Dieu - Illusion ou réalité ?

par Francis Schaeffer

TITRE IV - LE CHRISTIANISME HISTORIQUE AU XXe SIECLE

CHAPITRE 3 - L'application pratique de l'Evangile

Comment osons-nous le faire?

Comment osons-nous nous comporter ainsi? Pour une seule raison: le christianisme est la vérité. Si nous n'en étions pas totalement persuadés, ce type d'évangélisation serait cruel. Mais s'il est bien vrai que nos interlocuteurs sont séparés de Dieu et perdus dès maintenant et pour l'éternité, il faut avoir le courage de parler même si certains d'entre eux rejettent le christianisme et se trouvent finalement, après nous avoir écoutés, dans un état pire qu'auparavant. L'antithèse existe bel et bien : si la vérité existe, l'erreur existe aussi. S'il existe un authentique salut chrétien (autre que le concept du salut de la théologie nouvelle), la perdition existe aussi.

Lorsque j'ai commencé à discuter de cette manière, ma femme m'a dit: "N'as-tu pas peur que l'un de tes interlocuteurs ne finisse par se suicider?" Une jeune fille a tenté de le faire, mais elle n'est heureusement pas morte et, plus tard, elle a confessé sa foi. Pourtant, si elle avait réussi, j'aurais marché dans les montagnes en pleurant devant Dieu, mais j'aurais conservé la même méthode avec la personne suivante.

Pour procéder de la sorte, il faut avoir personnellement reconnu que le système judéo-chrétien est vrai dans le sens que nous avons donné au mot "vérité". Seulement alors, nous pouvons avoir le courage, par amour pour eux, d'"ôter le toit" qui recouvre la vie des autres et de les placer dans une situation où tout leur système de défense est anéanti. Et tout en dialoguant avec ces personnes, nous devons continuer à répondre honnêtement aux questions: "Dieu existe-t-il?", "Le contenu du système judéo-chrétien est-il la vérité?".

Plus nous nous montrerons compréhensifs "en ôtant le toit", plus la personne concernée se sentira malheureuse si elle rejette le christianisme. Cela est impossible à éviter dans le monde perdu où nous sommes appelés à vivre. Il fait nuit noire au dehors pour elle... pourtant, si je puis lui parler, c'est parce que j'ai quelque idée de l'épaisseur de ces ténèbres. Nos interlocuteurs de cette fin du XXe siècle doivent savoir, en effet, que nous avons honnêtement apprécié l'obscurité du sentier sur lequel ils marchent.

Un jour, à l'Université de Cambridge, un étudiant m'a dit en présence d'un groupe de personnes réunies dans sa chambre: "Je vous ai entendu l'année dernière; depuis, j'ai mis au point un exposé que j'aimerais vous lire. J'ose le faire parce que je crois que vous comprenez. Je suis saisi par l'horreur de l'obscurité profonde". Pas question de faire preuve de romantisme lorsqu'on incite quelqu'un à être honnête et, à partir de son système, à s'éloigner de plus en plus, non seulement de Dieu, mais aussi de lui-même, c'est-à-dire à sortir de l'univers réel. Quoi de plus douloureux et de plus sinistre pour cette personne, en effet, que de devoir nier la réalité dans cette vie et dans l'au-delà afin d'être conséquente avec ses présuppositions non-chrétiennes?

Il faut souvent beaucoup plus de temps pour amener quelqu'un à la conclusion logique de sa position que pour lui donner, ensuite, la solution. Luther a parlé de la Loi et de l'Evangile. Il faut que la Loi – le dénuement – soit d'abord suffisamment claire; ensuite, l'Evangile peut être annoncé, car l'interlocuteur sait qu'il a besoin de quelque chose. On peut alors lui expliquer le sens véritable de son état de mort et lui présenter quelle est la solution dans un exposé global sur la vérité. Mais si nous ne prenons pas assez de temps pour "ôter le toit", notre contemporain ne comprendra rien. Nous ne devons jamais oublier que la première partie de l'Evangile n'est pas: "accepte Christ comme Sauveur", mais "Dieu existe". Cela compris, on est prêt à entendre la solution que Dieu apporte au dilemme moral de l'homme par l'oeuvre expiatoire de Christ dans l'histoire.

A ce stade, quelle que soit la complexité de la mentalité de l'homme moderne (au-dessous de la "ligne du désespoir"), qu'il soit sophistiqué, cultivé ou érudit, nous découvrons que l'Evangile est toujours actuel pour un être en détresse. Plus extraordinaire encore, les mêmes idées et aussi les mêmes mots éveillent la même résonance chez tous.

Il y a quelques années, deux hommes ont fait profession de leur foi en Christ, le même jour. L'un était un médecin très intelligent, l'autre un paysan très simple. Au cours des entretiens que j'avais eus avec eux, le paysan n'aurait pas compris grand chose de ce que j'avais dit au médecin; mais dès qu'ils comprirent tous les deux leur dénuement, je pus, en m'adressant à l'un et à l'autre, utiliser non seulement les mêmes idées, mais exactement les mêmes mots pour répondre à leur détresse. Quand une personne cultivée ou non comprend ce dont elle a besoin, il n'est pas nécessaire de s'exprimer de façon compliquée avec elle: des idées et des termes simples sont pleinement efficaces.

Le problème à résoudre, en abordant nos contemporains, n'est pas de savoir comment nous allons modifier l'enseignement du Christ pour le rendre acceptable – cela reviendrait à perdre toute chance de donner une réponse vraie à un homme désespéré – mais de le présenter de façon à ce qu'il soit compris.

La foi au sens biblique

La foi chrétienne repose, tout d'abord, sur l'existence et la présence réelles de Dieu. (Hébreux 11:6). Elle repose, aussi, sur la reconnaissance que le dilemme de l'homme est moral et non métaphysique. Chacun doit se pénétrer de cela à son propre niveau: car telle est la vérité.

Quand le geôlier de Philippes a demandé à Paul et à Silas: "Que faut-il que je fasse pour être sauvé?", la réponse a été: "Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé, toi et ta famille. Et ils lui annoncèrent la parole du Seigneur, ainsi qu'à tous ceux qui étaient dans sa maison". (Actes 16:30-32). La réponse de Paul et de Silas n'était pas prononcée dans le vide. A cause du tremblement de terre et du comportement remarquable de Paul et de Silas en prison, le geôlier avait des raisons de connaître l'existence d'un Dieu personnel, qui agit dans l'histoire, qui répond aux prières et qui donne une consistance à la vie des hommes. Mais il y a plus. La ville entière avait été ameutée par tout ce que Paul et Silas avaient dit et fait avant d'être jetés en prison. Aussi, comme la précision de la question du geôlier l'indique et comme le confirme la pratique constante de Paul en d'autres lieux, peut-on penser que le geôlier avait déjà entendu le message chrétien de la bouche même de Paul.

Ayant répondu à l'invitation du geôlier, Paul et Silas lui ont annoncé, ainsi qu'à sa famille, la parole du Seigneur. Après cette conversation, qui ne fut sans doute pas de courte durée, le geôlier et les siens crurent.

La vraie foi chrétienne est solidement fondée. Elle n'a rien à voir avec une vague notion qui se substituerait avantageusement à une réelle compréhension. Sa valeur ne réside pas non plus dans son intensité. Le fondement de la foi est, non pas la foi elle-même, mais l'oeuvre du Christ accomplie sur la croix. La foi chrétienne est dirigée vers l'extérieur, vers une personne: "Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé".

Lorsque nous reconnaissons l'existence de Dieu et que nous nous savons vraiment coupables moralement devant sa sainteté, comment ne pas être heureux que la solution de notre dilemme vienne de Dieu et non pas de nous?

Les promesses de Dieu prennent alors un contenu de sens merveilleux. Paul et Silas en ont fait une au geôlier et la Bible nous en indique de nombreuses autres. Jean 3:36, par exemple, dit: "celui qui croit au Fils a la vie éternelle; celui qui ne se confie pas au Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui." Il y a là une forte antithèse. La seconde partie du verset évoque l'état de perdition présent et futur de l'homme; la première présente la solution de Dieu. L'appel à adopter la foi chrétienne repose sur les promesses intelligibles de Dieu. Il nous faut d'abord considérer la vérité de ces affirmations. Ensuite, nous sommes placés devant un choix: ou bien nous croyons en Dieu, ou bien nous le traitons de menteur et nous nous éloignons sans vouloir nous incliner devant lui.

Pour l'homme placé devant les promesses de Dieu, la foi chrétienne signifie qu'il doit s'incliner deux fois: en premier lieu, dans le domaine de l'Etre (métaphysiquement), c'est-à-dire en reconnaissant qu'il est une créature face à son Créateur infini et personnel, le Dieu vivant; en second lieu, dans le domaine moral, c'est-à-dire en reconnaissant qu'il a péché et qu'il est conscient de sa culpabilité devant ce même Dieu vivant. Là surgit un problème: comment l'homme qui est un être fini peut-il se débarrasser de sa culpabilité morale devant un Dieu infini? Sur ce point, l'humanisme est impuissant. Seul, le contenu de la promesse de Dieu peut en donner la solution: "Crois au Seigneur Jésus et tu sera sauvé".

Mais que signifie "croire au Seigneur Jésus", "se confier à Christ"? J'envisagerai quatre aspects essentiels de cet acte, mais il y en a d'autres moins importants. Ces propositions ne sont pas des slogans à répéter machinalement; il est possible de les formuler autrement. Quoi qu'il en soit, pour parvenir à la foi biblique, il faut répondre positivement aux questions suivantes :

1. Croyez-vous que Dieu existe, qu'il est un Dieu personnel et que Jésus-Christ est Dieu? Il ne s'agit pas du mot ou de l'idée "dieu", mais du Dieu qui existe, infini et personnel.

2. Reconnaissez-vous que vous êtes coupable devant Dieu? Il ne s'agit pas du sentiment de culpabilité, mais d'une véritable culpabilité morale.

3. Croyez-vous que Jésus-Christ est mort en un lieu et en un temps donnés au cours de l'histoire, sur la croix, et que son oeuvre propitiatoire – il a subi, à notre place, le châtiment de Dieu contre le péché – a été totalement effective et parfaite?

4. Fondé sur les promesses que Dieu nous communique par écrit dans la Bible, voulez-vous suivre Christ, le reconnaître comme votre Sauveur personnel et renoncer à mettre votre confiance en ce que vous avez pu ou ce que vous pourrez faire?

La promesse de Dieu "Celui qui croit au Fils a la vie éternelle" prend appui sur plusieurs affirmations: Dieu est vivant, il existe; Christ est la seconde personne de la Trinité, sa mort a donc une valeur infinie; je n'ai pas la présomption de penser que je peux me sauver moi-même, j'ai foi en l'oeuvre parfaite de Christ et dans les promesses écrites de Dieu. Ma foi? Des mains vides dans lesquelles je reçois le don gratuit de Dieu.

Dans Le Voyage du Pèlerin de John Bunyan, Plein-d'Espoir s'exprime ainsi:

"Il (Fidèle) me dit d'aller à Jésus, et de voir par moi-même. J'objectai que c'était présomptueux d'agir ainsi. 'Non', dit-il, 'car tu es invité à aller à lui'. (Bunyan note ici: "Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos", Matthieu 11:28). Il me donna alors un livre renfermant des paroles de Jésus qui devaient m'encourager à m'approcher de lui; puis il ajouta que toutes les paroles de Dieu que ce livre contenait, étaient plus sûres et plus fermement établies que le ciel et la terre... Je lui demandai encore comment je devais lui adresser mes supplications. Il me dit: 'Va, et tu le trouveras assis sur le trône de la miséricorde chacun des jours de l'année, pour pardonner et effacer les péchés de ceux qui viennent à lui'.
J'objectai que je ne savais pas ce que je devais dire. Simplement ceci, me répondit-il: O Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis un pécheur! Apprends-moi à connaître Jésus-Christ et à croire en lui, car je comprends que s'il n'avait pas accompli toute justice, et que si je ne crois pas à cette justice, je suis irrémédiablement perdu. Seigneur, j'ai entendu dire que tu es un Dieu miséricordieux et que tu as voulu faire de ton Fils Jésus-Christ le Sauveur du monde, et que, par-dessus tout, tu l'as donné pour de pauvres pécheurs tels que moi! Seigneur, saisis maintenant cette occasion, et magnifie ta grâce en me sauvant, par ton Fils Jésus-Christ'."
Bunyan indique que Plein-d'Espoir ne comprit pas tout de suite, mais seulement un peu plus tard: "De tout ceci, je conclus que je devais chercher en lui ma justification et la rédemption de mes péchés par son sang, et que son obéissance à la loi de Dieu, son Père, et l'acceptation du châtiment pour le péché n'étaient pas pour lui, mais pour celui qui accepte son salut et en est reconnaissant."

Voilà ce que signifie "croire au Seigneur Jésus-Christ". Selon la promesse de Dieu, si quelqu'un croit ainsi, il est chrétien. (Voir références bibliques et liens au bas de cette page).

Naturellement, devenir chrétien n'est qu'un commencement... nous y reviendrons dans la dernière partie de ce livre.

Quatre choses peuvent aider un chrétien qui vient de se convertir:
1. étudier régulièrement la Bible par laquelle Dieu s'adresse à nous;
2. prier de façon régulière. Puisque nous sommes libérés de notre culpabilité, il n'y a plus de barrière entre Dieu et nous, et nous pouvons nous entretenir librement avec lui. Il faut prier de deux manières : en des moments particuliers et en accomplissant nos tâches quotidiennes le regard tourné vers Dieu;
3. parler aux autres du Dieu vivant et de la solution qu'il propose au dilemme de l'homme;
4. participer régulièrement à la vie d'une Eglise qui reconnaît l'autorité de l'Ecriture, c'est-à-dire pas de n'importe quelle Eglise, mais à une Communauté fidèle à l'enseignement biblique et ayant un témoignage vivant qui édifie le fidèle et interpelle l'incroyant.

Notes:
Voici quelques références bibliques pour aider tous ceux qui voudraient compléter leurs lectures sur la matière de devenir chrétien: Jean 3:15-18; Romains 3:9-26; 4:1-3; Galates 2:16; 3:24; Jean 8:24; 14:6; Actes 4:12. Les chapitres 1 à 8 de l'épître aux Romains offrent une série de passages qui montrent l'unité qui existe entre le moment où l'on devient chrétien et celui qui le suit.
Voyez aussi dans "Les grands thèmes de la Bible" les chapitres sur "Dieu" et "Le salut".