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1 - Jérémie le prophète (1/6)

Philippe Favre

Introduction

Pourquoi se pencher sur les livres prophétiques de l'Ancien Testament et pourquoi s'arrêter sur celui de Jérémie? Parce que la situation du monde d'aujourd'hui – accroissement de la violence et de la corruption, dénigrement des droits, tolérance du mal, déviations religieuses – ressemble étrangement à la société juive d'alors. Les prophètes ont été appelés par Dieu après la double faillite de la sacrificature et de la royauté (cf. 1 Samuel 1 à 4 et 1 Rois 11). Derniers témoins du Ciel avant l'arrivée du Messie, ils annoncent un message qui comporte des menaces de jugement sur le péché, des exhortations à la repentance et des promesses de restauration nationale.

Lorsque nous abordons la partie prophétique de l'Ancien Testament, nous trouvons en tête les noms d'Esaïe, Jérémie, Ezéchiel et Daniel, surnommés communément «les grands prophètes», en opposition avec les douze autres «petits prophètes». Pourtant tous ont eu un rôle à jouer à un moment déterminant de l'histoire d'Israël.

Résumons dans l'ordre chronologique: Joël commence en décrivant l'invasion de sauterelles (image de l'armée assyrienne); puis Amos, Michée et Esaïe suivent en dénonçant l'apostasie, l'idolâtrie et l'hypocrisie d'Israël, alors que les nuages s'amoncellent à l'horizon. Osée et Jonas prophétisent lorsque le royaume du Nord (les 10 tribus d'Israël) est sur le point de tomber sous les coups des Assyriens. L'un reproche à Israël son infidélité et l'autre à Ninive sa méchanceté. Nahum apparaît et prononce ses oracles sur Ninive qui va être prise par Nebucadnetsar. Plus tard, tandis que le royaume de Juda succombe sous les assauts des Chaldéens, Jérémie, Habakuk et Sophonie le soutiennent dans cette effroyable catastrophe en suppliant le peuple rebelle de revenir à Dieu.

Après la destruction de Jérusalem, Abdias élève sa voix solitaire contre Edom. Puis durant la captivité, Ezéchiel et Daniel affirment les droits de Dieu sur cette terre, devant les leurs et devant leurs oppresseurs. Et lorsque s'accomplit le retour de l'exil, Aggée, Zacharie et Malachie reçoivent la mission de secouer la torpeur du peuple, d'annoncer le jugement des nations et le rétablissement d'Israël, de condamner le formalisme des sacrificateurs sclérosés dans leurs fonctions et la superficialité d'un peuple qui déshonore Dieu dans la famille et dans le culte.

Revenons aux quatre premiers noms au sujet desquels F. Godet a écrit: «On peut comparer Esaïe à un chêne majestueux ombrageant de ses rameaux touffus le palais des rois de Juda au temps de sa splendeur. Jérémie ressemble à un saule pleureur dont les branches pendent sur le sol au milieu des ruines de ce château désolé. Ezéchiel fait l'effet d'une de ces plantes aromatiques de l'Orient dont les vivifiantes senteurs embaument la contrée et raniment le cœur du voyageur défaillant. Daniel est comme un arbre qui s'élève au milieu d'une vaste plaine et que l'on discerne de toutes parts; c'est le signal au moyen duquel la caravane peut s'orienter dans sa marche.»

Il est aussi intéressant de mettre Esaïe et Jérémie face à face. Les deux ont vécu dans la compagnie de rois de Juda, à un siècle d'écart. Esaïe a vu Jérusalem délivrée de l'Assyrie sous Ezéchias; Jérémie a vu Jérusalem détruite par Babylone sous Sédécias. Le premier, témoin de la décadence du peuple, annonce un Dieu saint qui ne tolère pas le péché (Esaïe 1.16-20). Le second, témoin de la chute irrémédiable du peuple, annonce un Dieu juste qui frappe le pécheur (Jérémie 5.6-9).

Si la vie d'Esaïe nous est peu connue, celle de Jérémie transparaît au travers de toutes les pages du livre et permet de comprendre le drame qui se joue sous ses yeux. Sa personne et son ministère sont étroitement liés. Son nom signifie «celui que Dieu a établi» ou «l'Eternel est élevé». Jérémie est né à la fin du règne de Manassé, a grandi sous celui d'Amon et celui de Josias. Fils du sacrificateur Hilkija – de la ville d'Anathoth, habitée principalement par des familles d'anciens sacrificateurs (cf. 1 Rois 2.26) – il a commencé de prophétiser la 13e année du règne de Josias (628 av. Jésus-Christ), à l'âge probable de 20 ans. Les deux hommes avaient sensiblement le même âge. Animés d'un même zèle pour l'Eternel, ils vont servir Dieu et collaborer pendant dix-huit ans. Le point commun qui rapproche ces hommes si différents – Josias hardi, Jérémie craintif – est leur détermination à faire la volonté de Dieu d'un cœur tout entier. On le voit bien pour Josias, lors de la découverte du livre de la loi dans le Temple cinq ans plus tard: «Josias fit disparaître toutes les abominations de tous les pays appartenant aux enfants d'Israël, et il obligea tous ceux qui se trouvaient en Israël à servir l'Eternel, leur Dieu. Pendant toute sa vie, ils ne se détournèrent point de l'Eternel, le Dieu de leurs pères» (2 Chroniques 34.33).

Revenons à Jérémie: l'homme est sensible, impressionnable, prompt à la réplique (cf Jérémie 37.4), endurant dans la souffrance morale et physique. Son caractère est marqué par des contrastes. C'est un homme qui pleure, mais c'est aussi un homme qui tonne! Les sacrificateurs d'Anathoth sont parmi ses premiers adversaires car son message dérange. Il en aura beaucoup d'autres, car tout au long du livre, Jérémie prêche dans un climat hostile qui ira en augmentant. Le prophète reste fidèle malgré les calomnies et les persécutions de toutes sortes, et il s'en remet au jugement de Dieu. Resté célibataire sur l'ordre de l'Eternel (16.1-2), il connaît une solitude implacable, mais un feu dévorant brûle dans son cœur et il ne peut le contenir (20.9).

Le ministère de Jérémie a duré près de 50 ans pendant lesquels il a dénoncé sans défaillance et sans indulgence sous cinq rois et un gouverneur l'infidélité obstinée de Juda et son jugement imminent. Témoin de quatre invasions étrangères et de trois déportations successives en Babylonie, il a subi le long siège de Jérusalem, pendant la seconde moitié duquel on l'a jeté en prison. Quelques commentateurs pensent que le «prophète» (cf Jean 1.21; 6.14; 7.40), c'est Jérémie. En tout cas, lorsque Jésus pose la question: «Qui dit-on que je suis ?», les disciples désignent Jérémie dans leur réponse, avec Elie et Jean-Baptiste (Matthieu 16.14). La foule du temps de Jésus, passive et attentive à la fois, avait fait un rapprochement entre Jésus et Jérémie; une opposition larvée et persistante qui éclata sous plusieurs formes violentes contre Jérémie (28.10; 37.16; 38.6), une opposition larvée et persistante jusqu'à la croix contre le Seigneur Jésus (Marc 3.6; Luc 13.31; Jean 11.53). Entraîné de force en Egypte, Jérémie y mourut probablement à l'âge de 70 ans.

La tradition rapporte qu'Esaïe fut scié (cf Hébreux 11.37) dans un tronc d'arbre creux où il s'était réfugié alors qu'il était poursuivi par Manassé, le grand-père de Josias. De la mort de Jérémie, nous ne savons rien, sinon que c'est loin de son pays qu'il disparut, dans cette Egypte dont Dieu avait dit: «Vous ne retournerez plus par ce chemin-là» (Deutéronome 17.16). Ici nous voyons un dernier trait paradoxal de la vie et du ministère de ce grand serviteur de l'Eternel dont le professeur Moorehead a dit: «Ce fut le lot de Jérémie de prophétiser en un temps où toutes choses, en Juda, couraient à la catastrophe lamentable et finale, lorsque l'excitation politique était à son apogée et lorsque les pires passions agitaient les clans où les conseils les plus fatals prévalaient. Il lui fut demandé d'être debout dans le chemin que la nation fuyait pour sa destruction, de faire un effort héroïque pour l'arrêter, de faillir dans cette tâche et de voir son propre peuple – qu'il aimait avec la tendresse d'une femme – plonger dans le précipice et dans la ruine la plus inexorable.»

Après cette courte introduction, j'aimerais voir avec vous les 6 divisions suivantes, contenues dans les versets 1 à 3 du chapitre 1:

  • La vocation de Jérémie
  • L'époque de Josias, l'énergique
  • L'époque de Jojakim, le rebelle
  • L'époque de Sédécias, le faible, 1ère partie
  • L'époque de Sédécias, le faible, 2e partie
  • Après la destruction de Jérusalem

La vocation de Jérémie (Jérémie 1)

Lorsque Dieu appelle Jérémie, Josias – le dernier roi pieux de la lignée de David – est en pleine offensive pour purifier le pays des idoles innombrables qui le remplissent (2 Chroniques 34.3-7). Jérémie, enseigné par son père Hilkija, n'était pas avec lui. Ignoré de tous, d'un naturel réservé, il gardait sa foi pour lui tout en approuvant l'action de Josias qui, intrépide et inflexible, renversait les idoles jusqu'à les réduire en poussière (cf v. 4). Mais Josias ne peut pas demeurer plus longtemps seul dans la bataille, car il ne suffit pas de supprimer les idoles, il faut regagner le cœur du peuple à Dieu, ce qui est beaucoup plus difficile tant le péché sous toutes ses formes a prise sur lui. L'homme que Dieu choisit pour cette tâche immense n'est pas un ambitieux, c'est Jérémie le modeste. Qui de nous aurait agi ainsi? Ne sommes-nous pas portés vers ce qui frappe les regards, rassure par des airs confiants ou conquérants, enthousiasme par des démarches hardies et originales? «L'Eternel regarde au cœur», a-t-il dit à Samuel qui se trompait sur la pensée de Dieu en considérant la stature d'Eliab (1 Samuel 16.7). Nous avons ici quelque chose d'élémentaire, mais d'important à retenir en une époque où tout le poids est mis sur l'homme, ses facultés et ses capacités. Si nous laissons Dieu régner sur nos cœurs et nos pensées, nous pourrons dire comme Jérémie : «La parole de l'Eternel me fut adressée» (1.4). Ce qui nous est rapporté ensuite, dans ce face à face très sérieux, fait penser à la rencontre de Moïse avec Dieu au désert, dans le buisson ardent. Même intimité, même intensité, même irrévocabilité.

Quand Dieu a quelque chose à nous communiquer, il apparaît dans sa gloire, embrasse le temps dans son entier et laisse une marque définitive sur l'instrument choisi. Ici, c'est la bouche de Jérémie qui est touchée par la main de l'Eternel. Son ministère en portera la trace du commencement à la fin.

L'appel au ministère, versets 4-10

Nous avons trois mouvements: un passé connu (v. 4-5) – un avenir défini (v. 6-7) – un présent impérieux (v. 8-10).

Un passé connu: «Avant que je t'aie formé dans le ventre de ta mère, je te connaissais, et avant que tu sois sorti de son sein, je t'avais consacré, je t'avais établi prophète des nations» (v. 5). Merveilleuse déclaration! Dieu se présente non seulement comme l'auteur de la vie physique de la conception à la mort, mais comme le «père des esprits» (Hébreux 12.9) qui connaît d'avance la personnalité qu'il va façonner, et comme un souverain qui choisit et établit un chef sur ses sujets avant que personne ne l'ait vu et n'ait eu le temps de porter un jugement critique ou flatteur sur lui. Courbons-nous et adorons ce Dieu dont les projets sont sûrs et vont au-delà de ce que nous pouvons penser ou imaginer. «Dieu n'est point un homme pour mentir, ni fils d'un homme pour se repentir. Ce qu'il a dit, ne le fera-t-il pas? Ce qu'il a déclaré, ne l'exécutera-t-il pas?» (Nombres 23.19). Quelle assurance, chers lecteurs, de croire et comprendre cela en un temps de désarrimage individuel et collectif sur tous les points: familial, religieux, social et politique. Oui, Dieu n'a pas changé, il vous connaît dès l'éternité et veut vous employer selon son plan.

Un avenir défini: A l'ouïe de ces paroles, Jérémie répond: «Ah. Seigneur Eternel! voici, je ne sais point parler, car je suis un enfant» (v. 6). Cette objection nous fait de nouveau penser à Moïse en Exode 4.10, mais Jérémie ne s'obstine pas et l'Eternel peut lui dire: «Tu iras vers tous ceux auprès de qui je t'enverrai, et tu diras tout ce que je t'ordonnerai» (v. 7). Considérez comment Dieu met de côté la protestation d'inefficacité et comment il ramène le calme dans l'âme bouleversée de Jérémie. Ce qu'il aura à proclamer découlera de sa communion avec Dieu, d'une claire vision du travail et d'une force irrésistible. C'est pourquoi il n'omettra rien des ordres et tous seront atteints. Dieu n'œuvre pas à moitié et ne parle pas à voix basse.

Un présent impérieux: «Je suis avec toi pour te délivrer... Je mets mes paroles dans ta bouche... Je t'établis aujourd'hui sur les nations et sur les royaumes» (v. 8-10). La mission confiée au prophète comporte quatre actions négatives: arracher, abattre, ruiner et détruire; et deux actions positives: bâtir et planter. Quel programme pour un jeune homme de 20 ans! Le Dieu qui l'envoie est le Dieu d'lsraël et le roi des nations (cf. Jérémie 10:7). Pour Jérémie, israélite pieux, élevé dans la sacrificature, enfermé dans l'étroite vision du peuple élu, c'est un monde nouveau qui s'ouvre. Il a la révélation de la grandeur illimitée de Dieu: «Car l'Eternel étend ses regards sur toute la terre, pour soutenir ceux dont le cœur est tout entier à lui» (2 Chroniques 16.9). Tout en restant un vrai patriote, il sera purifié de l'esprit nationaliste qui caractérisait Jonas et pourra annoncer courageusement les terribles prophéties de jugement sur Juda et les autres peuples.

La confirmation de l'appel versets 11-19

Ce premier dialogue est appuyé par deux visions: celle de la branche d'amandier qui démontre que Dieu veille sur sa parole pour l'exécuter, et celle de la chaudière bouillante, symbole du châtiment divin sur le pays par les Chaldéens; ces derniers, originaires de la Babylonie du sud, race dominante dans le nouvel empire formé par Nebucadnetsar (v. 11-14). Puis Dieu expose sa volonté (v. 15) et la cause de cette décision (v. 16). Quel choc pour Jérémie qui apprend subitement la prochaine invasion de son pays et la destruction de sa capitale! C'est pourquoi Dieu enchaîne tout de suite avec un ordre: «Ceins tes reins, lève-toi» (v. 17), une garantie: «Je t'établis en ce jour» (v. 18) et une promesse: «Je suis avec toi pour te délivrer» (v. 19). Ainsi l'engagement de Dieu est total dans cette entreprise. Sa puissance n'est pas limitée par l'inexpérience et le tempérament de Jérémie. Au contraire, ce qui peut paraître un défaut au premier degré est le moyen par lequel Dieu fait éclater sa gloire.

En conclusion, l'objectif de cette étude n'est pas spécialement l'analyse systématique du livre, encore moins un long développement d'ordre prophétique. C'est surtout une approche de Jérémie, l'homme de Dieu, accomplissant un ministère ingrat avec une vaillance et une fidélité absolues. Le message percutant de ce livre n'est pas amoindri par les réactions personnelles du prophète qui déclare la Parole de Dieu telle qu'il la reçoit et quelles qu'en soient les conséquences désagréables pour lui. Dieu cherche encore aujourd'hui des hommes et des femmes, des jeunes et des aînés de cette trempe pour bâtir et planter (cf Jérémie 1.10) malgré un monde délabré et une chrétienté disloquée. Il est vrai que le découragement peut nous envahir sans faire de bruit à la vue d'adversaires si nombreux, mais c'est aussi pour nous que Jérémie 1.19 a été écrit: «Ils te feront la guerre, mais ils ne te vaincront pas; car je suis avec toi pour te délivrer, dit l'Eternel.»

Philippe Favre

 


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