La femme adultère pardonnée par Jésus et les manuscrits du Nouveau Testament

Question

Pouvez-vous me dire comment il est possible qu'une association soit capable de retirer un passage des Écritures, en l'occurrence Jean 8:1-11 sans que lui soit appliqué les derniers mots du dernier livre de la Bible, l'Apocalypse 22:18-19.
Merci pour votre attention.

FAQ-336 la  femme adultère pardonnée

Réponse

Je comprends votre grand étonnement ! Ce n'est certainement ni intelligent ni prudent de retirer ce texte purement et simplement de la Bible. Pourtant, il faut le savoir, ces versets ne se trouvent pas dans certains manuscrits, jugés importants et très anciens.

Unité étonnante des milliers de manuscrits du Nouveau Testament

Aujourd'hui, nous avons accès à une collection impressionnante de plusieurs milliers de manuscrits et fragments du Nouveau Testament. Au fil du temps, jusqu'à l'invention de l'imprimerie au 15e siècle, et même ultérieurement, les textes des Évangiles et des apôtres ont été recopiés à la main, certes avec précision et minutie. Mais en comparant tous ces manuscrits retrouvés en Occident, en Orient, en Israël, en Égypte et ailleurs encore, il n’est pas étonnant d’y découvrir certaines erreurs de copistes et quelques variantes. Cependant, les spécialistes sont d'accord pour dire que plus de 95% d'entre eux forment une unité étonnante !

Sans trop entrer dans des détails techniques, nous pouvons distinguer deux grandes familles de manuscrits grecs du Nouveau Testament:

A
- Le "texte majoritaire" ou byzantin correspond à celui qui est conservé dans la majorité des manuscrits grecs connus aujourd'hui, datés essentiellement des 5e au 12e siècles.
- Le "Textus Receptus" ou "Texte reçu" est le texte grec élaboré et imprimé par Érasme au 16e siècle à partir de quelques manuscrits de ce texte majoritaire auxquels il avait accès. Il a été utilisé par les réformateurs protestants pour leur traduction de la Bible et constamment révisé jusqu'au 20e siècle.
En français, la Bible d'Olivetan, la Bible de Genève, la Bible Martin et la Bible Ostervald reposent sur le texte reçu, ainsi qu'en anglais la traduction "King James".

B
- Le "texte alexandrin" s'appuie sur des manuscrits plus anciens que le texte majoritaire puisque les codex Vaticanus et Sinaïticus datent du 4e siècle. Toutefois, ils ont été découverts au 19e siècle seulement, donc après trois siècles de circulation du Texte reçu. La plupart des versions modernes de la Bible se basent sur ce texte, conservé aujourd'hui sous forme imprimée dans le Nestlé-Aland.
La Bible de Jérusalem, la Bible Crampon, la Bible des Moines de Maredsous, la Bible Liénart, la Bible TOB, la Bible Synodale, la Bible Darby, la Bible Segond, la Bible à la Colombe, la Bible du Semeur, la Bible Bayard et la Bible en Français Courant reposent sur cette source.

La collecte, la datation et la comparaison des manuscrits ont donné lieu au développement d’une science que l’on nomme "critique textuelle du Nouveau Testament". La très grande majorité des variantes concerne avant tout des mots ou des éléments de phrases et, le plus souvent, ne change pas le sens du texte.

Qu'en est-il alors du texte de la femme adultère ?

La difficulté du texte de Jean 7:53 à 8:1-11, la femme adultère, vient du fait qu'il ne se trouve ni dans le codex Sinaïticus ni dans le codex Vaticanus. En revanche, on le trouve dans un codex du 5e siècle et dans le texte majoritaire.
Examinez sur internet l’article Wikipédia: Jésus et la femme adultère "Études des différents Codex"
La même difficulté existe également pour la fin de l'Évangile de Marc 16:9-20.

Autour de ces différents manuscrits, les adeptes du texte majoritaire et ceux du texte alexandrin débattent et s'accusent parfois mutuellement de retrancher ou au contraire d'ajouter à la Parole de Dieu. Des argumentaires importants se trouvent des deux côtés. Cependant, aucun des groupes de manuscrits ne remet en question les doctrines essentielles de la foi chrétienne.
Par ailleurs, il est très intéressant de constater que même les nouvelles traductions qui s'appuient avant tout sur le "texte alexandrin" n'ont jamais supprimé, mais toujours intégré les textes de Jean 7:53 à 8:11 de la femme adultère, ainsi que la fin de l'évangile selon Marc. Mais s’ajoutent des notes explicatives en bas de page, par exemple:

Note de la version Semeur
Les versets 7:53 à 8:11 sont absent des manuscrits les plus anciens, quelques manuscrits les situent ailleurs à la fin de l'évangile ou après Luc 21:38

Notes de la version Louis Segond 1955
La plupart des anciennes autorités omettent le passage 7:53-8:11. Les manuscrits qui le contiennent diffèrent un peu.

Notes de la version Français courant
Le passage 7:53-8:11 ne se trouve pas dans les manuscrits les plus anciens et les versions latine, syriaque, …etc.

Notes de la version Bible Chanoine Crampon
53 Avec ce verset commence l'épisode de la femme adultère (7:53-8:11) qui ne figure ni dans les manuscrits les plus anciens ni dans les vieilles versions et qui se lit, dans certains manuscrits, après Luc 21:38. On remarquera que si l'authenticité johannique est plus que douteuse, ce récit n'en fait pas moins partie des Écritures canoniques.

Pour la Segond 21
Il est intéressant de constater que les traducteurs ont le plus souvent fait le choix d'intégrer les textes majoritaire en plus des minoritaires, avec des crochets [ ... ] signalant ainsi les passages ou mots absents des manuscrits importants.

J'espère que cela vous aide à comprendre les difficultés présentées par ce passage biblique. Quel que soit notre avis, nous devons aborder ces sujets complexes avec humilité et respect.
Prions pour les érudits qui se penchent sur les manuscrits, les papyri, les onciaux, qui étudient les langues anciennes, l'hébreu, le grec, le syriaque, etc. avec l'objectif de déterminer le texte original biblique avec le plus grand degré d'exactitude possible, et particulièrement là où se posent encore des questions.

Je vous encourage à creuser ce thème des manuscrits et de la traduction de la Bible, un sujet important et passionnant. Il nous relie avec les racines de la foi chrétienne et nous montre qu'à travers tous les siècles, le texte a été merveilleusement transmis par une foule de témoins: ainsi la Bonne Nouvelle du salut en Jésus-Christ a pu parvenir jusqu'à nous.

Méditation concernant le passage de Jean 8:1-11

Mis à part les considérations techniques, ce récit de la femme adultère n'est-il pas riche en enseignements, sur la loi & la grâce, en harmonie avec le reste du Nouveau Testament ? C'est un texte très connu, car il interpelle les consciences, il touche nos cœurs. Beaucoup de peintres ont travaillé ce sujet, ont illustré cette scène si émouvante et d'une tension extrême ! Les pharisiens, en pointant la faute de la femme, n'ont qu'un seul but: tendre un piège à Jésus pour l'accuser… mais Jésus ne répond pas à leur question. Puis, après un suspens rare dans les évangiles, Jésus retourne la situation en inversant la charge de l’accusation: «Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle». Les accusateurs se retirent un à un… pendant que Jésus écrit quelque chose sur le sol,… (ce qui fait écho à Jérémie 17:13, je vous laisse découvrir !) - Ils s’en vont tous, laissant Jésus seul avec la femme. Jésus pardonne cette femme, lui rend sa dignité et l'exhorte à ne plus pécher: une nouvelle vie s'ouvre à elle !

Que le Seigneur vous bénisse et vous accorde sa paix !

Franziska von Känel

Info et sources

Univers de la Bible
La Bible Française: une traduction ... mais de quel texte ?

Bible & Co / Timothée Minard
Le « Texte majoritaire » et la question du texte original du Nouveau Testament

Codex Sinaiticus du 4ème siècle rédigé en grec considéré comme la plus ancienne Bible connue, 
retrouvé au 19ème siècle dans le monastère Sainte-Catherine, sur le Mont Sinaï.
Le texte entièrement numérisé est consultable à l'adresse: www.codexsinaiticus.org
En Jean 7:52 à 8:12, on voit l'absence du texte de la femme adultère

Dr. Roger Liebi
Geistliche Kostbarkeiten aus dem Mehrheitstext