Aracy 14 - Sur la plage

Rarement comme cette année, Aracy s'est tant réjouie des vacances de Noël. Elle a onze ans, maintenant, mais jamais encore elle n'a vu la mer. Et c'est décidé: toute la famille passera une semaine au bord de l'océan. Il faut dire qu'au Brésil, décembre-janvier c'est la période des fortes chaleurs.
- Que c'est grand, que c'est beau! s'exclame notre petite amie quand elle découvre l'immense horizon bleu et la merveilleuse plage de Caraguatatuba. Dona Loide et M. Orlando ont à peine déployé la couverture sur le sable doré, et Myrte, leur fille cadette, n'a pas fini de rassembler les affaires de pique-nique, que déjà la petite Indienne s'élance vers l'eau étincelante.
- Quel délice de longer la plage en courant sur le sable mouillé! s'écrie Myrte un peu plus tard. Allons-y ensemble, Aracy!

Bientôt, les deux sœurs gambadent. Elles jouent à éviter de justesse le feston argenté des vagues qui viennent mourir sur le sable.

Parfois, la nappe d'eau va plus vite qu'elles et recouvre leurs pieds. Alors, elles pataugent et s'éclaboussent joyeusement. Puis elles repartent pour se faire surprendre à nouveau par le dernier élan d'une vague…

A présent, Aracy et sa grande sœur affrontent les rouleaux d'écume qui les bousculent et les rejettent vers le bord.
- Attention! En voilà une grosse! crie Myrte en éclatant de rire.
- Oh! elle est haute! s'exclame alors une Aracy bien fragile face à la montagne d'eau qui avance vers elle.

Mais la petite Indienne ne va pas se laisser prendre. Hop! elle plonge… et réapparaît bientôt derrière la redoutable vague. A présent, elle jubile et se prépare à de nouveaux exploits…

Enfin, essoufflée et ruisselante, Aracy sort de l'eau. Sa belle peau cuivrée fait un joli contraste avec son maillot vert. Pour rejoindre les siens, l'enfant passe près d'un groupe de baigneuses qui se rôtissent au soleil.
- Dites, vous avez vu cette petite? souffle l'une d'elles. Comme elle est brune, et quels beaux cheveux noirs!
- C'est peut-être une Indienne…
- Vite, mon appareil! Je vais la prendre en photo!

Aracy est surprise par un petit déclic, mais elle n'y prête guère d'attention.
- C'est fantastique! dit-elle en s'ébrouant près de ses parents, tandis que Myrte nage encore. Mais à présent… j'ai terriblement faim!
- Et bien, regarde! Le pique-nique est tout prêt. Tu vas te régaler.

Après de bons sandwiches et des cuisses de poulet, il y a des goyaves et des mangues si désaltérantes. Et puisqu'il fait si chaud, Aracy peut aller s'acheter deux boules de glace aux parfums qu'elle préfère.
- Tiens! Renvoie-le-moi! crie un jeune garçon en faisant rouler jusque vers la fillette son gros ballon de plage.

Docile, quoique assez réservée, notre petite amie obéit, tandis que d'autres enfants s'approchent d'elle.

Ils la regardent longuement, la dévisagent même, puis cherchent le contact, veulent jouer avec elle. Mais Aracy paraît plutôt gênée…
- Un instant, les enfants! dit soudain un touriste. Restez là comme vous êtes. Je vais prendre une photo… voilà, c'est fait! Juste encore une… toi, la petite, mets-toi là, tu veux? … merci!

Pourquoi cet homme a-t-il pris un gros plan du visage d'Aracy? C'est que cette frimousse a quelque chose de différent des autres: un air très doux et sauvage à la fois. Sait-il qu'il a photographié une petite Caiua, enfant de la grande forêt vierge?
Près du marchand de glaces, un nouveau déclic a surpris la fillette. Et maintenant que la famille quitte la plage, il y en a encore d'autres.
- Mais que veulent tous ces gens, avec leurs photos? se demande Aracy, mal à son aise.
- Ils ne veulent que ton beau visage d'Indienne, ma chérie! doit lui expliquer Dona Loide. Mais ils ne s'inquiètent pas de savoir si cela t'embarrasse. Tu sais, certains "civilisés" ont parfois fait preuve de tant d'audace qu'il a fallu élever des barrières protectrices autour des Indiens. C'est pour cela qu'il y a des réserves. Là, il est interdit de pénétrer et de prendre des photos. Ah! nous sommes bien tranquilles dans la nôtre, à Dourados!

Les vacances sont finies. A la station missionnaire, Aracy est tout heureuse de se retrouver loin des regards indiscrets.

En classe, elle s'applique. A l'école du dimanche, quelle attention, surtout depuis qu'elle a reçu comme cadeau d'anniversaire une Bible pour elle toute seule.

A onze ans, et même plus tôt déjà, on peut aimer la Parole de Dieu. Aracy note l'adresse de versets qu'elle retrouve avec joie dans sa Bible. Parfois, on lui demande d'en chercher pour les lire à ses camarades. Souvent, on l'interroge. Et la fille du directeur de la station ne veut pas être confuse. Alors elle écoute encore plus que les autres tout ce qu'on dit de la Bible. Elle sait déjà plusieurs versets par cœur. "Heureux ceux qui écoutent la Parole de Dieu, et qui la gardent" lisons-nous dans l'évangile de Luc, chapitre 28, verset 11.

Que fera notre jeune Indienne quand nous la retrouverons? A voix basse, elle confiera un grand secret à quelqu'un. Mais chut! c'est un secret!

Texte: Samuel Grandjean