Un très grand jour

Genovieva 6e épisode

– C'est ici, chuchote quelqu'un dans l'ombre. Regarde, on aperçoit les murs de la prison. La maison se trouve en face... oui, la voilà.
– Surtout, frappe doucement ! La porte s'ouvre...
– Entrez vite! souffle un jeune homme. Et déjà la porte se referme.

Il est bientôt neuf heures du soir. La nuit est tombée depuis un bon moment. Déjà la ville semble vouloir s'endormir. Mais au bout de cette rue, que se passe-t-il dans la dernière maison? Essayons de deviner...

– Bonsoir, Smaranda! Bonsoir, Ioan! On vous attendait. Soyez les bienvenus ! D'autres vont encore venir... Tenez, quelqu'un frappe!
– Oh, c'est Janica! Entre vite. Comment vas-tu?

– Très bien. Quelle bonne idée d'avoir organisé cette rencontre chez vous ce soir!
– Il fallait bien profiter de cette visite. Elles sont rares, mais si bienfaisantes!

Les réunions chrétiennes dans les maisons ne sont pas autorisées. On comprend pourquoi ces personnes sont arrivées si discrètement. Il y en a une vingtaine, ce soir... Le prédicateur danois s'est assis à la table familiale. Une jeune fille prend place à côté de lui. C'est Genovieva. Elle traduira, puisque ce croyant de passage s'exprimera en anglais.

– Chers amis, dit l'étranger, c'est une grande joie pour moi de passer cette soirée avec vous!
– Chers amis, répète Genovieva dans sa belle langue roumaine. Je suis heureux d'être avec vous ce soir. C'est un bon exercice pour la jeune étudiante. Elle doit se concentrer, comprendre le sens exact de chaque phrase, puis répéter fidèlement dans sa langue maternelle. Parmi toutes les personnes réunies, c'est donc elle qui va devoir écouter le plus attentivement.
– J'aime tous les chrétiens du monde, dit maintenant l'orateur, mais j'ai une affection particulière pour ceux qui sont persécutés à cause de leur foi. Si je pouvais donner ma vie pour mes frères de Roumanie, je crois que je le ferais... Genovieva est très touchée en traduisant cela. Mais déjà le prédicateur poursuit:
– Hélas, cela ne servirait pas à grand-chose. Mais que lisons-nous dans l'Evangile de Jean, chapitre 15, verset 13? Le Danois feuillette son Nouveau Testament. Genovieva fait de même. Et bientôt, à son tour, elle lit:
– Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis.

– Qui a dit cela? continue l'orateur, c'est Jésus-Christ lui-même. Il nous appelle ses amis. Il a donné sa vie pour vous qui écoutez, pour moi qui vous parle, pour la jeune fille qui traduit. Il est mort sur une croix à cause de nos péchés. Cela, nous pouvons le savoir dans notre tête seulement, et rien ne change dans notre existence. Mais on peut aussi l'accepter tout au fond de son coeur. Alors nous recevons le pardon de nos péchés et la certitude d'être un jour accueillis dans le ciel. Une vie nouvelle commence. Oui, on est devenu comme une créature toute neuve. Ce soir, chers amis roumains, je voudrais être sûr que vous ayez accepté le pardon de Dieu. Moqueries, solitude, persécutions ou pas, ce qui compte, c'est de pouvoir un jour entrer dans le ciel... En être exclu, cela comptera aussi, mais il sera trop tard. L'orateur continue de parler. Genovieva continue de traduire...

– La croix... Jésus nous a aimés à ce point. L'avez-vous bien compris? Ne me répondez pas à moi, mais à lui. A présent, je me tais pour que vous puissiez lui parler, oui, vous, maintenant.

Le prédicateur danois s'est tu. La traductrice aussi. Et pourtant, jamais comme à présent elle n'a pareillement éprouvé le besoin de parler... à son Dieu. Des parents chrétiens, c'est merveilleux, mais cela ne lui suffit plus. Elle veut être vraiment chrétienne, elle aussi. Elle a compris. Jésus-Christ attend sa réponse. Alors, sans que personne entende, du fond de son coeur, elle la lui donne:

– Sauve-moi, Seigneur Jésus. Pardonne mes péchés. Fais de moi une nouvelle créature, et conduis ma vie avec toi! Sans que personne entende?... Mais quelqu'un vient d'entendre. Qui? Jésus Christ, le Sauveur. Ainsi, pour Genovieva, une simple soirée de traduction est devenue le soir de la grande rencontre de sa vie.

Le lendemain matin, la jeune étudiante va se réveiller comme d'habitude. La couleur de ses yeux n'aura pas changé, le décor familial non plus. Et pourtant, à partir de ce jour, tout sera différent. Désormais, Jésus est son Sauveur. On continuera sûrement de ridiculiser Genovieva parce qu'elle est chrétienne, on la persécutera peut-être, mais au moins, elle saura pour qui elle souffre.

Texte: Samuel Grandjean