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11. Manassé et Amon - L'abîme après la cime

1. Un fils indigne de son père

C'est bien connu, les plus grands précipices avoisinent les plus hauts sommets: il suffit de contempler les impressionnantes parois nord des Grandes Jorasses ou de l'Eiger pour s'en convaincre.

Ezéchias avait accédé à de hautes altitudes dans sa vie spirituelle et sa communion avec Dieu; mais Manassé plongea rapidement dans les profondeurs de l'idolâtrie, agissant plus mal que tous les rois d'Israël et de Juda qui l'avaient précédé, (2 R 21:7,11) et même de manière plus abjecte que les peuples de Canaan épargnés par Israël. (2 Ch 33:9, 2 R 21:9)

Et encore il eut tout loisir d'entraîner Juda dans cette descente vertigineuse, puisqu'il accéda au trône à l'âge de 12 ans et s'y maintint jusqu'à l'âge respectable de 67 ans. Il régna donc pendant 55 ans. (2 R 21:1; 2 Ch 33:1)

La liste de ses méfaits est particulièrement impressionnante: (2 R 21:2-8; 2 Ch 33:2-8) Il rebâtit les hauts lieux que son père Ezéchias avait détruits, érige dans la maison de l'Eternel même de nouveaux autels et une idole d'Astarté, répand beaucoup de sang innocent "jusqu'à en remplir Jérusalem". Il pratique ouvertement l'occultisme et la magie, tire des pronostics des serpents et des nuages, et fait passer ses fils par le feu, toutes pratiques que l'Eternel avait formellement interdites. (De 18:9-14)

Dieu commence par envoyer à Manassé "ses serviteurs les prophètes" qui annoncent qu'il "nettoiera Jérusalem comme un plat... qu'on renverse sens dessus dessous après l'avoir nettoyé", (cf. 2 R 21:10-15) en raison de toutes les abominations qu'il a commises. Mais le roi ne veut rien entendre. Bref il agit toujours plus mal, et même refuse de prendre garde aux divers avertissements (Jé 7:31, etc.) que lui adressent des prophètes inconnus, (2 R 21:10-15; 24:2-4; 2 Ch 33:10) mais tous chargés de mission par l'Eternel.

La mesure est comble! Déjà près d'un siècle auparavant, le prophète Amos avait prévu le jour où Juda serait châtié (A, 2:4-5) parce qu'il aurait "dépassé les limites" (Am 2:4, v. Semeur) de l'acceptable, Dieu ne pouvant plus révoquer son arrêt. Et cependant et contre toute attente, une lueur d'espoir va encore se lever sur Juda !

2. Un fils qui se ressaisit

Car Dieu ne livre jamais sa créature à un châtiment extrême sans lui fournir au préalable une ultime occasion de se repentir. Ainsi, le roi d'Assyrie enchaîna Manassé et l'emmena captif jusqu'à Babylone (2 Ch 33:11a) – ce qui laisse entendre que Ninive était alors devenue vassale de la grande capitale chaldéenne. Et là dans sa prison, Manassé va enfin réfléchir, s'humilier (2 Ch 33:11b-12) et se frapper la poitrine. Evidente démonstration du fait que même dans les pires situations, un nouveau commencement en Dieu demeure possible!

Dans sa détresse, Manassé implore la miséricorde du Dieu d'amour, qui se laisse fléchir par sa prière. (2 Ch 33:12,19) Le texte sacré ne nous révèle pas cette prière, mais des écrits fantaisistes s'en sont faits l'écho, au point que certains auteurs les ont incorporés à la série des livres Apocryphes de l'Ancien Testament. Ajoutons toutefois que ni le clergé juif ni la tradition catholique – et encore moins les réformés ou les évangéliques – n'ont jamais reconnu à l'homélie légendaire intitulée La Prière de Manassé une quelconque authenticité ou inspiration divine.

Il n'en demeure pas moins que Dieu démontre son immense miséricorde envers le renégat repentant, puisqu'il l'arrache à son infortune et à sa captivité, le ramène à Jérusalem et lui redonne son trône. (2 Ch 33:13) Et non seulement Manassé reconnaît que l'Eternel est Dieu et fait disparaître les autels païens de "la ville de David", mais il reconstruit celui qui est dédié à l'Eternel, en ordonnant à Juda de servir tout à nouveau le Dieu de ses pères. Par ailleurs, la bénédiction spirituelle entraînant des reconstructions matérielles, il redonne vie à Jérusalem en érigeant portes et murailles "jusqu'à une grande hauteur", (2 Ch 33:13-16) alors que l'armée de Juda est réorganisée.

En dépit de tout, un acte de repentir sincère peut fléchir le bras miséricordieux du Dieu d'amour, même si ce bras a déjà commencé à sévir en jugement. Ce constat est vecteur d'espoir pour les générations contemporaines pour lesquelles la grâce divine n'est pas épuisée, même si, à l'instar de Manassé, elles ont multiplié leurs affronts au Dieu des cieux en s'enfonçant plus que les précédentes dans les abîmes du vice. N'est-il pas prêt à user de patience envers tous, "ne voulant qu'aucun périsse", mais que toutes et tous "parviennent à la repentance"? (2 Pi 3:9)

3. Un petit-fils, encore plus indigne de son grand-père!

55 ans pour le règne de Manassé, 2 ans pour celui d'Amon, petit-fils d'Ezéchias. Il fit ce qui est mal... il sacrifia à toutes les images taillées... il se rendit de plus en plus coupable... mais il ne s'amenda pas comme Manassé son père. (2 R 21:20-22; 2 Ch 33:22-23) Ah, n'est-il pas plus aisé de suivre l'exemple de l'infidélité et de la débauche que celui de l'humiliation et du repentir ?

Dieu n'a pas renouvelé envers Amon la bonté dont il fit preuve in extremis à l'égard de Manassé. Amon a agi effrontément dans ce que le ciel réprouve, au point de ne plus avoir accès à la repentance. (cf. Lu 15:7; Hé 6:6) Son sort fut rapidement réglé, puisque ses propres serviteurs complotèrent contre lui et l'assassinèrent. (2 R 21:24; 2 Ch 33:24) Le petit-fils d'Ezéchias aurait encore pu marcher dans les voies de son grand-père ou s'amender comme son père, mais il s'était endurci contre l'Eternel et fut ainsi châtié comme il le méritait.

S'il est des cités, comme Chorazin, Bethsaïda ou Capemaüm que Dieu châtia parce qu'elles avaient refusé de se repentir après les miracles messianiques accomplis dans leur sein, (Mt 11:20-24) il est des individus comme Esaü, Pharaon, Judas... ou Amon, qui se sont délibérément engagés sur la voie d'un jugement irrécusable! (Hé 12:16-17; Ro 9:17-18; Jn 13:27)

Lorsqu'en toute connaissance de cause, l'homme se livre au mal, et cela en dépit des sollicitations de la grâce et des avertissements solennels que Dieu lui adresse, il ne saurait franchir impunément le seuil de l'irréparable. Le Nouveau Testament atteste la situation dramatique de ceux qui, aujourd'hui encore, s'excluent eux-mêmes (cf. Lu 7:30) du plan de grâce que Dieu avait décrété en leur faveur. En raison de leur refus de la vérité, ils deviennent la proie d'une puissance d'égarement qui les oblige à croire au mensonge. Dès lors, ils ne peuvent plus accéder à la repentance et au pardon et, péchant contre l'Esprit, ils sont voués à la damnation éternelle.

Heureusement que, pour le royaume de Juda, le fil de l'histoire ne s'est pas encore rompu, puisqu'un petit garçon de huit ans (2 Ch 33:25, 34:1) va changer le cours des choses...

 


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