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Jérémie le prophète (5/6)

Philippe Favre

L'époque de Sédécias, le faible (2) - Chapitres 30 à 39

Alors que nous abordons la deuxième partie de cette section; il est utile de rappeler quelques faits concernant le dernier roi de Juda pour comprendre l'exaspération du moment:

  • Au début de son règne, Sédécias arrange une entrevue avec les envoyés de divers pays limitrophes qui proposent d'entrer dans une coalition pour rejeter le joug de Nebucadnetsar. Jérémie condamne le projet. Ce n'est pas la volonté de Dieu (cf 27.1-11).
  • Puis Sédécias se soumet contre son gré au roi de Babylone, la quatrième année de son règne (cf 51.59).
  • Et enfin, Sédécias, gonflé d'orgueil se révolte en dépit de son serment et des avertissements répétés de Jérémie (cf 2 Chroniques 36.13). C'est l'occasion du troisième et dernier assaut de Nebucadnetsar contre Jérusalem.

Le plan de cette étude se présente en deux parties:

1. La restauration future d'Israël et le règne du Messie (chap. 30-33).

2. Les dernières preuves d'entêtement du peuple et la chute de Jérusalem (chap. 34-39).

Le premier point m'amène à quelques réflexions : les chapitres 30 à 33 forment un contraste saisissant avec le reste du livre de Jérémie. Si jusqu'ici le ton des prophéties était pessimiste à l'extrême, l'espoir et l'assurance caractérisent cette partie puisque le message est celui de la restauration future d'Israël. Les chapitres 30 et 31 sont un hymne triomphal, et les chapitres 32 et 33, datés avec précision, traitent d'une affaire qui se déroule pendant la captivité de Jérémie. On admet généralement que ces quatre chapitres appartiennent à la même période car une note identique les traverse de bout en bout. Le temps s'écoule et Dieu poursuit son dessein. Les événements se sont chargés de donner raison aux paroles de Jérémie lors du conflit avec les faux prophètes, sept ans auparavant: l'ennemi est aux portes de la ville, la famine et la peste sévissent (38:2).

Dans cette étrange situation, Jérémie communique de sa prison un message positif au peuple: la nation ne périra pas définitivement. Plus encore, le temps viendra où les nations païennes entendront la Parole de la vérité, et le Messie appelé «l'Eternel notre justice» régnera. Quel défi à cette heure de minuit de Juda!

Il en est souvent ainsi dans notre expérience personnelle. C'est lorsque tout va mal, lorsque tout est par terre, lorsque nous sommes épuisés et parvenus au bout de nos ressources que Dieu intervient. Souvenons-nous que Jésus n'a rejoint ses disciples dans la barque ballottée par les flots à 3 heures du matin seulement (cf Marc 6.48). C'est lorsque nous cessons nos calculs, abandonnons nos ruses interminables et sommes au bout de nos contours et nos détours, que Dieu peut enfin commencer quelque chose avec nous.

1. La restauration future d'Israël et le règne du Messie (chap. 30 à 33)

L'annonce de cet événement suit la description du «temps d'angoisse de Jacob» (cf. 30:7), temps de terreur à cause de l'hostilité mondiale envers Israël (v. 5, 6, 13, 14 et 15), de délivrance parce que Dieu libérera lui-même son peuple (v. 11, 16 et 23).

Le jour de l'Eternel (v. 8) est celui où Dieu interviendra ouvertement dans les affaires des hommes sur le plan universel. Il comprend une série de dénouements tels que l'apparition de l'Antéchrist, la grande tribulation, le rassemblement des nations contre Israël, le retour de Jésus- Christ suivi du millénium et le jugement dernier.

Plusieurs versets de ce chapitre nous encouragent dans des situations données. Je n'en développerai qu'un: «Car je suis avec toi, dit l'Eternel, pour te délivrer; j'exterminerai toutes les nations parmi lesquelles je t'ai dispersé, mais toi, je ne t'exterminerai pas; je te châtierai avec équité, je ne puis pas te laisser impuni» (30:11).

Ce texte nous pousse à regarder le châtiment divin en rapport avec le peuple de Dieu. Le langage est celui d'un père plutôt que celui d'un juge. Mais ce père, c'est le Dieu saint qui hait le péché et le Dieu juste qui punit le pécheur. Ce père est le Seigneur qui a droit de propriété sur ses sujets qu'il a rachetés; il veut leur bonheur et leur épanouissement. Si dans l'Ancien Testament le verbe châtier signifie: enseigner, donner une leçon, par la souffrance, l'instruction ou l'observation personnelle, dans le Nouveau Testament il signifie proprement: instruire, discipliner, éduquer, corriger. La discipline du Père pour le croyant est fréquemment illustrée par l'éducation des enfants, spécialement par le père (cf Deutéronome 8.5; Proverbes 3.11-12). Celui que Dieu châtie est heureux (cf Job 5.17); c'est parce qu'un père a de l'espoir pour son fils qu'il le châtie (cf Proverbes 19.18); «le Seigneur châtie celui qu'il aime» (Hébreux 12.6).

Le passage classique d'Hébreux 12.3 à 11, que je vous invite à lire, débute par un appel à considérer attentivement les souffrances endurées par le Sauveur qui a supporté, contre sa personne et sans raison, une opposition incroyable (cf v. 3). Le Seigneur Jésus est notre modèle suprême en toutes choses et s'il ne l'est que pour une partie de notre vie, on peut s'interroger et remettre la qualité de notre foi en question. C'est pourquoi le croyant qui veut faire la volonté de Celui qui l'a sauvé est appelé à estimer la discipline du Tout-Puissant (cf v. 5, 7, 11) comme une marque d'amour (cf v. 6) et comme un trait spécifique du statut de fils et d'héritier (cf v. 7, 8). Il est bon de se souvenir que l'absence de correction prouve plus d'indifférence que de sollicitude (cf Proverbes 13.24). La discipline peut paraître sévère parce qu'elle ne correspond pas du tout à notre schéma personnel; elle est parfois inacceptable sur le moment même. Toutefois son but essentiellement positif – notre bien, notre participation à la sainteté de Dieu, un fruit paisible de justice – nous encourage à fixer nos regards sur Jésus pour affermir notre foi, témoigner de notre obéissance et prouver notre fidélité.

D'autant que Dieu ne nous afflige pas sans cause. Qui de nous n'a pas chuté, négligé des devoirs, méprisé des avertissements de toutes sortes, abusé de la patience de Dieu, ou bien encore ouvert une porte au diable par l'influence du monde dans ses jugements et ses attitudes, par une petite chose... ou pire encore, est devenu tiède et tolère une consécration en demi-teinte? Dieu est alors obligé de frapper pour nous détacher du péché, pour nous faire revivre dans sa communion et pour nous ressouder avec lui afin de nous conduire dans ses voies; il veut nous empêcher de tourner dans le vide comme des fantômes inconsistants.

Mais Dieu n'afflige qu'avec mesure, ne frappe qu'avec amour, même si toutes les facultés humaines semblent dépassées. Il veut nous entendre «chanter dans la nuit!» (cf Psaume 42.9). Les moyens qu'il emploie sont innombrables, incalculables. Il est souverain dans ce domaine comme dans celui de la création et de la rédemption; autant de diversité dans nos caractères, autant de diversité dans sa discipline éducative et pas nécessairement punitive: les peines, les incompréhensions, les dépouillements de toutes sortes, les maladies, les injustices, les pressions de tout genre, les limitations, etc. Je ne prétends pas ici suivre un ordre de châtiments particuliers puisqu'il y a tellement de possibilités, et qu'en définitive c'est Dieu qui choisit le moyen le mieux adapté à produire l'effet bénéfique.

Mais aucune discipline ne dépasse notre capacité d'endurance (cf 1 Corinthiens 10.13). Dans sa liste impressionnante d'épreuves, l'apôtre Paul dit: «Comme châtiés, quoique non mis à mort» (2 Corinthiens 6.9), ce qu'il écrit là est extraordinaire: c'est vite lu, mais avez-vous pensé aux états d'extrémité que ce serviteur a connus (cf 2 Corinthiens 1.8)? Excommunié par les Juifs, frappé par les païens, soupçonné par les faux frères, il jouit malgré tout de la paix de Christ et accomplit la volonté de Dieu. Quel exemple de maturité chez cet homme soucieux des autres (cf 2 Corinthiens 11.28-29). Je suis loin d'avoir épuisé ce sujet, ce ne sont que quelques pensées suscitées par l'attitude de Jérémie le prophète qui, avec beaucoup moins de connaissances doctrinales que nous, mais avec un grand Dieu, est resté debout au sein d'un peuple en faillite.

Si le chapitre 30 met l'accent sur l'amour qui oblige l'Eternel à punir Israël, le chapitre 31, magnifique par son ampleur et sa richesse de couleurs, appuie sur l'amour qui le rétablit: «De loin l'Eternel se montre à moi: Je t'aime d'un amour éternel; c'est pourquoi je te conserve ma bonté. Je te rétablirai encore, et tu seras rétablie, vierge d'Israël!» (31.3 et 4); c'est la description de la restauration de la nation et de la nouvelle alliance, étant entendu que l'une ne se fait pas sans l'autre.

Dans un premier temps (v. 1-26) Dieu reconstitue son peuple dispersé qui revient à lui dans la repentance (v. 9 et 19), dans un deuxième temps (v. 27-40), Dieu s'attache son peuple par une glorieuse promesse.

Note sur la nouvelle alliance:

Une alliance, vous le savez, est un acte par lequel des personnes s'unissent et contractent un engagement réciproque. Dans la Bible, cela signifie que Dieu se donne lui-même sans réserve à son peuple et qu'en retour, celui-ci le suit et lui appartient. Si l'ancienne alliance reposait – du côté de l'homme – sur l'obéissance à la loi, la nouvelle repose entièrement sur la grâce de Dieu. Celle-ci, on le voit ici, est proposée premièrement à la maison d'Israël. De portée spirituelle, elle est aussi de portée nationale, car personne ne peut lire les chapitres 30 à 33 de Jérémie et entretenir le moindre doute quant à la restauration d'Israël sur sa propre terre. Le dessein premier de Dieu ne peut être annulé par l'infidélité de son peuple.
 
La promesse faite à Abraham ne repose sur aucune condition; elle est l'expression d'un choix souverain, libre et éternel de Dieu. Bien que le péché du peuple se soit accumulé jusqu'au jugement et même jusqu'à la disparition temporaire du pays, la grâce de Dieu prévaut. Jérémie déclare clairement qu'Israël ne cessera d'être une nation devant Dieu tant que le soleil, la lune et les étoiles brilleront (v. 35-36).
 
Puisque la promesse faite à Abraham et ses descendants est fondée sur la grâce, son accomplissement ne revient pas à l'ancienne alliance – dont Moïse était le médiateur – mais à la nouvelle, dont Jésus-Christ est le grand médiateur (cf Hébreux 8.6). Ainsi, c'est un peuple pardonné et purifié qui retrouvera ses frontières. Les prophètes témoignent tous de ce fait (cf Ezéchiel 36.26-28) et l'apôtre Paul l'expose en Romains 11.26-28. Il est vrai qu'Israël a possédé sa terre sans l'Esprit, puis l'a perdue, mais il est tout aussi vrai que les temps approchent où il retrouvera sa terre et recevra le Saint-Esprit. Il servira alors dans la liberté de la nouvelle alliance.
 
En réitérant cette promesse aux Juifs convertis, troublés par la présence du Temple et l'observation des ordonnances lévitiques, l'auteur de l'Epître aux Hébreux faisait comprendre que Christ était le vrai souverain sacrificateur dans le ciel et que la nouvelle alliance était liée à l'Evangile et non à la loi de Moïse. En déclarant la première dépassée, Dieu promettait déjà une nouvelle. Mais maintenant que Christ est entré dans le lieu très saint avec son propre sang, l'ancienne alliance est abrogée.
 
Quelle différence entre les deux! Dans l'une Dieu dit au pécheur “Tu dois“ ! Dans l'autre Dieu déclare “Je veux“ ! Si l'une est conditionnelle, l'autre donne libre cours à la grâce et à sa puissance illimitée. Dans l'une, la promesse est limitée par l'homme déchu; dans l'autre, les promesses de Dieu sont oui et Amen en Christ (cf 2 Corinthiens 1.20). Christ est tout, il est l'alpha et l'oméga (cf Apocalypse 1.8).

Les bénédictions de la nouvelle alliance, qui s'étendent aussi à l'Eglise que Christ s'est acquise par son propre sang (cf Actes 20.28; 1 Corinthiens 11.25), sont fondées sur le pardon des péchés. Parce que Dieu est miséricordieux et que Christ a accompli la justice, il ne se souviendra plus de nos péchés, il mettra ses lois dans notre entendement et il les écrira dans notre cœur; il est notre Dieu et nous sommes son peuple (31:33). La loi de Moïse, écrite sur des tables de pierre ne pouvait que condamner puisqu'elle n'avait aucune force pour s'inscrire sur le cœur dur de l'homme. Ainsi, dès le début, elle a montré son caractère temporaire et a pointé au-delà d'elle-même en soupirant après Celui qui l'accomplirait pour nous. Dieu disait d'un côté: «Oh! s'ils avaient toujours ce même cœur pour me craindre et pour observer tous mes commandements, afin qu'ils soient heureux à jamais, eux et leurs enfants!» (Deutéronome 5.29), et de l'autre: «L'Eternel, ton Dieu, circoncira ton cœur et le cœur de ta postérité, et tu aimeras l'Eternel, ton Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme, afin que tu vives» (Deutéronome 30.6).
 
En conclusion, la bénédiction de ceux qui participent à la nouvelle alliance a son origine en Christ qui est en réalité pour nous: «... sagesse, justice, sanctification et rédemption» (1 Corinthiens 1.30).

Le chapitre 32 nous ramène sur la scène de l'histoire de Juda: les Babyloniens construisent des fortifications pour assiéger la ville (v. 24), et pendant ce temps Jérémie reçoit son cousin Hanameel dans sa prison pour signer un contrat d'achat (v. 6-15): il s'agit d'un champ situé à Anathoth, déjà envahi. Avec les données que l'on a aujourd'hui, on dirait que c'est de la fiction, mais c'est un acte de foi authentique qui va dans le sens de la prophétie de rétablissement.

Après cette transaction, Jérémie prie de toute son âme. Il glorifie le Dieu d'Israël dans sa grandeur, sa puissance et sa bonté (v. 16-23), puis, à la fin, il fait part de sa stupéfaction devant les paradoxes inouïs de la foi (v. 24-25). Ses paroles butent sur ce casse-tête chinois que représente cet achat invraisemblable. Tout cela est écrit pour nous encourager, car nous sommes confrontés, plus souvent que nous ne l'aimerions, à des situations extrêmement difficiles, insolubles même. Dieu aime entendre ses enfants formuler leur totale incompréhension. Un tel dialogue sort le chrétien de la passivité et des conventions routinières de la prière.

L'Eternel prend Jérémie au mot (v. 27) et rappelle que la maladie de Juda est si grave qu'une opération rapide est nécessaire (v. 26-35), mais qu'elle sera suivie d'une guérison définitive (v. 36-44). Ceci est un sérieux avertissement pour le croyant, car il ne faut pas espérer un quelconque redressement sans passer par la repentance selon Dieu. Se repentir, c'est aller contre soi-même, contre son système de défense personnel, contre sa tactique particulière; c'est reconnaître son péché et l'abandonner. Or, aujourd'hui on aimerait tellement vivre sa vie chrétienne sans repentance. Tant que le croyant s'imagine tout au fond de son cœur qu'il a quelque chose de plus que son frère et qu'il est au-dessus de lui pour une raison ou pour une autre, il n'y a pas d'humiliation et tout reste bloqué.

Le chapitre 33 continue sur ce thème. Ainsi nous avons successivement le retour du peuple (v. 1-8), la prospérité au lieu de la désolation (v. 9-13), la gloire du Messie, notre Seigneur Jésus appelé ici «l'Eternel notre justice» (v. 14-26). La déclaration du début clôt cette section: Je ramènerai leurs captifs, (30.3 et 33.26). Cette promesse est valable pour quiconque est éloigné de Dieu, souffre d'une mainmise étrangère ou démoniaque et dilapide son héritage spirituel. Pour quiconque aussi est prisonnier de quelque chose : du monde, d'une habitude, d'un caractère, de normes, de formes et de traditions; captif de quelqu'un, de son influence, de son charisme; esclave de sa passivité, de son endurcissement. Je laisse le lecteur se présenter devant Dieu et faire sienne cette parole car c'est l'épanouissement de son salut et sa liberté en Christ qui sont en jeu (cf Galates 5.1).

2. Dernières preuves de l'entêtement du peuple (chap. 34 à 39)

Après l'espérance contenue dans les chapitres précédents, le Saint-Esprit a voulu souligner encore une fois les preuves irréfutables de l'iniquité du peuple pris à la gorge par Nebucadnetsar et son armée. Cette section est un mélange d'histoire et de prophétie; elle se compose de divers récits classés dans un ordre moral et non chronologique. Nous avons tour à tour:

  • la révocation du serment de libération des esclaves (chap. 34),
  • la fidélité des Récabites opposée à la perfidie de Juda (chap. 35),
  • la colère du roi qui détruit le livre de la prophétie (chap. 36),
  • la domination des chefs sur Sédécias et la persécution de Jérémie (chap. 37 à 39).

Suivons Jérémie dans l'adversité qui l'attend. Il a maintenant quarante ans de ministère derrière lui. C'est un homme de Dieu dans tous les sens du terme, un témoin du ciel sur la terre, un prophète des temps de la fin, un porte-parole héroïque et solitaire du Dieu de l'Histoire, un serviteur qui obéit en tout point à son Maître, un type du Seigneur Jésus par les coups et les propos haineux qui s'abattent sur lui.

Jérémie confirme auprès de Sédécias ce que l'Eternel déclare à son sujet (34.2-5), puis il se tourne vers les chefs et leur reproche leur indignité puisque après avoir affranchi leurs esclaves, ils les ont obligés à revenir à leur ancien état lors d'un retrait passager de l'armée. En agissant ainsi, ils ont profané le nom de l'Eternel (34.16), méprisé un commandement précis de la loi (cf Deutéronome 15.1-18). Ce genre de disjonction dans les actes enlève toute illusion sur la nature humaine!

Jérémie reçoit les Récabites au Temple pour les éprouver (35.1-11). Leur refus de boire du vin lui permet de donner une leçon au peuple et un espoir à cette tribu (35.12-19).

Jérémie dicte ses prophéties à Baruc (36.2 et 18), puis c'est tout l'épisode des coups de canif de Jojakim que nous avons déjà étudié. Lisez attentivement ce chapitre 36 pour observer des détails sur les attitudes et les motivations des gens. On découvre leurs passions, leurs peurs, leurs doutes, leurs manigances et leurs agissements. C'est une peinture sans complaisance d'hommes qui soignent leurs chasses gardées et leurs intérêts.

Pendant que le prophète va et vient au milieu du peuple, il est approché par des émissaires de Sédécias qui a un respect superstitieux pour lui et le consulte comme un devin (37.3). Puis nous avons un récit intensément humain où les caractères apparaissent en quelques traits: Jérémie «voulut sortir... et s'échapper» (v. 12), fatigué par l'inertie du peuple. On ne peut pas le blâmer car qui n'a pas envie quelquefois de sortir et de s'échapper pour fuir la monotonie d'une situation floue et trop lourde ! Mais, arrêté, il est accusé de trahison, frappé et emprisonné (v. 15, 16). Quelle injustice, c'est déjà son troisième emprisonnement ! Comme Sédécias ne sait jamais où se situer, il laisse le temps s'écouler avant de l'interroger en secret. Jérémie se décharge de sa mission puis demande un transfert de prison pour sa propre sécurité parce qu'il a peur de mourir. Tout en comptant sur Dieu, Jérémie fait face à ses craintes et use de bon sens, de sagesse. Sa foi est active et Dieu lui répond favorablement par un geste de courage momentané de Sédécias. Dans sa souveraineté, notre Seigneur fait ce qu'il veut pour nous sauver de situations presque sans issues, il règne sur les circonstances et n'oublie jamais ses enfants (37.21).

Après la prison du chapitre 37, nous retrouvons Jérémie au fond d'une citerne (chap. 38); c'est encore pire car c'est la mort par suffocation à brève échéance. Le roi Sédécias cautionne cette action par son silence et fait cause commune avec les chefs avec une duplicité lucide (38.5). Jérémie est perdu et pourtant un étranger, Ebed-Mélec, réagit et le délivre (v. 7-13). L'optique égocentrique de Sédécias trahit une conscience fissurée, et plus sa crainte de l'Eternel diminue, plus celle des hommes augmente (v. 19).
La Bible ne nous rapporte pas les états d'âme de Jérémie dans sa citerne, alors qu'il enfonçait dans la boue (v. 6), mais on peut certainement lui appliquer ce qui est écrit au Psaume 69.14 à 18: «Mais je t'adresse ma prière, ô Eternel!... Retire-moi de la boue, et que je n'enfonce plus!... Et que la fosse ne se ferme pas sur moi!... Puisque je suis dans la détresse, hâte-toi de m'exaucer!» Il est des événements qui peuvent effrayer et ébranler la raison la plus solide dans la vie d'un croyant, mais rappelons-nous que Jérémie prouve sa foi dès sa remontée du puits puisqu'il crie à nouveau le message qui brûle dans son cœur. Dieu ne l'a pas sorti d'une citerne asphyxiante, d'une boue paralysante pour qu'il se recroqueville, mais pour qu'il persiste dans le témoignage.

Voici vingt ans que Nebucadnetsar s'est mis en route pour bâtir son empire (4.6). En Juda, la fatalité des divisions l'a emporté: la brèche est ouverte, la ville est prise et tout passe par le feu (39.1-8). Sédécias qui a louvoyé durant tout son règne entre l'Egypte et Babylone, entre les chefs et Jérémie est pris au piège comme dans une souricière. Il perd le nord et essaie de s'échapper, mais il est rattrapé et torturé. Son goût du pouvoir l'a empêché de croire en Jérémie et de voir clair, et à force de vouloir fermer les yeux sur les problèmes, il finit par être totalement aveugle... «les yeux crevés» (v. 7).

Quant à Jérémie, Nebucadnetsar le délivre officiellement (v. 11-14). Il reste au milieu des quelques personnes épargnées et c'est probablement alors qu'il compose les Lamentations sur la destruction de Jérusalem; ainsi s'accomplit la parole de Jérémie 1.19: «Ils te feront la guerre, mais ils ne te vaincront pas; car je suis avec toi pour te délivrer, dit l'Eternel.»

Philippe Favre

 


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