Aracy 8 - Qu'est devenue la maman d'Aracy?

- Alors, Docteur ¨demande le responsable de la station missionnaire, que pensez-vous de la petite Aracy?
- Je ne ais pas encore ce qu'elle a, Monsieur Orlando, mais je me demande si elle sera encore en vie dans un mois…
Il n'y a rien à faire?
- … Pour l'instant, c'est surtout sur le plan alimentaire qu'on peut agir!
- nous allons la suivre de près! décident M. Orlando et sa femme Dona Loide.
- Achetons-lui chaque jour de la viande. Ca va la remonter un peu. Elle en a bien besoin!

Ce "traitement" fortifie en effet la petite Aracy.
- So'o… so'o! dit-elle chaque fois q'elle voit M. Orlando s'approcher d'elle.
- So'o… so'o! répondit-il, radieux. Si tu manges tout ça, tu vas reprendre des forces!
- Aracy fait des progrès! annonce partout l'infirmière, un mois plus tard. Regardez! Elle commence à bien se tenir sur ses jambes!
- So'o… so'o! entend un beau matin Dona Loide près de sa fenêtre.

Surprise, elle regarde dehors…
Oh! C'est toi, Aracy! s'exclama-t-elle alors. Tu as pu marcher jusqu'ici. Bravo! Viens, que je t'embrasse! dit-elle en caiua.

- C'est plus facile d'avoir de la viande chez M. Orlando! constate très vite la petite. Alors régulièrement… elle arrive chez ses grands amis!
- So'o.. so'o! devient presque une salutation.

Dona Loide sait très bien qu'en caiua ces mots veulent dire "viande". Mais pour elle, derrière ces syllabes se cache toute une longue phrase:
- Bonjour, Dona Loide! Tu me donnes de la viande comme hier, s'il te plaît, Dona Loide!
- Elle reprend, cette petite! peut enfin dire le médecin. C'est comme une plante qui aurait manqué d'eau, et dont les feuilles se redressent enfin après une bonne averse!

Ce matin, dans la "chambre" de l'hôpital, une malade s'approche de l'enfant. Cette Indienne aussi parle caiua. Aracy comprend donc tous ses mots.
J'ai connu une femme qu'on a soignée ici! dit l'Indienne. Elle venait d'assez loin. Elle toussait beaucoup. Elle restait toujours couchée. Elle s'appelait Iracema…

Pour ne pas perdre un mot, l'enfant ouvre toutes grandes ses oreilles. Mais soudain y pénètre une phrase vraiment terrible :
- Ko-va kunhã asy eterei, omano co-a-py! Cette femme était gravement malade. Et puis, elle est morte ici!

Iracema, c'est le nom que portait la maman d'Aracy! On l'avait donc emmenée dans cet hôpital, et c'est là qu'elle a cessé de vivre il y a quelques mois, quelques semaines peut-être. Quel choc pour Aracy!

Le visage de l'enfant soudain s'est assombri. On y lit même une certaine frayeur…
- C'est peut-être elle qui a tué ma mère! pense la petite. Oui, oui, c'est sûrement elle!

La malade n'y est évidemment pour rien, puisque la mère d'Arac est morte tuberculeuse. Mais… si seulement l'Indienne s'était tue!

A présent, Aracy se sent plus étrangère que jamais. Elle se croit entourée d'ennemies, dans cette chambre. Ah! comme elle a besoin de se réfugier souvent chez Dona Loide et M. Orlando! Bientôt, ils lui offrent même de la prendre chez eux! Ah! quelle joie pour l'enfant!

- Aïe! laisse tout à coup échapper la petite Aracy, tandis que Dona Loide la savonne délicatement sous la douche.
- Mais je ne t'ai pourtant pas fait mal! s'étonne la missionnaire. Qu'est-ce que tu as? Montre! dit-elle en soulevant le petit bras. Oh! ma pauvre Aracy! tu peux bien souffrir, avec cette grosse boule sous ton bras. On va montrer ça au docteur!

Alerté, le médecin examine l'aisselle…
- Cette glande si enflée peut être un signe de tuberculose ganglionnaire! Un petit prélèvement pour des analyses nous permettra de savoir quel traitement entreprendre!

Pauvre enfant! Quand on veut lui faire une anesthésie locale, elle meurt de peur, imaginant qu'elle ne se réveillera plus jamais!
- Au revoir, Dona Loide! Bon voyage ! entend-on ce matin au portail de la Mission Calua.

La femme de M. Orlando partirait-elle en vacances? Oh, non! Elle se passerait volontiers de ce voyage à Brasilia, la capitale.
- Tu vas faire quoi? lui a demandé Aracy.
- Toutes sortes de démarches administratives pour notre mission. Et puis, surtout, j'emporte ce que le docteur a pris dans ton bras. Là-bas, des analyses seront faites pour qu'on sache quels remèdes te donner.

Brasilia… quel voyage! Il faudra plusieurs jours seulement pour y aller. Et comme Dona Loide profitera de ce déplacement pour régler beaucoup de choses, c'est finalement pour une absence de deux mois qu'elle quitte la station missionnaire.

Que deviendra la petite Aracy, pendant ce temps? Chez M. Orlando personne ne parle caïua, sauf Dona Loide! Aracy devra-t-elle retourner à l'hôpital, vers l'Indienne qu'elle déteste?

Texte: Samuel Grandjean