Edica et Carmen

Genovieva 17e épisode

– Tu fais quoi, demain? demande Carmen à sa camarade Smaranda, en rentrant de l'école. Carmen a douze ans. Visage mince, cheveux noirs et bouclés: une fillette sympathique. Le coeur de Smaranda se met à battre très fort. "Je ne sais pas, je lirai!" pourrait-elle répondre, évitant ainsi les problèmes. Seulement Smaranda ne veut pas mentir.
Elle sait très bien ce qu'elle fera, mais aussi ce qu'elle risque, en donnant des détails. Si elle dit franchement qu'elle est membre du choeur de Sion, et qu'elle prendra part à ses activités, Carmen le répétera peut-être. A l'école, le maître le saura. Alors... Smaranda sera sûrement humiliée devant tous, battue même peut-être.
– Ecoute, Carmen! dit-elle résolument. Je fais partie d'un choeur d'enfants. Demain nous allons nous exercer pendant l'après-midi. Tu ne voudrais pas venir nous écouter?

Le lendemain, Carmen est à l'église. Elle ouvre de grands yeux. Elle écoute de toutes ses oreilles.
– C'est beau! dit-elle à Smaranda. Mais je ne comprends pas: quand ces chants parlent de Dieu ou de Jésus... ça veut dire quoi?

Jusqu'à présent, Carmen n'a jamais entendu ces noms. A douze ans, elle ne sait rien de Dieu, rien de Jésus non plus! Ses parents sont athées: ils ne croient en rien. Comment auraient-ils pu lui parler de son Créateur?
– Tu crois que je pourrais revenir écouter une autre fois? demande Carmen.
– Bien sûr! répond Smaranda toute contente. Si tes parents sont d'accord... Ainsi Carmen revient à l'église. Elle y amène aussi Edica, sa jeune soeur de dix ans.
– On va retrouver ma copine Smaranda! dit-elle à ses parents.

Les deux soeurs assistent à deux, puis à trois répétitions. Bientôt elles savent un chant presque par coeur.
– J'aimerais bien faire partie de la chorale, confie Carmen à son amie. Que faut-il faire pour y entrer?
– Ecoute, Carmen! Quand j'ai voulu devenir membre du choeur, on m'a demandé si je connaissais Jésus, si je lui avais ouvert mon coeur. Ce pas, je l'avais fait. C'est la première condition pour être accepté parmi les chanteurs.
– Je voudrais que Jésus soit aussi mon Sauveur! dit timidement Carmen. Mais... il faut faire comment?
– Au prochain exercice de chant, demande à la monitrice. Elle t'expliquera.

A la répétition suivante, une sympathique jeune fille parle avec Carmen et sa soeur Edica.
– Après un bon exercice, dit maintenant Genovieva, nous allons prier pour la soirée. Demandons à Dieu de nous aider, et de faire venir beaucoup de gens que ces chants pourront encourager.

Si ces enfants apprennent à chanter, ils apprennent aussi à s'adresser à Dieu. Ils ont bien besoin de lui, eux de qui l'on se moque si facilement à l'école. Ils prient donc tout simplement, à haute voix, l'un après l'autre. Et soudain ils entendent:
– Seigneur Jésus, j'aimerais te recevoir tout de suite. Viens habiter dans mon coeur! Moi, Carmen, je te donne mon coeur!
– Moi, Edica, aussi!
Les enfants continuent de prier, mais à présent, c'est pour demander à Dieu de bénir ces deux camarades. Une strophe de chant conclut ce moment de prière. Alors, spontanément:
– Bienvenue dans la famille de Dieu, Carmen et Edica! s'écrie un enfant. Et, dans un élan de joie, tous les jeunes chanteurs se mettent à taper des mains.

Mais un jour, les parents découvrent que les deux fillettes rencontrent Smaranda à l'église.
– Il faut arrêter cela, décident-ils alors. Si elles veulent croire en Dieu, ça nous est égal. Mais ici, c'est interdit! Nous aurons des ennuis!
– Papa... maman... permettez-nous de continuer! supplient les deux enfants. Ca nous fait tant de bien! Les parents reconnaissent qu'Edica et Carmen sont plus épanouies. Mais non, ils ne veulent rien entendre.

Le dimanche matin, les deux fillettes partent tout doucement, quand leurs parents dorment encore. Ils sont fatigués car le travail commence avant six heures tous les matins de la semaine. Au retour de l'église, c'est toujours la tempête. On gronde les deux enfants. On leur tire les cheveux, on les frappe, on leur fait des menaces:
– Et qu'on ne vous retrouve plus dans votre chambre en train de prier! Mais malgré tout cela, Carmen et sa petite soeur persévèrent. Elles ne voudraient pas faire de la peine à leurs parents, mais elles sont si heureuses, avec Dieu dans leur coeur. Elles veulent continuer. Tant pis pour les coups!
– Nous n'arrivons à rien, avouent les parents. Utilisons l'école... Pour aller en classe, comme tous les écoliers Carmen et Edica doivent porter l'uniforme. Sur la manche, il y a le numéro du groupe scolaire. Pour elles, c'est le 4. Et chacune a son propre numéro: le 800 pour Carmen, le 931 pour Edica.
– Faisons disparaître tous leurs autres vêtements! décident les parents. Elles n'oseront pas aller à l'église avec cet uniforme: c'est trop facile de les repérer, et de les dénoncer...

Le dimanche suivant, Genovieva voit arriver les deux fillettes dans leur tenue sco1aire! Remarquées à la sortie de l'église, elles sont signalées à la police! Le lendemain, à l'école, Carmen et Edica sont sévèrement punies. Elles doivent rester tout au fond de la classe. Et leurs camarades ont l'interdiction de leur adresser la parole. Vont-elles enfin abandonner? Non. Pendant cinq ans, Carmen et Edica ne manqueront pas un seul dimanche à l'église.

– Elles cachent peut-être un livre chrétien dans leur chambre, se disent les parents. Il faut le leur enlever! Carmen et sa soeur ont en effet reçu un livre. Il contient quelques belles histoires de la Bible, et de jolies pages colorées. Ce livre, c'est leur trésor. C'est le seul qu'elles possèdent. Un dimanche matin, avant de partir elles le cachent sous leur matelas. Puis elles prient pour que leurs parents ne le trouvent pas. Dieu va répondre à leur prière, mais pas comme elles le pensent.

– Je vais fouiller partout, se dit la mère de famille. Si elles cachent quelque chose, il faut que je le trouve! Voyons sous le matelas... Ah! je savais bien! Qu'est-ce que c'est que ce livre?

Nerveusement, elle commence par tourner les pages. Puis elle s'arrête sur une belle image: un troupeau, un berger. Elle se met à lire, et soudain... à pleurer! Alors, sans un mot, elle s'habille, sort, et se rend à l'église. Ce dimanche matin, pour la première fois elle entend l'Evangile. Touchée, elle ouvre aussi son coeur au Sauveur du monde. Tout va changer. Cette maman est devenue chrétienne. La ténacité des deux fillettes a porté son fruit.

Texte: Samuel Grandjean