La grande arnaque de Noël

La grande arnaque de Noël - pensée du mois - décembre 2017

Ne pas confondre espoir et illusion, car si l’espoir fait vivre, les désillusions peuvent faire le désespoir.
- ANGELIQUE PLANCHETTE

Il sera appelé « Fils du Très-Haut » et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son ancêtre.
- LUC 1. 32

… où est le roi des Juifs qui vient de naître  ? Nous avons vu se lever son étoile, et nous sommes venus lui rendre hommage… ils lui offrirent de l’or, de l’encens et de la myrrhe…
- MATTHIEU 2. 2 & 11

Les enthousiastes commencent à devenir intéressants quand ils sont confrontés à l’échec et que la désillusion les rend humains.
- EMIL MICHEL CIORAN

En visionnant la bande-annonce du premier Noël, on peut se faire une idée assez précise du scénario à venir. Le contexte est clair : un peuple dépouillé de sa suprématie régionale, une nation occupée par un envahisseur déterminé. Pourtant un espoir subsiste ; il existe de nombreuses prophéties qui annoncent depuis des générations la venue d’un libérateur. Un roi puissant, issu d’une prestigieuse dynastie. Le descendant d’un certain David, un héros qui, à la force de son poignet, prolongé d’un bon mètre d’acier affuté, s’est forgé un solide royaume, un royaume que son fils développera encore jusqu’à être craint et respecté par les dirigeants des pays voisins.

Ce roi à venir, ce « Messie », comprenez « celui qui a reçu l’onction pour régner », va bouter les envahisseurs de la terre promise. On attendait de l’or, du faste et du prestige. Des érudits et hauts dignitaires de la puissante Bagdad ont fait le voyage, apportant à l’enfant-roi des présents dignes des plus grands monarques. Tout semble être en place pour une « success story » qui pourrait faire la une de Gala ou de Paris Match. « Le retour du Roi ! » ou « Enfin un héritier sur le trône » seraient de bons titres pour les couvertures. Soudain, l’affaire se corse. Un gouverneur jaloux commandite l’assassinat de l’enfant-roi, provoquant des dommages collatéraux tragiques : des dizaines de bébés innocents sont impitoyablement massacrés… Mais l’élu disparaît dans la clandestinité, se cache à l’étranger, puis revient dans son pays pour vivre incognito dans un minuscule village, au fin fond de la campagne, à des jours de marche de la capitale où il devrait régner. Il grandit avec une identité secrète, attendant d’être prêt pour se révéler au monde. Et finalement, ce jour arrive.
Jusque-là, l’histoire est d’une banalité navrante. Impossible de faire un roman de cette trame usée jusqu’à la corde et qui s’est répétée tant de fois dans le triste jeu d’échecs des têtes couronnées. Cependant, le futur monarque déjoue tous les pronostics. Au lieu de lever une armée, il traîne après lui une douzaine d’hommes communs, un petit groupe hétéroclite et mal assorti. Il n’a aucune notion de réal-politique, il prend les autorités à rebrousse-poil. Il arpente nuit et jour ce qui devrait être son royaume, mais laisse la plupart de ses auditeurs confus parce qu’il parle d’un autre royaume, invisible, éternel. Il refuse les honneurs d’une délégation étrangère, et les choses s’enveniment; ses ennemis se rassemblent, complotent… Cela se termine mal, très mal même. Du bois rugueux, des clous, un fouet, une pointe d’acier qui traverse les poumons. Et un trou dans la montagne, avec un énorme bloc de pierre pour en fermer l’entrée.

Que sont devenues les promesses de la bande-annonce, la réalisation des prophéties, le retour en puissance de la dynastie davidienne ? Échec ? Ratée ? Désillusion ?

Et pourtant, deux millénaires et des poussières plus tard, ce roi « raté » a marqué l’histoire des Hommes, plus que n’importe quel autre souverain. Son royaume, toujours invisible, est présent sur toute la surface du globe. Ou, pour être plus précis, dans de nombreux cœurs disséminés sur la surface de la Terre. Il a bouleversé l’ordre des valeurs: la douceur à la place de la violence, la compassion plutôt que le succès, le pardon au lieu de la vengeance, l’amour qui désintègre la crainte. Désillusion ? Peut-être, mais de l’espérance plein le cœur, car la vie et la force de cet étrange suzerain invisible sont venues habiter et habiller notre faiblesse.

Philip

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© Tous droits réservés: Philip Ribe

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