Même si nous ne comprenons pas tout, notre devoir est de croire que Dieu sait tout. Ces versets indiquent un fait méprisé par beaucoup de théologiens occidentaux, l’aspect surnaturel de Dieu.

Le monde n’a pas besoin de connaissances isolées mais de certitudes concrètes et éternelles. L’Evangile de Jésus est la puissance surnaturelle de Dieu en action; selon Marc la mission est cela. Je n’ai pas le droit de réduire Dieu à mes capacités mentales ou scientifiques. Le Dieu de la Bible est trans-scientifique et c’est de ce Dieu que le monde occidental a désespérément besoin.

Le modèle pour la mission

Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie Jn 20 :21

J’aimerais souligner ici la forme, le modèle, le style de mission qui sont la priorité principale de l’Eglise. Quelqu’un a dit avec raison "La santé d’une Eglise se mesure par sa capacité d’envoyer des missionnaires, non par le taux d’occupation des bancs qu’elle possède." (Warren, 40). Jésus est le modèle. Comment le Père l’a-t-il envoyé dans le monde? La réponse à cette question détermine la manière dont nous devons aller à Jérusalem, en Judée, en Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre. Je distingue les points suivants:

L’amour est le mobile de l’action de Dieu cp Jn 3:16

Celui qui n’aime pas ne sert ni Dieu ni son prochain. L’amour de Dieu est notre exemple, Paul dit que cet amour nous étreint. Etre missionnaire au Mozambique demande d’aimer profondément les Mozambicains tels qu’ils sont.

Le sacrifice de Dieu cp Jn 3:16

Dieu a donné le meilleur de lui-même au monde. Faire de la mission c’est donner au monde le meilleur de nos fils, le meilleur de nos membres. L’amour est sacrificiel. Le prix est élevé. Nous devons donner gratuitement ce que nous recevons gratuitement.

L’Incarnation de Jésus

Le meilleur modèle de communication effective est l’incarnation. Cela implique: quitter son lieu d’origine; s’identifier aux destinataires du message; demeurer en contact étroit avec le Père en se soumettant à ses directives; avoir des buts définis pour faire des disciples et leur enseigner à obéir; produire des fruits dignes de la vocation et durant tout le processus, glorifier Dieu qui est la raison de notre existence.

Etre prophète

Etre missionnaire c’est être prophète pour les nations. Le message prophétique est un message divin spécifique en relation avec les nécessités et réalités senties et vécues par le peuple auquel nous apportons l’Evangile. C’est faire l’oeuvre de telle manière que beaucoup désireront suivre les traces de Jésus.

Les mythes missiologiques

Le mythe géographique

S’exprime ainsi: Nous devons premièrement très bien travailler à Jérusalem, ensuite nous pourrons aller en Judée, puis en Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre. Rien n’est plus faux, il n’y a pas des Eglises missionnaires et d’autres qui sont réceptrices, toutes sont envoyées, l’oeuvre se fait simultanément.

Le mythe du "Fifty-Fifty"

Celui qui part et celui qui reste sont également missionnaires. "Pas tellement en mer ni tellement à terre" dit un proverbe portugais. Finalement ce n’est ni une chose ni l’autre. C’est une façon de miner la motivation pour la mission selon le modèle de Jésus. Son "allez" est transculturel; il signifie aller et annoncer l’Evangile à un autre peuple ou groupe ethnique.

Le mythe des nationalités

L’important est d’atteindre les pays, dit-on. Mais le mandat est ethnique et dans un pays il y a normalement plusieurs peuples qui se distinguent par leurs caractéristiques. Nous devons aller vers chacun d’entre eux et faire des disciples.

Conclusion

Nous devons annoncer l’Evangile comme le disait Samuel Matthey en se référant à l’Algarve: "Depuis le Guadiana jusqu’au Cap de St-Vincent; de Faro jusqu’aux régions lointaines de l’Alentejo, dans les hameaux, les villages, les villes, dans la campagne et sur les monts". De Jérusalem aux extrémités de la terre l’Eglise du XXIe siècle doit annoncer la Bonne Nouvelle. Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie dit Jésus. Que Dieu aide l’Action Biblique, c’est ma prière et mon voeu.