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Jésus était juif
Objections juives contre Jésus

Dr Arnold G. Fruchtenbaum

Les articles les plus récents écrits par des rabbins qui font état de leurs objections contre Jésus se fondent tous sur son manque de conformité au judaïsme moderne. Les écrits de Rabbi Milton Steinberg et de Trude Weis-Rosmarin, cités au premier chapitre, en sont des exemples.

On juge trop souvent Jésus selon les critères du judaïsme du vingtième siècle, au lieu de prendre en considération ceux du judaïsme du premier siècle, le judaïsme biblique. Il n'est pas approprié de poser la question: "Jésus correspond-il au Messie que se représente le judaïsme aujourd'hui?" La pensée juive concernant le Messie est très morcelée. Certains Juifs attendent toujours: "Le Messie va venir!" A l'opposé, il y a ceux qui s'exclament: "Quoi? un Messie? Il n'y a pas de Messie." Le fait est qu'aujourd'hui la grande majorité des Juifs ne croient plus en aucun Messie. La vraie question que nous devons nous poser est: "Jésus est-il le Messie annoncé par l'Ancien Testament?"

Le judaïsme contemporain est très différent du judaïsme de l'Ancien Testament et même du judaïsme du temps de Jésus. Le judaïsme moderne n'est certainement pas le "père du christianisme". Au mieux, il en est le frère, tous deux ayant le judaïsme biblique pour ancêtre. En comparant les écrits de l'Ancien Testament aux enseignements du judaïsme d'aujourd'hui, on pourrait presque penser que ce dernier est une religion nouvelle! Certes, il y a tout de même certaines ressemblances entre le judaïsme d'autrefois et celui d'aujourd'hui. Des similitudes existent également entre différentes religions, mais celles-ci sont pourtant bien distinctes les unes des autres. Répétons-le: la vraie question qu'il convient de se poser est: "Jésus est-il le Messie de l'Ancien Testament?" Le seul critère pour savoir s'il l'est effectivement est de vérifier si toutes les prophéties vétérotestamentaires concernant le Messie ont été accomplies en Jésus.

Quelle sorte de Dieu avez-vous?

Certaines objections juives à propos de la messianité de Jésus visent sa naissance virginale et sa résurrection. Ces critiques n'ont en fait pas lieu d'être. Tout dépend du Dieu en qui l'on croit. On ne devrait pas se poser les questions: "La naissance virginale est-elle possible" ou "Peut-on vraiment ressusciter d'entre les morts?" Humainement parlant, il faut répondre "non". Il faut plutôt se demander: "Dieu peut-il accomplir de pareilles choses?" S'il ne le peut pas, il n'est pas vraiment Dieu. Mais si Dieu est réellement Dieu avec tout ce que cela implique, il est capable de faire tout ce qu'il veut. Ses seules limites sont celles qu'il se fixe lui-même.

Si Dieu est tout-puissant, des prodiges comme la naissance virginale et la résurrection d'entre les morts sont des choses faciles à accomplir pour lui. Ce serait tout de même incohérent au plus haut point de croire que Dieu a créé les cieux et la terre et de mettre en doute sa capacité à produire une naissance virginale. S'il a su créer l'infiniment grand de l'univers et l'infiniment petit de l'atome, la naissance virginale et la résurrection des morts sont des oeuvres très simples en comparaison. Le Juif qui croit en Dieu n'a aucune raison de mettre en doute la naissance virginale. La question qu'il peut se poser, en revanche, est celle-ci: la naissance virginale annoncée par Esaïe s'est-elle vraiment réalisée dans le cas de Jésus? L'Ancien Testament disait qu'elle devait se produire pour le Messie. Le Nouveau Testament déclare qu'elle s'est produite pour Jésus.

Jésus a-t-il apporté la paix?

La principale objection à la messianité de Jésus est celle-ci: Jésus ne peut être le Messie puisqu'il n'a pas apporté la paix. Faisons d'abord remarquer que puisqu'il n'a pas été accepté, il ne pouvait pas procurer la paix qui est inhérente à sa personne. De plus, le but de la première venue du Messie ou, comme le croyaient les anciens rabbins, le but de la venue du premier Messie n'était pas d'apporter la paix, mais de souffrir et de mourir. La paix sera instaurée lors de la venue du deuxième Messie, le Messie fils de David, ou comme l'annonce le Nouveau Testament, lors de la deuxième venue du Messie. Pour savoir si Jésus est bien le Messie promis, il faut d'abord examiner s'il a souffert et s'il est mort, ensuite si ceux qui ont cru en lui ont reçu la justification et le pardon des péchés. Ses souffrances et sa mort sont attestées par le récit des témoins oculaires du Nouveau Testament.

De nombreux témoins juifs ont affirmé avoir fait l'expérience du pardon de leurs péchés pour s'être appropriés la mort substitutive de Jésus. Nous rapporterons le témoignage de nombreux Juifs chrétiens contemporains. Le judaïsme talmudique et le Nouveau Testament déclarent de façon unanime que la venue du Messie pour souffrir et mourir précéderait celle du Messie qui apporterait la paix. Le judaïsme et le Nouveau Testament divergent dans la mesure où le premier affirme l'existence de deux Messies différents, tandis que le second déclare que les deux sont une seule et même personne, à savoir Jésus.

Ainsi, s'il est vrai que Jésus n'est pas venu pour apporter la paix, c'est parce que tel n'était pas le but de sa première apparition. L'argument juif qui repose sur le fait que la venue de Jésus ne s'est pas accompagnée de l'établissement de la paix ne peut donc être considéré comme valable, car Jésus reviendra et à ce moment-là, il instaurera un règne de paix.

Les chrétiens haïssent les Juifs

Une autre objection concerne moins Jésus lui-même que la manière dont son nom a été utilisé dans l'histoire juive. Les chrétiens n'ont-ils pas persécuté et tué les Juifs pendant des siècles? La croix n'est-elle pas devenue un symbole de mort pour les Juifs? L'Eglise n'a-t-elle pas édicté des lois discriminatoires contre les Juifs? Le nom de Jésus n'a-t-il pas été utilisé pour brûler les Juifs et leurs maisons? Ne s'est-on pas servi du baptême pour obtenir des conversions forcées au christianisme et arracher ainsi des enfants juifs à leurs familles? Tout cela est vrai, et bien d'autres méfaits encore. On peut toutefois se demander si ceux qui ont commis ces choses atroces étaient vraiment des chrétiens, même s'ils déclaraient l'être.

Mais ces crimes perpétrés contre les Juifs démentent-ils la messianité de Jésus? Celui-ci peut-il être tenu pour responsable de l'usage qui est fait de son nom, en bien comme en mal, par ceux qui professent le suivre?

Dans la période postmaccabéenne, un certain Jean Hyrcan devint roi d'Israël. A cette époque, Israël luttait pour reconquérir son indépendance dont elle avait été dépouillée par les Syriens hellénistes. Dans ses guerres, Jean Hyrcan n'hésita pas à contraindre les vaincus à se convertir au judaïsme, sous peine de mort. Quand il s'emparait de villes grecques, il plaçait leurs habitants devant un choix: se convertir au judaïsme ou périr par l'épée. Toute la nation édomite, connue à l'époque sous le nom de peuple iduméen, fut obligée d'embrasser le judaïsme; de nombreux Iduméens refusèrent et furent exécutés. Ainsi, de nombreuses atrocités furent commises au nom du judaïsme.

Supposons que plusieurs de ceux qui avaient perdu leurs familles ou des êtres chers dans ces actes barbares aient lancé des campagnes contre Moïse, considéré comme le fondateur du judaïsme. Supposons qu'en raison des conversions forcées et des mises à mort, les Grecs et les Edomites aient refusé tout l'enseignement de Moïse. Supposons que le judaïsme ait été rejeté à cause des forfaits horribles commis en son nom. Cela aurait été profondément injuste. En effet, si Jean Hyrcan s'est servi du nom de Moïse et a fait périr des gens au nom du judaïsme, cela ne signifie nullement que Moïse ou le judaïsme enseignaient eux-mêmes à commettre ces choses indignes. Il serait tout à fait abusif de condamner le judaïsme simplement parce que certains se sont abrités derrière son nom pour accomplir leurs propres désirs.

De la même manière, il serait insensé de rejeter la messianité de Jésus simplement parce que certains de ceux qui se réclamaient de son nom ont agi de façon coupable. Sachez que ni Jésus ni le Nouveau Testament ne cautionnent de tels actes contre les Juifs. Le Nouveau Testament qui a enseigné aux païens que "le salut vient des Juifs" n'incite en aucune façon à persécuter les Juifs. Ainsi donc, ce n'est pas parce que quelques personnes se proclamant à tort chrétiennes se sont servies du nom de Jésus pour partir en guerre contre les Juifs que leurs actions sont chrétiennes.

Si le Jésus du Nouveau Testament est le vrai Jésus, tous ces égarements dont des prétendus chrétiens se sont rendus coupables sont totalement étrangers à sa nature. C'est donc à la lumière de ses propres déclarations qu'il faut examiner sa messianité, et non à la lumière de ce qui a pu être commis en son nom. La seule et vraie question qu'il convient de se poser est celle-ci : correspond-il au Messie tel qu'il était défini dans l'Ancien Testament? C'est selon ce critère seulement qu'il faut l'accepter ou le rejeter, et non selon des enseignements qui ont été obscurcis ou déformés par ceux qui cherchaient un prétexte pour persécuter les Juifs.

Objections théologiques

Les objections théologiques que les autorités rabbiniques ont avancées ont toujours concerné les mêmes domaines, au point qu'elles sont devenues un peu stéréotypées. Elles tournent toujours autour des questions de la naissance virginale, des prétentions de Jésus à la divinité et de l'impossibilité pour le Juif de croire qu'un homme puisse devenir Dieu. Nous avons déjà examiné le problème de la naissance virginale. La nature du Dieu auquel nous croyons reste un sujet controversé.

Devant l'affirmation de Jésus à être le Fils de Dieu, certains rabbins juifs objectent:

Le Nouveau Testament présente Jésus comme Fils de Dieu et Messie. De son côté, le judaïsme ne reconnaît pas l'existence d'un Fils de Dieu qui aurait été mis à part et élevé au-dessus de tous les autres humains. Les Juifs sont convaincus que devant Dieu tous les hommes sont égaux et qu'aucun ne peut prétendre à la divinité.

C'est un bel exemple de la manière dont la messianité de Jésus est jugée selon les critères du judaïsme moderne. Selon cet auteur, Jésus ne peut être le Messie, puisque le judaïsme n'admet pas l'existence d'un Fils de Dieu. L'auteur aurait été plus honnête en précisant que le judaïsme qu'il connaît, c'est-à-dire le judaïsme moderne, ne conçoit pas que Dieu ait un Fils. (Si on considère le judaïsme réformé, celui-ci rejette même l'existence d'un Messie.) Le critique ignore en effet les siècles où la théologie juive n'a pas eu le moindre doute quant à l'identification du Messie au Fils de Dieu. S'il avait pris le temps d'examiner les anciennes interprétations rabbiniques du psaume 2, il ne se serait pas permis de lancer une affirmation aussi peu fondée; même Rashi n'est pas tombé dans ce piège. Nous nous sommes penchés sur cette question précédemment. Nous devons chercher à savoir si Jésus est le Messie de l'Ancien Testament, et non le Messie du judaïsme moderne.

Bien sûr, les Juifs ne peuvent croire qu'un homme puisse devenir Dieu; c'est pourquoi, ils ne peuvent accepter Jésus. Il est tout à fait vrai qu'un homme ne peut devenir Dieu, et qu'aucun homme ne peut donc prétendre être de nature divine. Mais c'est précisément là où le judaïsme a mal compris l'enseignement du Nouveau Testament. Celui-ci n'a jamais prétendu que Jésus était un homme devenu Dieu. Ce serait une monstrueuse hérésie. Cette doctrine irait à l'encontre du judaïsme sous toutes ses formes, biblique, rabbinique ou autre, et à l'encontre de la foi chrétienne. Ni le Nouveau Testament ni Jésus n'ont dit qu'il a existé un homme qui est devenu Dieu.

Le Nouveau Testament déclare même le contraire: c'est Dieu qui est devenu homme en la personne de Jésus de Nazareth. Si Dieu est devenu un homme, celui-ci devait certainement être supérieur à tous les autres hommes. Il devait être le Dieu-Homme. Le judaïsme n'oserait pas affirmer que Dieu ne peut devenir homme s'il le désire. Le Dieu du judaïsme biblique est tout-puissant. Il peut accomplir tout ce qu'il veut. S'il existait quoi que ce soit que Dieu ne puisse faire, il serait moins que Dieu. La bonne question est donc: Dieu a-t-il décidé de devenir homme? Et non: Dieu peut-il devenir homme? Oui, Dieu est devenu homme. Il est tout de même étrange que tant d'écrits rabbiniques consacrés à Jésus aient refusé d'examiner la possibilité que Dieu devienne homme, et se soient focalisés sur la possibilité pour un homme de devenir Dieu.

D'autres objections découlent de la précédente et s'engagent sur de fausses pistes. Ainsi, certains rabbins refusent le fait que Jésus ait pu pardonner les péchés, ce que Dieu seul peut faire. Ils ont raison: Dieu seul peut pardonner les péchés. Mais si Jésus est le Dieu-Homme, le Dieu devenu homme, son pouvoir de pardonner les péchés fait partie de ses attributs divins.

Une autre objection concerne le fait que Jésus a opéré des miracles en son propre nom. Voici comment un auteur juif la formule:

Les prophètes hébreux aussi accomplissaient des miracles, mais ils se présentaient clairement comme les instruments de Dieu. Quand Elie ressuscita le fils de la veuve, il ne dit pas que c'était lui qui avait opéré ce miracle, contrairement à Jésus dans une situation analogue.

Disons d'emblée que souvent Jésus a affirmé opérer ses miracles par la puissance et l'autorité de l'Esprit de Dieu. Reconnaissons qu'effectivement les prophètes ont accompli des miracles et qu'ils les ont attribués à Dieu. Mais justement, Jésus n'était pas un simple homme ou un simple prophète. Les théories rabbiniques enseignaient que possédant le nom même de Dieu, le Messie accomplirait des choses prodigieuses en son propre nom. C'est d'ailleurs pour cela que le Messie jouait un rôle si important dans la théologie rabbinique. C'est pourquoi tout au long des siècles, avant que le libéralisme moderne ne s'infiltre dans le judaïsme, les Juifs ont toujours attendu le Messie. Celui-ci aurait un tel pouvoir et une telle autorité qu'il accomplirait de grandes choses en son propre nom. Jésus, ayant affirmé être ce Messie, devait donc être capable de faire les grandes choses attendues de lui. Comme le dit l'auteur de l'objection citée plus haut, Jésus a effectivement accompli des prodiges en son propre nom. C'était plutôt un signe en faveur de sa messianité que contre elle.

Compréhension superficielle

Les autres objections juives à l'égard de Jésus témoignent de recherches très peu approfondies des enseignements du Nouveau Testament. En voici un exemple: "Le judaïsme... prône la jouissance de la vie et décourage l'ascétisme. Jésus, lui, a affirmé que son royaume n'était pas de ce monde; il a présenté la pauvreté comme la marque de la piété."

A cette objection, nous répondons que Jésus a lui aussi combattu l'ascétisme. Il a encouragé la modération en tout. Le véritable but poursuivi par sa venue était de faire apprécier la vie. Il a déclaré: "Moi je suis venu afin que les brebis aient la vie, et qu'elles l'aient en abondance" (Jn 10.10). Il n'a jamais fait de la pauvreté le signe de la vraie piété. Il a souvent mis en garde contre un mauvais usage des richesses, mais n'a jamais condamné la richesse en soi comme un péché, ni érigé la pauvreté en vertu. Le message du Christ n'était pas: "Soyez bons ici-bas pour pouvoir entrer au ciel plus tard", mais "Mettez-vous en règle avec Dieu de manière à jouir de la vie qu'il vous accorde."

Voici un autre exemple de compréhension superficielle du Nouveau Testament: "Le judaïsme exalte la famille et encourage ses liens au sein d'une communauté plus large. Jésus, lui, a fortement souligné la valeur du célibat et a dénigré les liens familiaux comme étant un frein à la consécration religieuse."

Or, Jésus n'a jamais poussé au célibat. Il a présenté ce dernier comme réservé à une minorité. Le célibat n'est en tout cas pas une marque de spiritualité supérieure. Mais il est vrai que Jésus s'est efforcé de remettre les choses dans leur juste perspective. Il a enseigné que chacun doit d'abord servir Dieu, et ensuite sa famille. On ne peut vraiment pas dire que cet enseignement soit contraire à celui du judaïsme.

Certaines objections témoignent d'une mince connaissance non seulement du Nouveau Testament, mais également de l'Ancien Testament, comme le montrent clairement les paroles suivantes:

La Bible hébraïque souligne l'unité de la race humaine; les prophètes parlaient comme messagers de Dieu à tous les peuples et non avant tout au peuple juif. Jésus, lui, a souligné qu'il avait seulement été envoyé aux brebis perdues de la maison d'Israël. Il a refusé de guérir la fille de la femme cananéenne. Le judaïsme ne fait pas de discrimination à l'égard des non-Juifs,

On peut se demander si l'auteur de ces lignes a jamais lu l'Ancien Testament et même s'il connaît bien son propre judaïsme. Celui-ci interdisait les mariages avec les non-Juifs. N'est-ce pas une forme de discrimination à leur égard? De plus, les prophètes ne se présentent pas du tout comme le prétend le critique juif. Dans leur très nette majorité, les prophètes hébreux ont délivré leurs messages non aux nations païennes, mais exclusivement au peuple juif. Ils ont constamment insisté sur le fait que les Juifs formaient le peuple de Dieu dans un sens très particulier, un peuple distinct des peuples païens. Certains de leurs messages s'adressaient, il est vrai, aux nations païennes, mais il s'agissait toujours de l'annonce de jugements sur les nations païennes qui avaient maltraité le peuple juif. Il suffit de lire ne serait-ce qu'une seule fois les livres prophétiques de l'Ancien Testament pour s'en persuader.

L'auteur de l'objection ci-dessus fait également erreur - à propos de l'entretien de Jésus avec la femme cananéenne. Jésus n'a pas refusé de guérir sa fille. Au contraire, il l'a parfaitement rétablie. Mais ce que Jésus a voulu faire comprendre à son interlocutrice, c'était que la tâche prioritaire du Messie était de se révéler aux Juifs, et non aux païens. Ceux-ci auraient également leur part de bénédiction, mais le Messie devait avant tout se consacrer au peuple juif. C'était déjà vrai des prophètes d'Israël.

Il serait vain de poursuivre dans cette voie, car nombre d'objections contre la messianité de Jésus reposent sur des préjugés, sur des déclarations qu'on prête au Nouveau Testament et non sur ses enseignements réels. Pour répondre aux critiques du judaïsme, il faut d'abord préciser la nature du Dieu auquel on croit. Ce Dieu est-il limité dans son pouvoir à accomplir ce qu'il veut? Demandons- nous ensuite si oui ou non, Dieu est devenu homme en Jésus. Mais pour savoir si Jésus est le Messie annoncé, il faut faire intervenir les critères de l'Ancien Testament et non ceux du judaïsme moderne. Personne ne peut répondre honnêtement à cette question s'il n'a pas lui-même fait une investigation personnelle dans les Ecritures hébraïques. Rejeter quelqu'un sur la base d'idées préconçues et inculquées, c'est manquer de rigueur intellectuelle.

La majorité et la minorité

On rencontre fréquemment un autre type d'objection: "Si Jésus est le Messie, pourquoi les rabbins ne croient-ils pas en lui?" Formulons-la autrement: "Si Jésus est le Messie, comment se fait-il que si peu de Juifs le croient?" Ces questions sous-entendent qu'une affirmation ne peut être vraie pour les Juifs aussi longtemps que la majorité des rabbins ou des Juifs ne l'acceptent pas comme vraie. En d'autres mots, la vérité serait liée à l'opinion d'une majorité.

Or, ce n'est pas cela. La vérité ne dépend nullement d'un vote. Si une chose est vraie, elle l'est, que tout le monde ou personne ne le croie. Même si tout le monde croyait que la terre est plate et qu'il est possible de tomber dans le vide une fois parvenu à son extrémité, cette croyance ne deviendrait pas vraie pour autant. La vérité ne se définit pas de cette manière. Elle est un absolu et ne change pas. Elle ne dépend pas du nombre de personnes qui l'admettent. Elle est toujours vraie en raison de son contenu.

Certains feront remarquer que si les autorités religieuses juives ont rejeté une doctrine, celle-ci ne peut pas être vraie sur le plan religieux, du moins pas pour les Juifs. Si Jésus était réellement le Messie, un grand nombre de Juifs – à défaut de la totalité – auraient dû croire en lui, au moins parmi les chefs. Justement, il est notoire qu'un bon nombre de Juifs, en particulier des chefs, ont cru que Jésus était le Messie. Certes, ils ne constituaient pas la majorité, car celle-ci a rejeté sa messianité. Cependant ils furent beaucoup à accepter Jésus comme le Messie de l'Ancien Testament. Mais le fait que la majorité ne l'ait pas accepté ne suffit pas à prouver que Jésus n'était pas le Messie promis.

Si nous parcourons notre histoire juive, nous constatons de façon répétée que c'était toujours une minorité de Juifs qui ont obéi à la révélation de Dieu. Les prophètes font fréquemment mention de cette faible minorité de croyants et la décrivent comme le reste fidèle d'Israël. C'est toujours ce reste qui a cru au message divin annoncé par les prophètes. Dans leur grande majorité, les Israélites et leurs dirigeants de l'époque l'ont rejeté.

Prenons un exemple du temps du prophète Elie. Au chapitre 19 du premier livre des Rois, le prophète Elie est abattu parce que le peuple refuse de revenir à l'Eternel et de le servir. La dépression pousse Elie à se réfugier dans le désert et à se rendre au Mont Sinaï où il demande la mort. Il se plaint devant Dieu et déclare:

"J'ai déployé mon zèle pour l'Eternel, le Dieu des armées; car les enfants d'Israël ont abandonné ton alliance, ils ont renversé tes autels, et ils ont tué par l'épée tes prophètes; je suis resté, moi seul, et ils cherchent à m'ôter la vie." (versets 10, 14).

Au temps d'Elie, le peuple d'Israël s'était tellement adonné à l'idolâtrie que le prophète avait le sentiment d'être le seul à être resté fidèle à Dieu. Mais le Seigneur lui répondit : "Mais je laisserai en Israël sept mille hommes, tous ceux qui n'ont pas fléchi les genoux devant Baal, et dont la bouche ne l'a point baisé" (verset 18).

Dieu indique donc à Elie qu'en plus de lui, sept mille Israélites lui sont demeurés fidèles. Il faut noter que ces sept mille n'étaient qu'une infime minorité parmi les centaines de milliers de Juifs qui constituaient le peuple d'Israël en ce temps-là. On s'aperçoit donc une fois de plus que la grande majorité des chefs juifs étaient dans l'erreur et que seul un reste avait cru.

On constate une situation similaire à l'époque des grands prophètes. Esaïe lui-même, le prince des prophètes, déclare au premier chapitre de son livre : "Si l'Eternel des armées ne nous avait conservé un faible reste, nous serions comme Sodome, nous ressemblerions à Gomorrhe!" (Es 1.9).

Esaïe reconnaît donc que seul un reste, c'est-à-dire une petite minorité de Juifs, accepte le message des prophètes. La majorité continue de le rejeter et de vivre dans la désobéissance. Le prophète atteste que s'il n'y avait pas eu ce petit reste, Dieu aurait tellement pris en dégoût la nation juive qu'il l'aurait anéantie comme Sodome et Gomorrhe. C'est le même son de cloche chez les prophètes Jérémie et Ezéchiel. Tous ces prophètes ont dû combattre sans relâche contre la majorité afin de maintenir la vérité de Dieu.

Rabbi Saul, un Juif chrétien du premier siècle, reconnaissait qu'il en était de même de son temps. Une minorité de Juifs seulement acceptaient Jésus comme Messie. Dans sa lettre à l'église de Rome, il s'appuie sur l'histoire d'Elie et l'applique à la situation de son époque:

"Ne savez-vous pas ce que l'Ecriture rapporte d'Elie, comment il adresse à Dieu cette plainte contre Israël: Seigneur, ils ont tué tes prophètes, ils ont renversé tes autels; moi seul, je suis resté, et ils cherchent à m'ôter la vie ? Mais quelle réponse Dieu lui donne-t-il? Je me suis réservé sept mille hommes qui n'ont point fléchi le genou devant Baal. De même aussi dans le temps présent, il y a un reste selon l'élection de la grâce." (Ro 11.2b-5).

Rabbi Saul explique que ce qui se produisait de son temps, c'est ce qui se produit aujourd'hui et qui s'est produit tout au long de l'histoire juive. La majorité des Juifs ont toujours refusé de se conformer à la révélation du Dieu d'Israël. En revanche, la minorité, le reste fidèle, a toujours cru. Rabbi Saul poursuit en déclarant que ce sont les chrétiens hébreux qui forment le reste fidèle d'Israël de son temps.

Ce type de vérité, la vérité de Dieu, ne peut en aucun cas être définie par une majorité. A l'objection faite plus haut, nous répondons par conséquent: Peu importe que la majorité des rabbins et des Juifs n'aient pas reconnu Jésus comme Messie. Cela ne change strictement rien au fait qu'il est cependant bien le Messie annoncé par l'Ancien Testament.

La logique de tout cela

On objecte souvent que le fait de croire en Jésus correspond à une démarche qui n'est ni logique, ni juive. Tout dépend de ce que Jésus représente réellement. Supposons, pour la clarté du raisonnement, que Jésus soit le Messie. Alors la démarche juive la plus naturelle, la plus logique, consisterait à croire en lui. Si Jésus est le Messie, la foi en lui n'atténue pas l'identité juive d'une personne, mais la renforce. Elle fait du Juif un Juif plus authentique parce qu'il entretient désormais avec Dieu la relation qu'entretenait le premier Juif, une relation caractérisée par la foi.

De nombreuses objections ne servent qu'à masquer une peur non exprimée, à savoir que si un Juif accepte Jésus, il cesse d'être juif. Il est vrai que le Juif qui accepte la messianité craint de perdre son identité juive pour devenir un païen. Or, tous les Juifs qui croient en Jésus affirment haut et fort que Jésus ne supprime pas leur identité spécifique. C'est pourquoi, nous consacrerons le chapitre suivant à examiner ce qu'est véritablement la judaïcité.

 


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