Jeannot en Afrique - L’affreuse tempête

Histoire vraie

Gauche... droite... gauche... droite ! gauche... droite ! Il y a quelques années, à Belfort, un petit garçon s’arrêtait souvent près d’une caserne en rentrant de l’école. Il aimait tant voir défiler les soldats !
Gauche... droite ! gauche... droite ! Près de la même caserne, c’est la même cadence qu’on entend aujourd’hui. En colonne par quatre, une compagnie approche. Ils ont fière allure, ces soldats bien au pas. Les plus grands marchent en tête. Regardez le troisième du premier rang ! Ce visage... ne l’avez-vous pas déjà vu quelque part ? Ne vous rappelle-t-il personne ? Mais oui... c’est Jeannot ! Le temps a passé. Notre ami a grandi. Après l’apprentissage et les exploits sportifs, à vingt ans Jeannot est soldat !

L'affreuse tempête - Jeannot en Afrique

L’armée, c’est un jeu tant qu’il n’y a pas de guerre ! Mais quand les choses se gâtent, c’est une autre affaire ! Un jour, après sept mois de vie militaire, Jeannot rentre en congé. Comme il a l’air grave. Et comme il est pressé de parler à ses parents...
— Finis, les exercices faciles !
On vient de nous annoncer que dans trois jours nous allons partir pour la guerre en Afrique du Nord ! C’est maintenant que ma formation d’infirmier militaire va m’être utile. Il y aura du travail ! J’aime mieux pouvoir soigner des blessés ou des malades, plutôt que d’avoir à tirer sur des hommes pleins de santé.
Eh bien, Jeannot ! tu sais que chaque jour nous prions pour toi et pour tes frères. Nous allons redoubler quand tu seras là-bas. La Bible nous raconte que les trois amis de Daniel ont été jetés dans un feu terrible. Mais Dieu les a protégés.
Ils sont sortis de là sans une seule brûlure. Dieu saura aussi te garder en plein danger, cher Jeannot ! Tous les jours nous le lui demanderons, et tu le feras aussi de ton côté.

Le jour du grand départ arrive. Après le voyage en train jusqu’à Marseille, la traversée se fait à bord du Sidi-Ferruch, très vieux cargo affecté au transport du matériel et de la troupe.
Mais le vent souffle. La mer est haute ! A la sortie du port de grosses vagues attendent le cargo qui se met à danser comme une coquille de noix.
— Ça va tanguer, les gars ! crie un homme d’équipage. Nous allons tendre des cordes pour que vous sachiez où vous tenir quand ça bougera trop !
La mer est en furie une vraie tempête. Tantôt des lames d’eau déferlent sur le pont, prêtes à emporter quiconque s’y aventurerait, tantôt elles s’écrasent contre la coque du cargo qui frémit sous leur terrible poussée. Va-t-elle résister à ces puissants coups de boutoir ? La troupe est entassée dans la cale.
A chaque nouvelle vague, Jeannot sent le plancher qui pousse, pousse en haut, comme un ascenseur au départ. Puis c’est une impression de grand vide... avant de plonger comme dans un trou sans fond. Tout le monde est malade, mais il faut bien rester sur le cargo ! Les heures sont interminables. La tempête redouble. Pas moyen de dormir, pas moyen de marcher, pas moyen de manger...

Le lendemain matin, les éléments se calment. Du ciel bleu apparaît.
Bientôt de blanches constructions se découpent à l’horizon. C’est la côte africaine. Quel soulagement quand le cargo entre dans les eaux tranquilles du port ! Les jeunes soldats sont en piteux état. Maintenant qu’ils sont sur la terre ferme, ils ont tous la curieuse impression que le sol n’est pas stable sous leurs pieds !
Au bout de quelques heures le voyage continue, mais en camion cette fois. Après cent cinquante kilomètres sous un soleil de plomb, on arrive dans un grand village. Une bonne nuit fait enfin disparaître le terrible mal de mer
L’atmosphère est lourde, dans le pays. On y sent de la crainte.
Parfois, de lointains coups de feu signalent une escarmouche. Souvent il y a des alertes. C’est la guerre, mais une guerre sans front, une guerre d’attaques-surprise dans les broussailles, de barrages inattendus au contour d’une route, une guerre qui use les nerfs et qui, comme d’habitude, fait mal des deux côtés...

Ce soir Jeannot dispose enfin d’un moment de tranquillité. Dans le dortoir voisin, ses camarades tentent de se distraire un peu en jouant aux cartes. Notre ami s’isole pour ouvrir sa Bible. Un petit agenda lui propose quelques versets pour chaque jour. Quel sera le texte aujourd’hui ?
Daniel, chapitre 3... mais... c’est justement l’histoire des compagnons de Daniel jetés dans la fournaise ! s’exclame Jeannot. Cela lui rappelle la conversation avec ses parents avant le départ. ll se trouve en plein danger, maintenant, mais s’il met toute sa confiance en son Dieu, comme les amis de Daniel, il peut être protégé. Ces trois hommes n’ont pas été épargnés de la terrible épreuve, mais la Bible dit qu’ils sont sortis de cette fournaise sans même avoir été atteints par l’odeur du feu.
— As de carreau ! entend-on dans la pièce voisine, tandis que, seul au pied de sa couchette, Jeannot recommande son sort à Celui qui sait protéger ceux qui se confient en lui.

Texte: Samuel Grandjean
Illustrations: Hélène Grandjean & Ariste Mosimann