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2 - Jérémie le prophète (2/6)

Philippe Favre

L'époque de Josias, l'énergique - chapitres 2 à 12

Je commence cette 2e étude par une courte biographie du roi Josias pour cadrer le début du ministère de Jérémie.

Josias monte sur le trône à l'âge de 8 ans, en 639 av. Jésus-Christ, alors que la situation morale du peuple paraît désespérée. Le prophète Sophonie donne le verdict de Dieu: «Je détruirai... j'exterminerai... j'étendrai ma main sur Juda, et sur tous les habitants de Jérusalem» (Sophonie 1.1-6). Objet d'une prophétie particulière trois siècles auparavant (cf 1 Rois 13.2), Josias, instrument de Dieu, n'est donc pas le fruit du hasard. Petit-fils de Manassé le profane – repentant à la fin de ses jours et s'efforçant vainement de réparer tout le mal qu'il avait fait – le jeune Josias fut une consolation pour le vieillard contrit qui concentra alors tous ses efforts pour lui transmettre la foi en un Dieu juste et miséricordieux. Devenu roi à la suite de l'assassinat de son père Amon, Josias fut probablement enseigné par Hilkija, souverain sacrificateur en charge. Agé de 16 ans, il commença à rechercher le Dieu de David puis il entreprit de débarrasser Juda et Jérusalem de leurs idoles (cf 2 Chroniques 34.3).

Au moment où Dieu déclenche une offensive, il choisit souvent, à côté de celui qui a une authentique autorité divine, un groupe de personnes unies et revêtues de l'Esprit pour exécuter sa volonté à n'importe quel prix. Ici nommons Hilkija, Jérémie le prophète, Schallum, Hulda (cf 2 Rois 22.14), Schaphan, secrétaire du roi, et peut-être Sophonie, arrière-petit-fils d'Ezéchias.

Josias est ferme, courageux, résolu, il achève ce qu'il commence. Ce redressement dura quelques années (cf 2 Chroniques 34.3-8), au terme desquelles il ordonna de remettre le Temple à neuf. A cette occasion le livre de la loi fut retrouvé, et Schaphan le lut devant le roi. Touché alors par la Parole de Dieu, Josias s'humilie et envoie une délégation avec Hilkija pour consulter l'Eternel (cf 2 Rois 22.11-20); c'est le point de départ d'un remaniement encore plus intense (cf 2 Rois 23.4-20) couronné par une célébration de la Pâque (cf 2 Chroniques 35.1-19).

Le roi Josias perd malencontreusement la vie plus tard dans un combat qui ne le concernait pas (cf 2 Chroniques 35.20-25). Le texte sacré nous fait remarquer que Josias fut d'un calibre unique et qu'aucun autre roi ne revint à Dieu d'une manière si complète (cf 2 Rois 23.25).

C'est sur cette toile de fond historique que Jérémie, fortement encouragé par les promesses de Dieu, parle à la conscience des individus en dehors des institutions établies. Contrairement à ce qui l'attend plus tard, il bénéficie de l'appui du roi Josias, nouvel Elie, totalement engagé pour Dieu (cf 1 Rois 19.10). Cependant, le peuple demeure rétif, le long et désastreux règne de Manassé a corrompu la saine conception de Dieu, et si les idoles ont été détruites, le besoin de les adorer subsiste parce que le retour à Dieu n'a pas eu lieu. Cette anomalie conduit immanquablement au formalisme et à la superstition. Le dynamisme du roi n'a pas transformé les gens. Juda reste dur et révolté. A travers Jérémie, Dieu reproche l'absence de volonté sérieuse, la ruse et les faux-semblants (Jérémie 3.10). Un devoir rigoureux, une bonne habitude, une loi répétée ont peu de valeur si la relation fondamentale avec Dieu n'est pas établie.

Une lecture attentive des chapitres 2 à 12 nous permet de distinguer trois parties, correspondant au développement de l'action de Josias, avant, pendant et après la restauration du Temple.

1. Abandon de l'Eternel (chap. 2 à 6)

Jérémie reçoit l'ordre d'aller à Jérusalem pour dénoncer l'abandon de la foi (2.1-3) puis prêcher la repentance (3.6-4). Le grief principal de Dieu contre son peuple se résume en 2.13: « Car mon peuple a commis un double péché... » Comparé à une fiancée affectueuse lorsqu'il suivait l'Eternel au désert (2.2), Israël est devenu comme une femme infidèle (2.20-37), une prostituée obstinée (3.1-5). Il a abandonné le premier amour pour le culte des idoles, oublié les bénédictions du début pour ressembler aux autres nations païennes (Egypte et Assyrie). C'est le drame d'un amour trahi qui déclenche des questions de la part de Dieu (2.5, 11, 21, 23).

Cette situation de divorce crée un désarroi, dans le peuple prêt à courir n'importe où pour chercher du secours, comme aujourd'hui les déprimés, les malades, les angoissés, les déboussolés cherchent un soulagement là où ils ne le trouveront pas. Ils courent après des guérisseurs de néant et sont eux-mêmes réduits à néant (2.5). Les courants de médecines en vogue sont un signe qui ne trompe pas. Et pourtant la solution n'est pas loin. Dieu est prêt à se laisser trouver par ceux qui le cherchent de tout leur coeur (29.13), mais Israël n'a pas dit: «Où est l'Eternel ?» (2.6-8). Depuis longtemps il a rejeté la relation légitime avec Dieu et s'est attaché à des idoles comme Baal (le culte de la force), Astarté (le culte du corps) et Moloch (les faux sacrifices). Le livre des Juges nous rapporte comment – contaminé par la religion cananéenne – le peuple abandonne l'Eternel pour aller après d'autres dieux (Juges 2.12). Il a fallu des hommes de la trempe des juges, puis de Samuel et de David pour le ramener à Dieu. Nouveau déclin sous la monarchie malgré les avertissements des premiers prophètes. Israël est comparé à des animaux du désert en chaleur, incapables de résister à leur instinct naturel (Jérémie 2.24-28).

Ces événements sont un enseignement pour le croyant uni à Jésus-Christ comme le sarment l'est au cep (cf Jean 15.1-8); il se détourne des idoles modernes telles que la volonté de puissance, l'argent, la consommation à tout prix, la libération de tous ordres, le besoin répété d'évasion pour fuir la réalité. On entend quelquefois: «Je suis une victime» ou: «Je suis innocent» (cf. Jérémie 2.35). Ne nous y trompons pas, Dieu est lumière autant qu'amour et s'il est riche en bonté et en fidélité, il ne tient point le coupable pour innocent (cf Exode 34.7).

Dans un premier temps, on perçoit donc la déception divine; vient ensuite l'appel à la repentance lancé par Jérémie et ce qui en découle positivement: «Défrichez-vous un champ nouveau, et ne semez pas parmi les épines... circoncisez vos coeurs» (4.3-4; cf Actes 26.20). Toute cette partie se termine par la prédiction (4.5-31), le pourquoi (5.1-31) et le comment (6.1-30) du jugement.

2. Confiance illusoire (chap. 7 à 9)

D'emblée nous voyons Jérémie à la porte du Temple où la foule vient adorer l'Eternel (7.2). Les idoles ont disparu et Josias a contraint tout Israël à servir Dieu (2 Chroniques 34.33), mais le peuple reste incrédule malgré les formes. Pire encore, ils ont conservé les coutumes païennes qu'ils pratiquent en cachette (7.17-19).

En Jérémie 7.4 nous trouvons un péché commis non seulement au temps de Josias, mais aussi à d'autres époques, celles d'Ezéchias, d'Esaïe, de Malachie, de Jésus, et par l'Eglise depuis son origine jusqu'à nos jours. Ce péché consiste à placer sa confiance non pas à Dieu, mais dans un lieu ou un monument – ici le Temple – puis dans le système religieux qu'il représente, dans les rites et les cérémonies qui l'accompagnent, dans les hommes qui officient, dans les souvenirs d'heures glorieuses, dans l'atmosphère qui se dégage d'un pèlerinage.

Les Israélites répétaient: «C'est ici le temple de l'Eternel, le temple de l'Eternel» (7.4), paroles d'autosatisfaction, de fausse sécurité et d'orgueil, suivies d'inertie, en contraste avec l'ordre du verset 3: «Réformez vos voies et vos oeuvres, et je vous laisserai demeurer dans ce lieu.» Quand on s'attache au contenant plus qu'au contenu, à la partie plus qu'au tout, au visible plus qu'à l'invisible, à l'ombre plus qu'à la réalité, on tombe dans la confiance illusoire (Segond: espérance trompeuse), accompagnée de fantasmes stériles. La force divine ne réside pas dans la pierre ou une institution, mais dans la Parole et la présence du Seigneur. Le peuple aveugle sur la grandeur de Dieu n'a fait que transférer son idolâtrie sur quelque chose de vrai, mais d'incomplet, de temporaire et d'extérieur. En effet, le Temple est d'origine divine; sa construction et ses plans ont été approuvés de Dieu; son culte a été prescrit par Moïse; sa liturgie est consignée dans le Pentateuque. Cependant, cela n'est pas une garantie suffisante pour que les participants soient dans la vérité. Seule une relation de foi personnelle met toutes choses à leur place – Dieu et l'homme; le pardon et le péché – elle empêche une dévotion superstitieuse à un bâtiment.

Ici, nous sommes placés en face des dangers latents des formes et des rites qui n'ont aucune vertu s'ils sont dissociés de la soumission à la Parole et de la vie de l'Esprit. L'histoire du rite dans l'humanité concerne aussi les chrétiens. Voici comment il devient un pouvoir mensonger et tyrannique même dans l'Eglise:

  • D'abord subordonné à la Parole, il se contente de l'éclairer par l'expression verbale et gestuelle.
  • Quand il est établi dans l'esprit et dans les habitudes, il parvient par degrés à égaler puis à supplanter la Parole.
  • Par sa pratique périodique, son rythme cyclique, son assujettissement à des règles précises, le rite contribue à la mise au pas, puis à la réduction au silence de la Parole de Dieu.
  • Devenu juge au lieu de rester témoin, le rite fait toujours plus appel à l'intervention de l'homme qui usurpe la place de Dieu
  • En trouvant un allié dans la nature humaine, la société, la culture et la religion, le rite flatte les goûts et les sentiments des hommes qui les pratiquent, alors que la Parole de Dieu contre l'orgueil et l'égoïsme.
  • La situation est mûre – à ce moment-là – pour introduire au nom de Jésus-Christ, des maximes, des formes, des normes qui sont en opposition flagrante avec la Révélation.
  • Ainsi le Seigneur est mis de côté, il n'est plus consulté, on s'égare dans la tradition, le spectacle.

Côtoyer un système de près et ne croire en Dieu que de loin n'a épargné ni Israël, ni l'Eglise, car il n'y a rien de plus commun, de plus entraînant et de plus conforme à notre nature déchue que la pratique de rites religieux. Mais alors – dira quelqu'un – pourquoi Dieu a-t-il institué une religion cérémonielle dans l'Ancien Testament ? La réponse nous est donnée dans les Epîtres aux Galates et aux Hébreux: la loi, avec ses rites, convenait à un état d'enfance nécessitant des tuteurs et des administrateurs (cf Galates 4.2); Jésus-Christ abolit l'ancien culte – ce qu'on offre selon la loi – pour établir le second – faire la volonté de Dieu (cf Hébreux 10.9).

Tous les hommes et femmes de foi présentés dans l'Ancien Testament Le connaissent du dedans et non du dehors seulement. Fidèles à l'observation de la loi, ils en connaissent les limites et se réfugient dans la miséricorde divine (Psaume 6.5). La forme tue la force de Dieu, le rite prend la place de la vie, si Dieu n'est pas prépondérant. Et quand Dieu est repoussé – ce qui est le cas sous Jérémie – toutes les déviations sont possibles (cf Jérémie 7.9-11).

En conclusion, comme le dit Adolphe Monod: «II n'y a de foi vivante que la foi personnelle, que celle qui traite directement avec Dieu sans souffrir ni un pasteur, ni un saint, ni un ange, ni une feuille, entre elle et lui.»

3. L'alliance violée (chap. 10 à 12)

Le style antithétique du prophète éclate (chap. 10); il oppose le néant des faux dieux à la gloire éternelle de Dieu. La fin du règne de Josias correspond à un rejet de l'alliance conclue lors de la découverte du livre de la loi. La réponse négative du peuple le prouve: L'homme qui n'écoute point; ils n'ont pas écouté; ils n'ont pas prêté l'oreille; ils ont refusé d'écouter mes paroles (cf 11:3, 8, 10).

On comprend sans peine la crise de découragement de Jérémie (11.18-12.6) qui assiste à cet interminable dédoublement du peuple. Le nom de l'Eternel est près des lèvres et loin du coeur (12.2). Cent ans plus tôt, Esaïe dénonçait déjà ce fléau (cf Esaïe 29.13). Arrêtons-nous un peu sur le monologue de Jérémie. Ses états d'âme sont le reflet d'un serviteur de Dieu fidèle, aux émotions intenses, à la conscience pure, au coeur généreux.

Mis au courant d'un complot contre lui, il se compare à un agneau qu'on mène à la boucherie (cf Esaïe 53.7), s'en remet à l'Eternel des armées, juste juge, qui sonde les reins et les coeurs (cf 11.20), puis s'entretient avec Dieu: Pourquoi et jusqu'à quand? (cf 12.1 et 4).

Ah! comme nous aimerions connaître la raison et la durée des « échardes » qui nous gênent, nous dérangent ou nous agacent! L'apôtre Paul a prié trois fois le Seigneur d'éloigner de lui l'écharde qui le faisait souffrir (2 Corinthiens 12.8) sans qu'il soit exaucé, mais il a compris qu'il pouvait la supporter avec la grâce de Dieu (v. 9). Jérémie s'entend répondre d'une façon étonnante qu'il aura à endurer d'autres combats encore plus difficiles: «Si tu cours avec des piétons et qu'ils te fatiguent, comment pourras-tu lutter avec des chevaux? Et si tu ne te crois en sûreté que dans une contrée paisible, que feras-tu sur les rives orgueilleuses du Jourdain?» (12.5).

Autrement dit pour l'homme d'aujourd'hui: Si tu ne peux pas marcher avec les tracas quotidiens, comment pourras-tu courir dans la tourmente qui t'attend? Si tu te replies dans ton jardin, comment pourras-tu nager contre le courant de la chrétienté en faillite?

En conclusion, l'état de Jérémie nous interpelle. Soyons vrais: le découragement guette les enfants de Dieu, même les plus affermis! Il est, en général, le résultat d'un long travail de sape dans l'âme. Il peut arriver subrepticement ou brutalement. Sa manifestation est due à diverses causes: un obstacle insurmontable malgré des tentatives répétées pour en venir à bout; une peur irraisonnée devant l'ampleur et la durée d'une entreprise; une volonté extérieure contrariante qui paralyse systématiquement les élans et les intentions; une estimation exagérée et faussée du danger au point que l'on devient pygmée au lieu d'être géant; une coutume établie qui s'affirme avec excès, dénie le droit à la différence et s'oppose à toute nouveauté; la présence forcée d'ennemis, d'opposants et de traîtres dans un groupe.

Le découragement, qui tarit l'énergie à sa source, est contagieux par l'inaction et la tristesse. Combattu et traité sur le bon terrain, celui de la Parole de Dieu, il cède la place à la détermination d'avancer coûte que coûte, les épaules débarrassées de fardeaux écrasants, «ayant les regards sur Jésus, qui suscite la foi et la mène à la perfection» (Hébreux 12.2).

Philippe Favre

 


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